Les villes passagères

Accueil > Évry > Le pont qui sépare les deux rives, par Maïlys Hernandez

Le pont qui sépare les deux rives, par Maïlys Hernandez

lundi 1er avril 2019, par Anne Savelli

" Tout d’abord, vous sortez de l’appartement, et passez par la première porte que vous trouvez sur la gauche. Vous descendez les trois étages et prenez la porte qui se dresse devant vous. Une fois dans le hall, vous regardez brièvement les boîtes aux lettres accrochées aux mur puis vous appuyez sur le petit bouton argenté qui débloque la lourde porte de verre.

Dehors, le froid vous attaque mais un élan de fierté vous empêche de remonter le col de votre veste. Vous allez directement sur la droite, en empruntant un petit chemin goudronné puis vous vous dirigez à nouveau sur la droite, pile en face de l’arrêt de bus en forme de cabanon en bois.

Par chance, vous n’êtes pas en retard donc vous n’avez pas à grimper quatre à quatre les marches de l’escalier qui vous sépare de votre arrêt de bus.

Une fois en haut, vous êtes là, droit comme un piquet parce que le vent s’est levé et que vous avez eu la merveilleuse idée de mettre un pantalon troué. Le bus a un léger retard, une vieille femme vous regarde d’un mauvais oeil, se disant sûrement que la société se dégrade et que les jeunes d’aujourd’hui sont complètement fous.

Enfin, le bus arrive et comme chaque jour, il ne s’arrête pas devant vous mais bien un ou deux mètres plus loin. Vous montez, validez votre pass et dîtes bonjour au chauffeur en souriant, montrant que vous êtes bien éduqué. Le chauffeur lui, ne prend pas la peine de vous répondre et tourne la tête. Vous ne relevez pas et partez vous asseoir à la meilleure place, au fond du bus, juste au dessus du chauffage et à côté de la fenêtre, bien évidemment.

Le bus démarre et le paysage commence à défiler sous vos yeux. Vous observez les voitures, surtout cette petite fille qui joue sur la banquette arrière du Scenic de son papa. Elle rit aux éclats. Vous trouvez cela adorable malgré le fait que vous n’aimez pas les enfants.

Il est tôt, mais il semble que les gens aux arrêts de bus soient plus nombreux que d’habitude, comme s’ils n’allaient pas pouvoir prendre leur bus à leurs arrêts habituels. Ils prennent leur temps, exprimant bien fort leur joie de se retrouver ou encore que la nouvelle hausse du prix du carburant est inadmissible. Ce n’est que le premier arrêt et vous êtes déjà épuisé.

Environ sept longues minutes plus tard, le bus reprend sa route et se dirige vers le pont qui sépare les deux rives. Quelque chose cloche, il n’y a pas de voitures ni de bus en sens inverse. Vous apercevez les barrières de sécurité qui barrent la route à l’opposé d’où vous êtes. Vous commencez à paniquer en voyant que votre bus continue sa route en s’engage sur le pont.

Soudain, le sol se met à gronder. Le bus tangue et dévie mais le chauffeur le rattrape de justesse à plusieurs reprises. Vous sentez le bus descendre, vous avez peur. Vous jetez un oeil vers l’avant du bus et la vue vous choque : le pont s’est abaissé, créant une route vers un tunnel béant dans la Seine. De l’eau s’y écoule et éclabousse le bus lorsque celui-ci s’y engouffre. Vous observez les parois du tunnel : elles sont sombres, à peine éclairées par les phares du bus.

La route vous semble longue, vous voyez que les passages sont calmes et cela vous intrigue. Vous n’êtes pas à votre aise dans ce bus. D’un coup, le tunnel laisse place à une grotte, immense. La végétation fluorescente s’étend à perte de vue sur les parois rocheuses, illuminant son intérieur. La route est droite, alors vous décidez de vous lever et de vous diriger vers l’avant du bus pour avoir une meilleure vue. Cela ne manque pas et ce que vous voyez vous coupe le souffle : un arbre, gigantesque, semblable à des racines géantes traversant la grotte.

Vous pouvez voir des sortes de petites maisons, implantées dans les racines aux reliefs fluorescents. De petites lumières s’échappent des fenêtres et parfois, de petites créatures sortent des maisonnettes colorées. Vous êtes émerveillé. Plus bas, vous apercevez des champs, des cultures et des élevages. Chaque espace de ce paysage est plus incroyable l’un que l’autre à vos yeux.

Votre bus entre enfin à l’intérieur de l’arbre, vous dévoilant une ville entière agencée dans l’écorce, aussi brillante que l’extérieur. Des espèces de créatures volantes semblables à des dragons, chevauchées par d’autres créatures humanoïdes s’approchent du bus et vous vous permettez de les détailler du regard. Leur peau est pareille à la vôtre, leurs oreilles sont légèrement pointues et leurs yeux incroyablement grands. Leurs montures, elles, sont tout bonnement magnifiques. Les motifs blancs sur leurs écailles colorées vous rappellent les kaléidoscopes que vous avez déjà aperçus dans des marchés.

Votre bus semble ralentir et entre dans une bâtisse creusée à même le bois, s’apparentant à une gare. Le véhicule s’arrête, les passagers descendent, mais vous, vous êtes bloqué, comme collé au siège. Vous vous débattez, vous cherchez à sortir de ce bus pour découvrir l’étendue de cet endroit à la fois magnifique et mystérieux, mais en vain. Votre tête percute violemment la partie métallique qui se trouve au dessus de votre siège et vous tombez dans l’inconscience. "

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.