Le parking

Longtemps, on a été tolérant. Les pictogrammes n’y suffisent pas, il y a toujours des véhicules contrevenants. Une bande de voyous est envoyée sur les lieux. Comment ont-ils été recrutés ? À une heure tardive dans les chantiers de fouilles archéologiques. Ils sont enchaînés les uns aux autres et se déplacent ainsi, en paquet. Ils ont des tournevis pointus et des sacs de cailloux. Fumer dans le parking est interdit alors ils mâchent des morceaux de lianes. Cracher est interdit aussi, alors ils avalent le jus. Ils portent des blousons de cuir et des petits pansements sur les joues ou le menton parce qu’ils se sont coupés en se rasant. Ils arrivent devant le véhicule contrevenant. Ils lancent leurs cailloux sur le pare-brise, ils rayent la peinture et percent les pneus avec leurs tournevis. Puis ils regagnent leur poste en faisant tintinnabuler leurs chaînes. L’idée n’a pas été retenue. Un bureau spécialisé est dédié aux problèmes non résolus par les bureaux normalement en charge des dossiers. On y réfléchit mieux. On y dessine encore plus, sur de grands tableaux blancs, avec des flèches de couleur. Concernant les véhicules garés à l’envers, on a plusieurs pistes, on étudie la question. On va trouver. On a toujours trouvé.

Laurent Graff. Grand absent. Le Dilletante, 2014.


C’est un lieu que l’on croit connaître, tout ce qui s’y passe nous semble normal : ses règles, ses contraintes, ses possibilités. Pourtant, si l’on se place d’un point de vue extérieur à la norme, comme un être venu d’une autre galaxie, que voit-on ? Que voit-on réellement, au premier degré, ayant abandonné ses connaissances antérieures, si l’on se met à douter de ce qui nous paraissait, l’instant d’avant, le plus évident ? Et si l’on voit des problèmes, comment les résoudre de cette manière "non retenue" ?