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Une soirée normale, un homme normal (1)

samedi 13 avril 2019, par Lukas Senac-Kendall

Je sors. Je sors dans la rue.

Fait froid. Fin de journée. Beaucoup de soleil. Heure d’été. Réchauffe. Fait quand même froid. Aurait dû mettre un pull ou T-shirt manche longue au lieu de T-shirt manche courte sous chemise. Aurait aussi dû prendre vrai manteau que truc long en cuir. Devrait rentrer me changer. Flemme. Je marche.
Je marche. Mes pieds sur le pavé.

Pourquoi est-ce que personne n’aime la musique que j’aime ? Elle est bien ; elle est vraiment bien, sous toutes les formes. Pas sur le pavé. J’écoute des tubes des années 90 en ce moment, tout le monde devrait être très content puisque c’était il n’y a pas longtemps. Remarque : pas mes écouteurs. Mets la main dans la poche droite du truc en cuir. Emmêlés. Les dénoue avec mes deux mains, mes quatre doigts. Pénible. Y arrive un peu. Y arrive mieux. Les accroche au téléphone, les mets dans les oreilles. Lance musique. Bonne cadence, accélérée. Je marche. Mes pieds sur le pavé au tempo doublé. Marche comme si je portais des talons. J’en porte en bottines. Puissance.

Pourquoi personne n’aime la musique que j’aime ?

Talons qui claquent. Entend pas, le sent. Génial. Tortille du cul. Personne voit sous le truc long en cuir. Prend portable, mets dans poche arrière pantalon, enlève truc long en cuir ; le jette. Claque sur sol, comme un fouet. Tortille du cul. Bouge des épaules. Puissance. Roi de la rue.

Génial.

Tout le monde me regarde. Hommes. Femmes. Groupe d’hommes. Femmes me regardent comme exceptionnel, bandant ou fabuleux. Hommes dégoûtés de rire, parfois de poing, rarement de faim. Je les tue tous. Craque leur mâchoire du plat de la main, éclate leurs faces leurs yeux de mes poings avec du sang dessus, les écrases avec mon sceptre ; je suis le roi. Je suis la puissance. Personne en peut me détrôner. Je ne les crains pas. Personne n’a le droit de me tuer. Je suis le seul. Et ce soir je suis le roi.

Nuit. Longue marche. Bar. Monde. Mêmes regards que les femmes. Même regards que les hommes. Les tuent aussi. Claque mes talons. Claque les portes battantes. Rentre.

La soirée peut commencer.

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