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Contre l’axe
jeudi 27 septembre 2018, par
Il y a deux façons d’arriver à Champs-sur-Marne au niveau de l’axe de la Terre qui y passe et sort de la lave séchée : en tournant autour de ce rond-point dans le sens horaire ou dans le sens anti-horaire.
Dans le sens horaire, le chemin à parcourir sera beaucoup long. Le voyageur qui, à son arrivée dans la ville, choisit ce sens, verra les voitures ralentir, les passants levant un pied pour marcher ne pas le reposer, le chant des oiseaux basculer dans les graves et les oiseaux immobiles dans le ciel, yeux fermés, leur vol figé. Il sait qu’il n’en est rien, que tout autour de lui la ville continue à sa vitesse de croisière, que les passants se pressent pour arriver à l’heure dans le bureau ou dans l’amphithéâtre, le café brûlant leurs doigts acheté trop vite à la gare. Mais il y pense comme à un lieu de repos, de calme infini, où l’on sait prendre le temps, où l’on peut, enfin, s’arrêter.
Dans le sens anti-horaire, celui de la rotation de la Terre, qui nous emporte malgré nous, au contraire, la voyageuse arrive et les voitures se mettent à rouler si vite qu’elles disparaissent, les passantes ne courent même plus mais se téléportent, les oiseaux forment sur la rétine les traces de leur passage supposé. Elle sait qu’il ne se passe pas exactement ça, et qu’autour d’elle les convives assis dans l’herbe dégustent un pique-nique dont le dessert n’en finit pas, et qu’au-dessus de leur tête, assis sur les branches des arbres, des écrivains tracent dans leur carnet de lents poèmes tandis que les oiseaux encore dans leur nid tardent à se lever. Mais elle y pense comme à un passage expéditif où tout se règle, à un revirement qui fait voir hier comme un débris enfin jeté sur le bas-côté, quelque part où l’on peut, enfin, passer.
Peut-être vont-ils dans la même direction, mais leurs sens s’opposent, s’ignorent et pour savoir s’ils se rejoignent une fois passé cette frontière ronde, il faudra les accompagner.