Rendez-vous manqué
lundi 14 décembre 2020
Nous étions jeunes alors.
À l’autre bout du fil de nos téléphones se créaient de nouvelles communautés... Il fallait absolument en être. Du haut de nos dix-sept ans on s’imaginait qu’avec un simple modem (sans majuscule, toi même tu sais), commencerait la Second Life.
La First n’étant pas terrible, tout demeurait possible, pensions-nous, dans la deuxième. Il était alors question d’un truc radicalement nouveau. Mais comme on s’était tous précipités dans la course à l’Internet la fleur au fusil et sans aucune connaissance préalable du truc, on avait tous fini par se retrouver à compter les bips du modem comme des incapables.
Après quelques heures fébriles à brancher / débrancher la prise série, à télécharger des bidules inopérants comme le tout premier navigateur (était-ce Altavista ?, rien n’est moins sûr...), on a tous fini par retourner dans nos chambres à jouer de la guitare, avec la queue basse et la mine déconfite de ceux qui venaient de jurer mais un peu tard qu’on ne les y prendrait plus.
La vérité, c’est qu’au début, Internet ne marchait pas. Mais alors pas du tout. Ce n’est pas faute d’avoir eu des informaticiens avec nous. D’avoir cru, ensemble, pouvoir partager nos idées avec un demi-milliard d’êtres humains. Mais le talent, à défaut d’humilité, nous manquait déjà. C’est la raison pour laquelle, renonçant pour de bon cette nuit-là à Internet, nous vouâmes au réseau des réseaux une haine quasi-inextinguible. Des rêveries qui peuplèrent nos vies d’adolescents, le monde connecté, ou du moins celui qui était en voie de l’être, ne saurait jamais rien.
C’est peut-être mieux comme ça.
Renzo le bibliothécaire