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entre connexion et déconnexion

Nombres

dimanche 1er novembre 2020

c’est une assez vieille histoire, ce n’est pas une histoire, il y a quelque chose avec cette affaire d’histoire de narration d’emporter le lecteur – ce n’est pas une histoire, ça devait se passer dans la tour soixante-six – c’eut été plausible que cela se passât dans la soixante et un comme sur l’autoroute du prix Nobel – mais non, soixante six si je me souviens bien mais au deuxième étage, il s’agissait d’un laboratoire – on avait à choisir deux options on prit mécanique informatique, (l’année suivante ce serait astronomie physique des particules) on entrait là mais avant, quelques semaines je suppose, on avait déjà écrit pas mal de lignes de codes – sur la Seine au bout de cette espèce de campus, il y avait des pousseurs qui remontaient le fleuve, il y avait sur l’autre rive la préfecture et sur la place un peu plus au nord, là où au faîte de la colonne sur un pied volait le génie (il n’était pas si doré, loin de là) – ce doit être un numéro du boulevard, aujourd’hui c’est un salon de coiffure t’as qu’à voir – il y avait un café tout en longueur, les salles du fond donnaient sur la rue de Bofinger c’est probablement une impasse, Beausire ça s’appelle : ces salles de l’arrière du café étaient occupées par des billards français, on y jouait aussi à ces moments perdus – perdus pour la poursuite des études ou gagnés sur le temps qu’on leur consacrait – on jouait aussi au blitz dans l’appartement de la rue de Tourtille, c’était au quatrième sans ascenseur (quand j’y pense, je revois Simone madame Rosa, je revois le petit Momo, j’entends à nouveau « le prix Goncourt mille neuf cent soixante-quinze a été attribué à monsieur Émile Ajar pour son roman intitulé « La vie devant soi ») le blitz est une sorte de jeu d’échec, on y joue vite, la partie ne dure pas plus de cinq minutes – ce sont les mêmes règles le même plateau les mêmes pièces et le but (mettre le roi adverse mat) est le même – on jouait, on riait, on s’amusait – et l’idée nous a pris, il y avait là Marc F. nous suivions les mêmes enseignements, l’idée nous est venue (puisqu’il s’agissait de se faire évaluer noter corriger) de recourir à un programme informatique pour déterminer toutes les cases que peuvent atteindre les cavaliers, les quatre cavaliers (de l’Apocalypse c’est un film de Minnelli, mais aussi un remake de celui de Rex Ingram transposé à la deuxième guerre mondiale - ce dernier film est muet, il est de vingt et un) – et en combien de coups minimum pour les atteindre toutes – on s’y était mis, on avait écrit puis ensuite on avait à retranscrire cette écriture sous forme de cartes perforées qui ressemblaient à celles qu’on voit maintenant parfois chez les turfistes – le même standard, le même modèle, les mêmes dimensions, on y pratiquait des trous rectangulaires, combien y en avait-il ? peut-être deux cents, la carte représentait-elle une ligne de code, je ne sais plus – on allait au deuxième étage de la tour soixante six, il y avait là une porte, qui donnait sur une espèce d’énorme machin(e) qui prenait toute la surface et tout le volume de la pièce, il y avait un lecteur de cartes dans le tiroir duquel sur leur tranche de plus grande dimension on déposait les fiches puis on ressortait, puis on suivait quelque couloir qui amenait à l’autre bout de la pièce – elle devait faire dans les vingt mètres carrés, sur trois de haut, ce qui vous donnerait une soixantaine de mètres cubes – puis là une imprimante plus ou moins dans les dimensions qu’on leur connaît aujourd’hui (la taille du listing, comme ça s’appelait, s’apparentait à un format dit A trois) vous sortait le ou les résultats qu’on avait espérés ou escomptés (le bord des pages était constitué d’un bandeau d’un centimètre de large, pré-découpé, dans lequel de multiples petits trous, tous les deux centimètres peut-être, ronds, avaient été pratiqués), ou les fautes, les erreurs, les incompréhensions – on avait à reprendre, on corrigeait, on s’amusait, on cherchait aussi (je ne sais plus combien de coups étaient nécessaires, non) – première année du diplôme d’études universitaires générales mention sciences des structures et de la matière, à Paris six, en soixante treize.

Piero de Belleville