L’Oiseau de Caïn

Ce qui est curieux dans ces grandes bêtes qui dominent notre monde, c’est qu’ils adorent ériger de beaux tumulus, mais qu’ils les fuient sans cesse. Certes, leur amour et grand goût pour les belles choses n’est point à remettre en question – à l’exception de ces grands nids en verre qui se fondent dans le ciel, nombre de braves cousins y ont stupidement perdu la vie. Mais je n’arrive point à comprendre qu’un endroit si beau soit aussi solitaire de leur présence.

Les grandes bêtes pleurent leurs défunts, comme nous, mais comme ils ne peuvent voler et chanter comme nous le pouvons, je suppose qu’ériger de belles pierres brillantes est leur manière de porter leur deuil. Je ne peux que les comprendre – ah ce que j’aime les choses brillantes !

Peut-être que le souvenir de ces morts les blesse toujours, et que la mémoire de cette terre encore labourée de petit éclats de métal, semblable à ceux qui abattent nos lointains cousins si délicieux, a quelque chose de sacré pour eux ?

Ceci dit, j’observe régulièrement un jeune longer le lieu, en se dirigeant vers son nid, et méthodiquement ralentir son rythme de marche, pour le dévorer des yeux. Comme quoi la beauté des lieux ne leur échappe pas. Des fois, des grandes bêtes s’y arrêtent aussi, gesticulant aux côtés des tertres avec des bouts de verre colorés dans leurs mains – ah ce que j’en donnerais pour en piquer un ! Leur présence irrite souvent le jeune quand il a le déplaisir de les croiser, en son honneur et notre amour commun des belles choses, j’irais me délester sur eux !


Adnane Fathi