Les Nouveaux-Champs, une ville à voir

La ville des Nouveaux-Champs laisse aux voyageurs qui l’arpentent des souvenirs étonnants : on m’a parlé d’un couple de pigeons ayant interrompu le trafic pour traverser, droits dans leurs bottes comme une vache à New Delhi. On m’a parlé aussi d’une habitation fort luxueuse, perdue au milieu des immeubles comme une rose au milieu des ronces, et encore du souci méticuleux que les habitants ont d’enfouir au coeur des buissons un peu d’eux-mêmes : un porte-plume, le plan du métro, un kit à splifs. Mais en réalité, les pigeons des Nouveaux-Champs gênent plus la circulation qu’ils n’y insufflent un peu de grâce, l’habitation remarquée n’est pas celle d’un roi mais d’un paria. Bien moins qu’une part d’eux-mêmes, ce sont leurs ordures que les habitants répandent au bord des routes.

Non, la ville des Nouveaux-Champs n’a rien de merveilleux, et il faut avoir bien de l’imagination pour lui prêter d’étonnantes qualités : moi qui y ai vécu, je sais qu’on ne rend pas grâce aux dieux du bois de Grâce en accrochant des rubans aux branches des arbres, non, c’est la façon locale de veiller sur la forêt. Les pilates qui sévissent aux Pyramides ne sont pas de dangereux trafiquants du Canal de Suez, mais nos plus grands philosophes. La limitation de vitesse à cent-dix kilomètres heure ne concerne pas tant les voitures invisibles que nos meilleurs sprinters, qui font d’ailleurs la fierté de notre ville.