Quarante, soixante-dix-huit
lundi 4 mai 2020 - Ce qui nous empêche
Lundi 27 avril 2020
la voiture était garée en descendant la rue de Maubeuge, juste après la rue d’Abbeville, sur le couloir d’autobus – quand on est revenus, elle avait disparu – aller la chercher à la fourrière de Pantin ? Savait-on où elle se trouvait et avait-on sur l’A2D une case à cocher pour être autorisé à y aller ? Ça allait encore coûter un bras et on n’avait plus d’argent – il fallait faire des courses – on revenait de où, je ne sais pas -
hier et avant hier, jour sans – hier sans publication – sans envie sans espoir : colère intense, mais cette colère-là vaut-elle une vie ? - c’est reparti comme en quarante dit l’habitus – j’aurais dû opter pour une chronologie dans les années soixante – en 40, dès le 20 juin l’État français n’était plus qu’un état croupion fantoche faux jeton ignoble, l’autre vieillard de quatre vingt six ans donnait son corps (dans cet état-là c’est plus facile) à sa nation : ma vie (j’en ai six six) vaut-elle cette colère ? Ray Aron s’embarquait à Bordeaux, son petit camarade, je ne sais pas exactement (j’ai beaucoup aimé « Les mots ») (bientôt je lirais « La vieillesse » du Castor) – j’ai une petite liste de livres à acheter – dans « L’humanité » qui est un canard communiste une critique au vitriol prolétaire des nantis (dont il me semble que je fais partie) qui tiennent un « journal du confinement » - j’en avais déjà vu une il y a quelques semaines (il faut dire que l’exemplaire du canard est daté du début de ce mois) – on ne se refait pas, c’est reparti comme en quarante donc – demain sera le sixième mardi de réclusion : on n’a pas faim mais on nous oblige à nous nourrir auprès d’officines auxquelles on n’avait recours qu’exceptionnellement – le marché a réouvert, on y entre, tels des concombres, plutôt masqués - comment respirer, je ne sais pas je n’y arrive pas – je n’en porte pas – me confondrais-je en excuses pour ne pas payer une amende ? une statistique un décompte un compte indique qu’un quart des parisiens a quitté la capitale (a fui ; a déserté ; s’est enfui, échappé ; a lâché, largué, détalé ; a abandonné ; a vidé ; s’est tiré ; a filé, déguerpi) (on en passe sans doute) – pour se garder en vie ?
J’ai oublié mais on a consulté la base, les diverses colonnes, et ceux et celles qui se trouvent sous les verrous, le verdict est tombé : la peine de mort (on doit à la vérité de dire qu’il y avait trois ou quatre partisans de le laisser vivre) – le pape Paul sixième du prénom (deux cent cinquante huitième ou quelque chose dans la fonction) (deux six deux, clapotte le 6 août prochain - NDC) (image du jour,NDl’I) s’est fendu d’une lettre aux ravisseurs, inspirée sinon dictée par l’ordure sans doute, où la libération « sans condition » indique qu’on ne négociera pas, qu’on laissera donc crever le président, voilà un moment qu’on l’a largué, lâché, abandonné : sa sainteté acte la mort d’Aldo lequel comprend, ce jour-là, que sa vie ne tient plus à rien – il y a quelque chose avec ce verdict et ce renoncement, quelque chose qui indique qu’on ne pourra plus reculer (parce que dire « reculer » c’est déjà indiquer le choix de la lâcheté et du déni : (attention : ici commence la mienne diétrologie) pourtant, laisser partir Aldo Moro, le laisser en vie aurait changé le cours des choses ; peut-être cela aurait-il été témoigner au plus haut point d’une espèce de charité dont le pape se targue mais dont il ne fit aucunement preuve – c’est bien l’inverse qu’il accomplît ce jour-là : c’était un vieil homme (quatre-vingts piges) malade, ceci excuse-t-il cela ? j’ai peur que non - j’y repense, et je me dis que s’il avait été relâché, remis en vie à ses proches, peut-être lui aussi aurait-il largué la politique – les brigadistes auraient-ils été arrêtés et probablement plus ou moins lynchés ? quoi qu’il en soit, c’eurent été leurs « mandants » qu’ils auraient trahi – ce jour-là, lors de la lettre que le pape fit parvenir (par la presse, certainement) les jeux furent faits - je ne crois pas que cela ait empêché Aldo de prier – le pape mourra en juillet je crois (en août, le 6 - NDC) – on devrait oublier, comme on devrait laisser le temps faire son œuvre ; hors le symbole (et la puissance de l’argent – voir l’histoire de la loge Propaganda due, dite P2) qu’est-ce que c’est d’autre qu’un homme, ce type vêtu de blanc et d’or ?