Gaston Bachelard. Poétique de l’espace.
mardi 15 décembre 2020
La maison, dans la vie de l’homme, évince des contingences, elle multiplie ses conseils de continuité. Sans elle, l’homme serait un être dispersé. Elle maintient l’homme à travers les orages du ciel et les orages de la vie. [...] Avant d’être "jeté au monde" comme le professent les métaphysiques rapides, l’homme est déposé dans le berceau de la maison est un grand berceau.
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Nos souvenirs sont logés
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La chambre était-elle grande ? Le grenier était-il encombré ? Le coin était-il chaud ? Et d’où venait la lumière ? Comment aussi, dans ces espaces, l’être connaissait-il le silence ? Comment savourait-il les silences si spéciaux des gîtes divers de la rêverie solitaire ? Ici, l’espace est tout car le temps n’anime pas la mémoire. La mémoire — chose étrange ! — n’enregistre pas la durée concrète. [...] On ne peut revivre les durées abolies. On ne peut que les penser, que les penser sur la ligne d’un temps abstrait privé de toute épaisseur. C’est par l’espace, c’est dans l’espace que nous trouvons les beaux fossiles de durée concrétisés par de longs séjours. L’inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles, d’autant plus solides qu’ils sont mieux spatialisés.
Gaston Bachelard. Poétique de l’espace, 1957.