Les villes passagères

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Village. Ce qu’il n’y a pas.

lundi 24 septembre 2018

Le Village n’est pas la ville parce que, aussi, il n’y a aucun commerce. Ni épicerie, ni boulangerie, ni bar-tabac, ni primeurs, ni bazar, ni presse, ni librairie, ni marchand de chaussures, ni marchand de rien, il n’y a pas de publicités, pas de coiffeur et son jeu de mots à l’enseigne, pas d’opticien, pas de ligne de bus (un autocar passe), pas de métro, pas de tramway, pas de vendeur de bagels au coin des rues, pas d’éclairage néon dans la galerie commerciale, pas de galerie commerciale surtout, ni de vitrine allumée jusqu’à minuit, pas de pute, pas de salon de massage, pas de trafic de drogue, pas de racket, pas d’agression à main armée, pas de voiture de police sirène hurlante, pas de caméra de télévision qui diffuse et rediffuse tout ça jusqu’à infusion complète avec commentaires et violons graves, pas de bruit, pas de ciel vidé de ses étoiles par les lampadaires noctambules, rien que la pluie contre le bitume et ça tu as, ici, la pluie, la pluie contre le bitume, et tu aimes à faire du vélo par ce temps, sous une timide averse, au début que la pluie se met à tomber et tache goutte à goutte la route qui de grise devient noire et le bruit de tes roues ensuite, ce bruit mouillé entêtant, caressant, tu fonces pour rentrer vite avant que ça ne devienne désagréable, mais l’été c’est toujours agréable et quand l’averse prend force et densité et qu’il te faut un orage pour rentrer, et encore t’attardes-tu pour chercher où sont les éclairs, calculer à quelle distance ça tonne et sentir le poids plus lourd des gouttes. Parce que l’orage est le seul élément naturel menaçant, ici.

Extrait de Village, Joachim Séné. Publie.net, 2018.

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