Chez soi
Rien de plus excitant que les dessins et les maisons. Alors, que dire des dessins de maisons ? Ils conjuguaient et multipliaient deux formes de magie. Quand, à l’âge adulte, j’ai découvert Ma vallée de Claude Ponti, j’ai regretté de ne pas avoir pu lire cet album enfant, tant j’aurais voulu me projeter dans les pièces rondes et biscornues de l’Arbre-Maison avec la même intensité que je m’étais projetée dans la maison-théière et dans d’autres. Ponti en propose un plan en coupe sur une page entière. Un escalier serpente de la cave au sommet du tronc, desservant sept niveaux ou demi-niveaux, chacun ou presque pourvu d’une cheminée. Tout en haut est aménagée une chambre des étoiles, avec un télescope devant la fenêtre à croisée, une mappemonde, un canapé, une petite bibliothèque. Juste en dessous, dans la salle de bains, la baignoire dispose elle aussi d’une vue imprenable sur le firmament. À l’étage des chambres qui comprend une chambre pour dormir avec beaucoup d’amis, dans la salle dite de la balanquette, un canapé rouge est suspendu au plafond par des chaînes juste à la hauteur d’une fenêtre. Je rêverais de travailler au petit bureau éclairé par une lampe que l’on aperçoit en retrait, niché sous les marches de l’escalier et attenant à une autre bibliothèque. (La grande bibliothèque, toutefois, se trouve plus bas, à côté du lit à lire au chaud, opportunément chauffé par le foyer de la cuisine-salle à manger situé à l’étage inférieur.) La piscine intérieure et la chambre des trapèzes - exauceraient Idéalement mon fantasme de réclusion prolongée sans l’inconvénient du ramollissement physique. Quant à la nourriture, les réserves d’hiver entassées dans les caves y pourvoiraient sans difficulté.
Mona Chollet, Chez soi, une odyssée de l’espace domestique, éditions Zones, 2015