Nos îles numériques à Dresde
Deuxième partie du projet conduit avec les étudiant.e.s de l'Université de Technologie de Dresde. Cette fois sur les Oloés, mot inventé par Anne Savelli pour "Où lire Où écrire", et un cheminement vers une île sans connexion.
Visages face à lʼécran — le portable ASUS métallisé sur une pile de livres
épais — Guy Debord,
Oeuvres — Georges Didi-Huberman,
Désirer, Désobéir— Dessus, lʼécran, lieu du monde — fenêtres sur des intérieurs — hors-champ des vies — parler — écouter — des univers entiers à la tête seule — puis dans ces pixels — donn²er la consigne — le monde en écriture — puis, dans lʼinterface, icônes brillantes — couper, rouge, le micro — éteindre, rouge, la caméra — puis, hors des mondes, revenir au mien — pousser le clavier, quelques centimètres et une surface apparaît, grise, lisse — cahier, stylo, jʼécris.
JS
Je prends mon sac. Jʼy mets mon livre. Je sors. Des escaliers. Des voisins. Des maisons. Je traverse une route. Quelques pas suffisent : la forêt sʼouvre à moi. À lʼentrée, à gauche,un banc tout blanc. Il me paraît trop haut, je mʼy assois. Mes pieds ne touchent pas par terre. Jʼai lʼimpression dʼêtre toute petite. Jʼobserve autour de moi. De grands chênes, leur odeur agréable. Le silence presque complet, seul le sifflement de quelques merles. Je prends mon livre et commence à lire.
Florence
Je suis parti dehors pour quitter mon ordinateur, mon téléphone portable, mon espace de travail. J’ai donc pris une couverture et ma bouteille d’eau, et je suis sorti de la maison. J’ai commencé ma promenade. J’ai tourné à droite vers la grande rue. Les voitures et les tramways ont été bruyants. Mais finalement, je suis arrivé au parc. C’était mon espace vert préféré à Dresde. J’ai mis ma couverture sur le sol. Je me suis installé à côté de l’arbre où j’ai passé plein d’après-midi avec mes amis. Je me suis demandé si cet arbre était mort, car il ne portait pas de feuilles. Bizarrement, il y a eu très peu de gens. Même si le soleil a brillé et qu’il a fait plutôt agréable. Je me suis laissé tomber vers l’arrière pour être allongé sur ma couverture. J’ai regardé vers le ciel essayant de trouver des images dans les nuages.
Sebastian
C’est agréable. Mais je ne suis pas mise à jour. Quel sentiment bizarre. Je n´ai aucune idée de ce que mes amis font. Je suis toute seule avec moi. Pas accessible ; éteindre. Toute la journée, forcément. Qu’est-ce que je peux faire de ce temps libre ? Quelle triste question. Comme si je ne peux pas vivre sans Internet. En commençant par la lessive, je passe une journée déconnectée. Se balader, écouter des oiseaux et demander à des gens la direction. Jouer de la guitare, réaliser qu’on a oublié les chansons. Lire un livre, même je n’aime pas lire. Cuisiner, sentir les épices méditerranéennes et gouter la sauce. Écouter un CD, quelle nostalgie ! Et réfléchir sur la vie. Pourquoi je ne prends pas plus de temps pour cela ?
Linda
Jʼai fermé la porte. Je me suis promenée vers la forêt. Le village a disparu. La forêt a apparu et ouvert ses portes. Les oiseaux ont chanté. Avec un peu de chance, jʼai même pu observer un chevreuil. Jʼai continué mon tour. Jʼai pensé à plein de choses. Au début, des évènements tragiques sont venus à lʼesprit : la mort de la mère dʼune amie. Après un peu de temps, des pensées agréables ont pris le dessus : la finale de la coupe dʼAllemagne – mes dernières vacances avec mes amis – notre tour en vélo dans la forêt. À ce moment-là, jʼai quitté la forêt.
Léa
Jʼy suis allée le soir. Cʼest mon équilibre par rapport au stress de la vie quotidienne. Le calme. Personne. Cʼest ce que jʼaime. Un petit chemin y mène. Puis un lac au milieu de la nature. Des bungalows au loin. Une brise froide souffle. Lʼeau est calme. Il fait encore froid. Lʼherbe au bord du lac est douce. Les pierres du rivage sont dures. Jʼaime être là. Pour penser et rêver. Nager dans lʼeau mʼaide à faire ça. Là-bas, les pensées sont libres. La nature est encore plus belle depuis lʼeau. Maintenant, je me sens libre. Je pense à la chance que jʼai d´être là et jʼai écrit pensées dans mon petit carnet.
Laura
Je marche sans but dans les rues de Cracovie. Je traverse la place du marché. Jʼentre dans la rue Bracka. Il pleut. Il pleut toujours sur la rue Bracka. Il y a des cafés des deux côtés de la rue. À travers les fenêtres, je vois des gens assis à lʼintérieur. Ils me regardent. Jʼentre dans un de ces cafés. Il y a beaucoup de gens à lʼintérieur. Je sens lʼodeur du café. Je vois une table libre près de la fenêtre. Je mʼassois et commande un café. Je regarde la pluie par la fenêtre et les gouttes d'eau qui coulent sur la vitre. Je suis seule.
Agnieska
Cʼest bruyant. Cʼest toujours bruyant dans la ville. Le tram passe tout le temps. Le trafic est intense. Je marche au parc du Château dʼÔ. Je passe par le grand portail dʼor. Je suis le chemin. A un moment donné, je le quitte pour mʼasseoir au milieu de la prairie. On nʼy entend plus aucun bruit de la rue. Seulement des oiseaux et des enfants qui jouent. On peut voir de nombreux arbres. Quelques bancs se trouvent dans la prairie. Dʼabord, je m´assieds, puis je m´allonge. Lʼherbe est chaude à cause du soleil. Je viens souvent ici pour me détendre. Je ferme les yeux, écoute le vent et réfléchi. Je pense à ma vie.
Luise
Je sens le soleil sur ma peau. Jʼentends les voix des gens. Les bruits des voitures. Je traverse la rue. Je croise un jeune homme qui porte trop de parfum. Une femme parle de manière excitée avec son casque dʼécoute. Une maison après lʼautre. Je continue. Un bus sʼarrête juste à côté de moi. Jʼenlève mes sandales. Je sens les petits cailloux sous mes pieds nus. Je continue sans but, sans destination précise. Je vois un petit chemin, jʼy vais. Je nʼentends plus les bruits des voitures, mais les moteurs des tondeuses. Autour de moi, des jardins ouvriers. Je suis un peu jalouse de leur petit espace vert, déconnecté de la ville, presque comme une île. Je sens lʼarôme dʼun arbuste fleuri. Je ne connais pas son nom. À gauche, je découvre un banc blanc à lʼombre. Jʼy vais. Je mʼassis. Jʼy reste. Ciel bleu. Pruniers. Moineaux babillant. Un coléoptère marche sur mon bras. Mes yeux suivent son chemin sur ma peau. Sa carapace brille en violet. Je commence à me perdre dans mes pensées.
Jasmin
Jʼai fait beaucoup attention à tout ce qui mʼa entouré à ce moment-là. Sans la possibilité dʼêtre distrait, jʼai commencé ma promenade et jʼai passé par quelques endroits dans la ville où je nʼai jamais entendu les bruits quʼil y a, parce quʼhabituellement jʼai ma musique sur mes écouteurs. Jʼai vu les rues dʼune manière plus consciente et je me suis approché de la périphérie de la ville. Après que jʼai laissé la ville derrière moi, je suis allé dans la forêt. Assez pur que jʼétais les couleurs mʼont semblé beaucoup plus vivantes que les dernières fois que jʼétais dans les bois. Jʼai entendu les oiseaux et le vent qui a soufflé autour des arbres. Les rayons de soleil ont vacillé à travers les feuilles, créant une mosaïque de lumière sur le sol.
Leonard
Je prends mon portable automatiquement. Je le laisse tomber. Je sors. Je suis dans le tram. J’entends tout le monde discuter. Quelques gens chuchotent. Un bébé m’énerve. Il me faut de la musique. Me je me concentre sur l’extérieur, les bâtiments qui me semblent nouveaux. J’arrive au parc et je ne vois presque personne. Le long trottoir vide est entouré par des arbres. Au centre du parc je vois le château. Il a plu. Va-t-il pleuvoir encore ? Je sens la fraîcheur de l’air. Je respire de la pureté. J’avance sur le grand trottoir, trop grand pour une seule personne. OÙ EST MON PORTABLE ? Mon pouls explose brièvement jusqu’à ce que je me rappelle qu’il était encore à la maison. J’entends des milliers de feuilles que le vent fait chanter. Soudain, je m’arrête, tourne à droit et monte une petite colline. C’est un endroit tranquille que personne ne connaît. J’ai une vue parfaite du château et du trottoir. Il y a encore d’autres promeneurs. Je roule une cigarette et l’allume.
Emil