Nos îles numériques

entre connexion et déconnexion


Une respiration

lundi 1er février 2021, par AS
.Ce texte fait partie de la grande page navigable "Œuvre en cours".


Pendant que nous poursuivons notre travail sur ce site, Nos îles numériques (plus de 100 articles au total !), je prends le train pour la première fois depuis des mois. Je me rends à Marseille, où l’association La Marelle me reçoit en résidence. Ce train, le trajet jusqu’à la gare, l’attente, le scan du billet, je m’en fais toute une histoire, comme tout ce qui demande un minimum d’adaptation depuis l’oscillation. Une fois installée, une première annonce nous distille le blabla habituel, ou plutôt celui du Covid : la voiture-bar fermée, le masque obligatoire, n’oubliez pas les gestes barrières, déplacez-vous le moins possible... Sur internet, j’ai cherché à savoir si on pouvait éventuellement boire un peu de son eau ou croquer un sandwich home made, vite fait, mais n’ai trouvé que des réponses contradictoires. La voix dans le wagon n’en dit rien. Le train part. Nous roulons, prenons de la vitesse.
C’est alors qu’Éric intervient. Éric de Nice, comme il se surnomme, est le conducteur de ce train. Et il déroule longuement, lyrique, tout un discours sur la puissance de sa machine et la délicatesse, faite d’ombres et lumières, du paysage. Il nous conseille de quitter nos smartphones, d’oublier nos écrans et de regarder dehors. Il nous propose aussi, malgré nos masques sur le visage, de nous saluer, de nous regarder dans les yeux. Invisible dans sa cabine, Éric est drôle et poétique, technique et romanesque. À la fin, malgré ce qu’il vient de nous dire, il nous invite... à lui écrire sur Twitter ! C’est cela, l’aventure moderne. C’est l’humain revenu. Et c’est la raison pour laquelle je m’exécute : je veux l’inviter à nous rejoindre.
Éric nous fait rire, nous détend. Quelqu’un, sur le réseau, viendra lui dire que grâce à lui, il se sent comme à la maison dans son train. Je suis d’accord, l’expression est la bonne : le TGV file, fend la vie numérique, pandémique, pour parler d’autre chose et nous lier à l’instant.
À la Marelle, quand je raconte l’histoire, immédiatement on me dit : "Ah mais toi, il t’arrive toujours une aventure dans le train !" Et, il faut le reconnaître, quand je laisse venir, c’est vrai.