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Le pigeon, la ville et la carte, premier épisode

mardi 18 février 2020, par Anne Savelli

Au départ, il y a une proposition de Lya Garcia, artiste que j’ai rencontrée au Cent Quatre il y a onze ans. Modèle, performeuse (elle a incarné Dita Kepler et la géante de Décor Lafayette à la Bellevilloise lors d’une de mes lectures), elle est surtout, maintenant, sculptrice au crochet. C’est également une de mes voisines, à Paris, même si nous nous croisons rarement. Lya habite 19 rue de l’Atlas, adresse d’un immeuble célèbre pour y avoir vu naître Georges Perec, ainsi qu’il l’écrit dans W ou le souvenir d’enfance.

Au 19, Lya vit dans un tout petit espace (19 mètres carrés). Elle manque de place pour ses sculptures, qui ont tendance à l’envahir :

Depuis quelques temps, elle crée des pigeons, oiseaux urbains et messagers par excellence. Il serait temps qu’ils s’envolent, partent par la fenêtre, m’explique-t-elle dans un message, imperturbable, tandis que j’entame ma résidence territoriale au Lycée international de Saint-Germain-en-Laye, résidence, elle, perturbée par des circonstances qui repoussent sans cesse le calendrier des ateliers.

Par la fenêtre ? Est-ce qu’elle les lancerait dehors, dans la rue ? Évidemment, je n’ose pas demander, me doute qu’il s’agit d’autre chose. Je finis par comprendre que pour s’envoler, le pigeon doit être photographié d’une des fenêtres de l’immeuble puis donné à quelqu’un qui en sera le dépositaire. Cette personne, en retour, créera quelque chose qu’il ou elle donnera à Lya Garcia. L’ensemble, pigeons et créations, deviendra matière d’une exposition qui s’intitulera Le manque d’espace en référence à Espèces d’espaces de Perec.

Lya propose de m’offrir le pigeon numéro 1 (celui que vous voyez en haut de cet article). C’est donc avec mon concours que ce projet, potentiellement de grande envergure, va démarrer. Sur le moment, j’hésite un peu. Le travail s’accumule, faut-il se charger de quelque chose de plus ? Très vite, cependant, je dis oui : j’ai trouvé ce que j’écrirai pour Lya, un texte qui parlera du pigeon et de mon enfance à Saint-Germain. Ainsi pourrais-je lier les deux villes, Paris et Saint-Germain, et les deux projets, celui de Lya et celui des villes passagères. Ce texte sera également une sorte de prolongement de mon livre.

Tant que j’y suis, me dis-je alors, pourquoi ne pas faire participer les élèves du Lycée international ? J’y pense d’autant plus qu’un second hasard s’en mêle. Une de mes amies, Claire Lecoeur, qui est animatrice d’ateliers d’écriture, habite le même immeuble que Lya. Elles se croisent sans se connaître. Il se trouve que Claire, comme moi (et comme Mathilde Roux, mais ceci est une autre histoire), a grandi à Saint-Germain. Mieux : elle m’héberge dans sa maison familiale le soir où je dois faire une lecture de mon livre à La Clef, la grande association culturelle de la ville (qui accueillera bientôt une exposition de Mathilde : est-ce donc vraiment une autre histoire ? Nous verrons...). Dans la chambre que Claire me prête, je trouve une carte de Saint-Germain. Elle me la donne. Une carte ? C’est vraiment trop de coïncidences, il faut en profiter, me dis-je. Pourquoi ne pas faire participer les élèves au projet d’exposition de Lya, ouvrir la résidence à d’autres perspectives ? C’est ainsi que je me retrouve en atelier avec deux classes de CM2 - le lycée compte également une école primaire et un collège. J’arrive avec un sac à dos dans lequel j’ai glissé, bien empaquetés, le pigeon et la carte.

Une des deux classes va surveiller le pigeon tout un week-end, en taisant sa présence. Les deux classes vont écrire trois textes de nature différente et ce sera peut-être le meilleur atelier de ma vie. Nous verrons cela dans un prochain épisode. En attendant, au travail !

(crédits photos : Lya Garcia, Sandra Mathieu-Boron pour l’image des CM2 devant l’affiche de la Clef et moi)

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