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Anne-Laure

lundi 18 novembre 2019, par Anaïs Abrantes

J’ai 36 ans, je m’appelle Anne-Laure. Le matin je prends toujours mon petit-déjeuner debout. Lorsque je suis au téléphone, je ne peux pas rester immobile, je fais les cent pas. Je déteste écouter la musique à fond dans la voiture, mais j’adore le faire avec mes écouteurs.

Quand je rentrais du travail chez moi c’était avec joie. Et quand j’étais petite je pensais que la lune me suivait ; maintenant, c’est moi qui cherche à l’atteindre.
Je vis dans l’écoquartier ; je ne me sens pas à ma place. Je n’en parle pas car je ne veux pas être bannie, je ne saurais pas où aller. Tout ce que j’aime faire, je ne peux plus le faire.

Alors quand je marche dans la rue, je me demande quelle réaction je créerais chez les autres si jamais je me mettais à chanter ou danser. Quand je rentre chez moi, je souris et je fais le tour de mes voisins âgés pour savoir s’ils vont bien ; en vérité c’est qu’en échange je sais qu’ils me prépareront de bons petits plats. Je me sens observée, jugée, limitée. Alors je souris, je dis bonjour, je ne demande jamais si la journée s’est bien passée, ça serait malpoli. Je sais que la collectivité doit passer avant tout, que l’extérieur doit être détesté, qu’ici ça doit être le paradis.
Je prends le tramway chaque matin pour aller travailler. J’adore être mêlée à la foule, alors que je détestais ça, parce que je me sens vivre. Ca me rappelle les vagues de l’océan. J’adore les bruits blancs, je déteste le silence. Quand je me balade dans l’écoquartier, je parcours un désert aride malgré les arbres verdoyants. J’adore le rire des enfants ; il n’y en a plus dans l’écoquartier. J’adore la lecture c’est une échappatoire. Je suis obligée de les acheter à l’extérieur, il n’y pas de magasins ici et aucune importation officielle n’est acceptée. J’aimerais ouvrir une librairie.

Je n’ai pas envie de rentrer. Je déteste rentrer le soir – je crois que je le répète. Mais je n’ai pas encore dit que je fais exprès de rater le tramway : je fais exprès de rater mon train. J’écris dans le train, mais j’arrive à ma station. Je plaque un faux sourire sur mes lèvres, je soupire : « ah enfin chez moi ».

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