6 rue Jean Longuet

Le 6 rue Jean Longuet, à Châtenay-Malabry.

Le petit portail de métal peint en vert ouvre sur une trouée de vert au milieu de la ville, comme si personne d’autre n’habitait derrière à part les arbres et la solitude.

Le tag rouge qui jure avec le vert rouillé du portail, apparu on ne sait quand pendant les 6 dernières années. Personne ne pourra jamais le lire à part peut-être celui qui l’a mis là.

Les arbres débordent au-dessus du grillage et s’épandent de tout leur feuillage au milieu de la rue sans que personne ne vienne pour leur tenir compagnie.

Le panneau « À VENDRE » qui remplace les arbres. Les appartements ne sont pas au 6 rue Jean Longuet. Le propriétaire des arbres les a laissés mourir pour avoir ce panneau. Il est toujours invisible, aussi silencieux que ses colocataires.

Le lampadaire s’est un peu plié et personne ne l’a redressé.

Une mère passe avec sa fille. Les plantes repoussent déjà sous le panneau, le grillage a presque disparu sous la cascade de branchages. Elles marchent sûrement vers l’école, ou vers chez elles, mais pas vers le 6 rue Jean Longuet. Personne de visible ne s’y rend. Un nouveau tag apparaît, de temps en temps, sans que quiconque ne vienne le dessiner. Un matin, simplement il est là.

Un panneau indique des travaux, une voiture sort de sa place de parking. Ça n’a probablement pas de rapport ni avec la mère, ni avec la fille, qui pourtant viennent de cette direction. Mais ce n’est pas la faute des arbres.

Le mystérieux avis qui s’est ajouté sur le portail rouillé, illisible, incompréhensible, inutile, restera ignoré par les passantes. Mais le propriétaire invisible du 6 rue Jean Longuet l’a vu, le connait, l’a lu. Personne d’autre ne l’a lu.

Les chantiers sont toujours là, mais ce sont bien les seuls. Les passantes, les arbres, le portail vert a disparu. Un étrange bureau solitaire est apparu, comme sorti d’un openspace pour être déposé là, expatrié, solitaire. Il n’y a personne dedans.