Combien de nuits debout
jeudi 7 avril 2016, par
Dos broyé, pieds trempés, tête toute retournée.
Quelques heures ensemble dans la pluie et le froid. Peinant à trouver un abri. Inconnus, réunis par qui ? Par quoi ? Une envie ? Une inquiétude ? Une colère ? Un désir ? Une quête ?
Trop de solitude.
Pas assez vraiment seuls.
Dehors, nuit.
Une petite communauté éphémère, à peine éclaboussée par les lumières du Palais de l’Empereur, du théâtre national, de la bibliothèque nationale et de la préfecture, surtout nationale. Architecture prussienne, pleins feux. Le pouvoir passe. Atlantes et cariatides ne portent plus que des balcons abandonnés. Les dieux tressaillent. D’aucuns disent qu’ils sont déjà morts.
Au milieu de la place, sur un piédestal, la statue d’une femme, deux jeunes hommes allongés à ses pieds ou sur ses genoux. Je ne sais plus. Je sais juste que sur le socle est écrit « À nos morts ». Pas comme ailleurs. Des morts sans pays parce que trop compliqué de graver constamment un nouveau nom de patrie.
Nos morts, alors que nos vies.
Un peu à l’écart, sous un arbre, des voiles sont accrochées aux branches. L’abri tant attendu. Le groupe s’y protège. Le silence laisse place à un brouhaha joyeux, foutraque, libérateur. La nuit décidément propice aux racontars de tous poils. Les paroles reprises en choeur pour les faire circuler au-delà du premier rang, faute de sono. Inquiétante mélopée au début que ces paroles reprises en choeur. Psaumes laïques ou incantation chamanique. Très vite mon oreille s’habitue à ce chant étrange. Elle attend désormais la répétition et les subtiles variations. Cela finit même par stimuler mon imagination et ma pensée.
Qu’importe le sol détrempé et la boue. Dessus des femmes et des hommes fabriquent un rêve général conscient et éveillé. Notre bien commun. Un mouvement citoyen. Un début ?
Première #NuitDebout #Strasbourg #35mars