GEnove
Il y a les tags plus ou moins politiques, comme dans le tunnel de la via San Bartolomeo della Certosa (Genova un cuore grande cosi), via Cantore (Genova antifa), via delle Fontane, sur les piliers de la Sopraelevata, ou à Carmine (Mi hanno rubato il prete), et dans les quartiers populaires (et excentrés).
Il y a les milliers de tags que des mouvements plus ou moins organisés, plus ou moins jeunes, plus ou moins politisés graffent à longueur de temps sur tous les murs du centre historique, pour toutes les luttes politiques contre-culturelles et bien pensantes et plus ou moins d’actualité. Une vraie inspiration pour se démarquer :
Più prati meno preti | Plus de prés, moins de prêtres |
Odia la noia | Je hais l’ennui |
Anch’io sono disposto a morire, ma non di noia |
Je suis disposé à mourir moi aussi, mais pas d’ennui |
Biologico = gentrification | Bio = gentrification |
Organizziamoci in comuni autogestite | Organisons-nous en communes autogérées |
W la scienza | Vive la science |
Genovacab | Gênes ACAB |
Volti coperti, liberi pensieri | Visages couverts, pensées libres |
Non essere spettatore, partecipa al disordine |
Ne sois pas spectateur, participe au désordre |
- Europa + Africa | - d’Europe, + d’Afrique |
Ogni sbirro è frontiera | Chaque flic est une frontière |
Meno libertà, più ugualianza à quoi l’on a ajouté = Stato di polizia sur lequel on a changé le polizia en Delizia |
Moins de liberté, plus d’égalité / = État de |
Vogliamo il campari | Rendez-nous le Campari |
Il capitalismo non funziona suivi d’une faucille et d’un marteau, à quoi on a ajouté Ancora, à quoi on a ajouté Per ora funziona |
Le capitalisme ne marche pas / Encore / Pour le moment il marche bien |
Ora sei libero di scegliere per che cosa essere schiavo | À présent tu es libre de choisir de quoi être l’esclave |
La movida è pace sociale | La movida c’est la paix sociale |
Eat the hipsters like the chipsters | Mangez les hipsters comme les chipsters |
Anti hipsters zone | Zone anti-hipsters |
Aiutiamo i nostri compagni imbianchini, | Donnons du boulot à nos camarades peintres (qui repeignent les murs) |
À quoi s’ajoutent tous les slogans contre les politiques, voire les architectes, la ligne à grande vitesse, le Piano casa, le G8, etc.
Et puis il y les admonestations de la Melina. La Melina est une espèce de vagabonde qui façonne de petits ex-voto la plupart du temps sous forme d’inscriptions de lettres capitales blanches dans des cœurs peints également de blanc. On les trouve pratiquement à chaque coin de rue, en particulier dans les lieux populeux ou touristiques.
Ses inscriptions répètent toujours les mêmes choses : la paix, l’amour et Dieu ; qu’il faut communiquer, se parler, se toucher, et ne pas salir la nature. Sur les bâtiments, les murets, les statues, les monuments historiques, les arbres, les poteaux, les compteurs électriques ou gaziers, partout partout partout.
Celle-ci diffuse ses messages de lettres blanches, avec force fioritures, dans une poésie proche de l’art brut ; et pas seulement à Gênes et dans ses quartiers les plus excentrés. Banksy du pauvre, l’inénarrable et infatigable Melina Riccio dépose ses poésies naïves ad nauseam partout où elle va. À Rome, devant l’entrée principale de la gare Termini, elle est encore là.
Benoit Vincent. Editions Le Nouvel Attila/Othello, 2017.
Les murs ont donc la parole, et s’y expriment la politique et la non-politique, les murs ne font pas que contester, il suffit d’avoir le désir de s’y épancher pour les recouvrir.
Quant aux graffitis les plus courants, ou historiques, les graffitis politiques, les graffitis qui marquent aussi une époque, une génération, ils sont un exercice de style : courts et percutants, ils doivent porter en eux leur idée politique, claire, identifiable. Tract, mot d’ordre, humour, ironie... Ils sont tracés dans l’urgence. Et parfois le graffiti de base est complété, une fois, deux fois, par d’autre graffeurs qui viennent jouer avec.