Le Mée
Je me souviens de cette maison, accolée à une vaste grange et située dans ce que j’aimais considérer comme étant l’archétype de la campagne. En opposition à la ville dont nous partions pour nous y rendre. J’adorais ce trajet, je me trémoussais d’impatience sur mon siège auto dès lors que je reconnaissais l’imminence de notre arrivée à ce que nous appelions Le Mée. Ce trajet, c’était aussi la vision de la nuque de mon père conduisant avec assurance et tranquillité vers ce qui s’apparentait, pour lui aussi, à un havre de paix.
Le Mée, c’était le nom du village, mais aussi de la maison, comme s’il fallait concrétiser par un nom la vie qui s’y déroulait de manière hebdomadaire, tous les week-ends. Cette maison c’était celle de ma famille, la mienne, celle de mon frère, de mon oncle, de mes cousins, etc… Cette maison, c’était la joie, la sécurité et la sérénité qui irradiait les visages familiers.
Cette maison c’était la joie d’y retrouver les visages amicaux de mes cousins ou de ma grand-mère. Grand-mère qui m’accueillait toujours avec une chaleur inconditionnelle, à la manière d’une cheminée. Cette maison, c’était la sécurité d’un lieu reculé, inaccessible, presque hors du temps. Ce temps qui passe qui se manifestait uniquement par l’apparition d’une tache rose dans le ciel, comme pour avertir qu’il est temps de rentrer et que toutes les bonnes choses sont éphémères.
Oui parce que cette maison, en dehors des innombrables souvenirs de parties de football dans ce jardin qui paraissait faire la taille réglementaire d’un vrai terrain, c’était aussi un apprentissage de mes propres faiblesses.
Comme le fait que ces gigantesques tiges, constituant un champ qui entoure la maison comme une barrière de protection, sont aussi paradoxalement une menace pour mes bronches. Au même titre que les acariens qui sont dans les draps, ou de la poussière qui tapisse le grenier et s’immisce dans les interstices de cette vieille maison.
Finalement, cette maison, c’était l’allégorie de la vie qui m’attendait, avec d’un côté l’idée que le bonheur peut se cueillir lorsqu’il est mûr, sans avoir besoin d’attendre que le fruit tombe par lui-même. Et de l’autre l’idée, toujours difficile à avaler, que certaines choses ne peuvent être contrôlées.
AG