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Atelier autour des oloés
mercredi 26 septembre 2018, par
Imaginons une façon d’envisager la ville qui consisterait en l’observation des lieux en fonction de ce qu’on peut y faire de façon discrète, voire invisible : lire, écrire, penser, rêver. L’oloé s’inscrit dans cette thématique. Qu’est-ce qu’un oloé (Où Lire Où Écrire) ? C’est un lieu où il est possible (ou non) de lire et / ou d’écrire :
Où lire sur une avenue ? Comment réussir à écrire quand les radios, leurs flashs, leurs tubes ont envahi les cafés, les boutiques et le système nerveux, les couloirs, les entrées, les quais ? Où s’asseoir quand tout nous porte à marcher en pressant le pas, serrer son sac et droit devant rentrer chez soi le plus vite possible ? Où penser ? Où rêver ? Les « oloés », ce seraient ces endroits où lire où écrire (le second o pouvant se comprendre également, c’est au choix, comme un où sans accent), de ville, de mer, de campagne qui font une brèche, nous y accueillent. L’idée n’est pas de fuir mais plutôt de creuser. (…) Des lieux où s’attacher, se concentrer, se laisser distraire ; s’alléger, se lester, jouer des dimensions.
Anne Savelli Des oloés, espaces élastiques où lire où écrire, éditions publie.net, 2020
Cette réflexion a pour point de départ un texte de Virginia Woolf qui évoque la « chambre à soi » ou « lieu à soi » des écrivains et écrivaines :
Il est indispensable qu’une femme possède quelque argent et une chambre à soi si elle veut écrire une œuvre de fiction. (...)
Tout semble s’opposer à ce que l’œuvre sorte entière et achevée du cerveau de l’écrivain. Les circonstances matérielles lui sont, en général, hostiles. Des chiens aboient, des gens viennent interrompre le travail ; il faut gagner de l’argent ; la santé s’altère. De plus, l’indifférence bien connue du monde aggrave ces difficultés et les rend plus pénibles. Le monde ne demande pas aux gens d’écrire des poèmes, des romans ou des histoires ; il n’a aucun besoin de ces choses. (…) Si, en dépit de toutes ces difficultés, quelque chose naît, c’est miracle ; et sans doute aucun livre ne vient-il au jour aussi pur et aussi achevé qu’il fut conçu. Mais les difficultés, pensais-je, étaient infiniment plus terribles quand il s’agissait de femmes. Et tout d’abord il était hors de question qu’elles eussent une pièce personnelle, ne parlons pas d’une pièce tranquille ou à l’abri du bruit — à moins que leurs parents ne fussent exceptionnellement riches ou de grande noblesse — et cela jusqu’au début du XIXe siècle.
Virginia Woolf, Une chambre à soi, 1929, traduction de Clara Malraux
Réflexion qui infuse toujours dans la littérature contemporaine. Ainsi, chez Juliette Mezenc, qui se penche sur les lieu d’écriture de plusieurs d’entre elles (Sylvia Plath, Nathalie Sarraute, Hélène Bessette...) :
vroom !
Parce que la chambre : THE place to écrire, espace physique et symbolique.
Parce qu’elles ressemblent à quoi, ces chambres, en vrai ? Qu’est-ce qu’elles ont à nous livrer d’autre que les secrets d’alcôve dont on n’aura pas souci ici ? J’entends : quels liens entre chambre et création, entre conditions matérielles et productions littéraires ? Qu’est-ce que la chambre fait à l’écriture ? Écrit-on la même chose de la même façon selon que l’on se trouve dans une chambre borgne, une chambre de bonne, dans un salon ouvert à toutes les interruptions, un bureau prévu à cet effet ou encore dans un bistrot soigneusement choisi, avec ou sans wifi ?
Juliette Mezenc, Elles en chambre, éditions de l’Attente, 2014
Comment faire pour explorer cette thématique par l’écriture ? Concrètement il s’agira, durant l’atelier, d’expérimenter les lieux afin d’y trouver des espaces à soi, à l’intérieur comme à l’extérieur, afin de voir ce qui résiste et ce qui peut s’apprivoiser. Cette expérimentation se fera en trois phases :
1. In situ, travailler à partir de ce qui sera identifié comme points de timidité maximum (recherche, mise en situation, observation de soi et de l’environnement, prise de notes) puis dans l’oloé proprement dit (recherche, installation, écriture)
2. En salle, deux exercices d’écriture directement liés à ce travail.
Le premier, lié aux points de timidité, s’interrogera en les « tressant », sur les notions suivantes : expérimenter le lieu / expérimenter le corps / expérimenter l’écriture.
Le second utilisera le texte écrit dans l’oloé pour le retravailler en se posant la question suivante : comment enrichir le propos, étendre le champ d’observation en faisant appel à ses expériences d’écriture (même minimes), ses souvenirs, ses connaissances et l’expérience collective de l’atelier ?
Liens supplémentaires :
Oloé du monde entier, site contributif
Article Wikipedia sur Une chambre à soi de Virginia Woolf
Articlede Médiapart sur Elles en chambre