Le Dépaysement, de Jean-Christophe Bailly, lu par Juan del Rey
mercredi 6 avril 2016
Dépaysement : lorsque j’ai pensé à ce mot pour le titre, j’ai aussitôt vu sa richesse polysémique, mais le sens premier était le plus simple et le plus immédiat, celui qui arrive lorsqu’on dit que l’on est « dépaysé » devant telle scène de genre ou tel paysage, soit parce que l’on se retrouve effectivement ailleurs, transporté très loin de ce que l’on connaît, soit au contraire parce que ce que l’on connaît ou croyait connaître s’est transporté de soi-même dans un ailleurs indiscernable mais présent. Quel est donc, se demande-t-on alors, quel est donc cet ailleurs qui est ici ? Ce que j’ai tenté, au fond, c’est de creuser cette question, c’est de sonder, le long des pistes d’identification qui venaient à ma rencontre, les étranges et imprévues bifurcations qui survenaient toujours, qui toujours emmenaient le pays au-delà de lui-même, le rendant en quelque sorte infini.
De cet infini, seuls des îlots, des pièces détachées, des fragments pouvaient donner la mesure. Opus incertain, archipel, puzzle inachevé dont bien des pièces ont été perdues – toutes ces images me conviennent. A travers elles en effet se dessine tout autant ce qui m’a échappé que ce que j’ai perçu ; le point de fuite (…), c’est aussi, en chaque point du territoire abordé comme sur la carte dépliée, l’immense réseau latent des destinations non suivies : tout ce que je n’aurai fait que frôler et, plus encore, tout ce que j’aurai oublié de suivre ou de connecter. »