Nos îles numériques

entre connexion et déconnexion

Les pingouins de Montréal

dimanche 1er novembre 2020

Ce devait être en 1998. A cette époque, on payait les premiers abonnements Internet en francs. On comptait dans notre pays moins de cinq cent-mille usagers, chiffre à mettre en regard des 30 millions de foyers équipés en 2020. Je travaillais alors à France Telecom, qui n’était pas encore devenu Orange. Je faisais des animations sur le tout nouveau Web dans des foires régionales, des salons généralistes. On venait me voir pour découvrir ce progrès : Alors, qu’est-ce qu’on peut faire avec Internet ? C’était la question récurrente.

Quelques mois auparavant, j’avais commencé à échanger des mails avec François Bon. Dans le désert du Web, François était incontournable dès qu’on cherchait à échanger autour de la littérature. Sur son site, on pouvait regarder les premières webcams. L’une d’elle, qui présentait en temps réel les pingouins du Biodôme de Montréal, me fascinait : c’était cela que je montrais aux visiteurs dans les salons en province.

Alors, qu’est-ce qu’on peut faire avec Internet ? Je désignais sur mon gros écran carré, le petit rectangle où on pouvait voir les oiseaux noirs et blancs dévaler maladroitement la glace de leur enclos pour atteindre l’eau. Les visiteurs ’approchaient, fronçaient les sourcils, incrédules, devant le petit film saccadé. Ça se passe en direct, j’affirmais, fier de la prouesse technologique. Mais je sentais bien qu’ils repartaient déçus de leurs attentes.

Thierry Beinstingel