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Saut à la perche

vendredi 19 octobre 2018, par Lea Lukowski

2008 : Il n’y a rien mis à part les piliers du pont en ciment brut, gris et froid. Le grillage juste devant rajoute une impression austère. Quelques tags indépendants marquent le ciment, des voitures passent. Derrière les piliers on distingue la végétation. L’image en elle même serait presque un oxymore, avec ce contraste. Mais pour revenir aux piliers, au départ - ou du moins le départ temporel dont on nous permet l’accès - il n’y avait pas grand chose. La temporalité nous offre le prémice de quelque chose, quand il n’y a rien, tout peut apparaître au fil du temps. Pour nous le temps est ici affaires d’un quart de seconde. Regardons.

2016 : Des affiches se superposent sur les piliers. Elles semblent aussi défraichies que la végétation en arrière plan. Il y a notamment des affiches de "La France Insoumise". Au vu de la date ça m’a fait sourire. Ces affiches n’auraient pas pu exister en 2008. Elles sont recouvertes par d’autres affiches d’événements. Un concert je crois. Les piliers, avec toutes ces affiches, semblent maintenant raconter quelque chose. La politique, la pub, elles veulent attirer l’oeil des conducteurs de passage. Des voitures passent en effet, pourtant je suis allée les espionner dans leurs voitures. Tout le monde s’en fout de ces affiches. Changez-les. La grille juste devant a disparue, pourtant je trouve toujours le lieu austère.

2018 : Un homme nu s’élance, prend appui avec sa perche et s’élève dans le vide. Il disparaît. Puis réapparait sur le pilier suivant. Son saut semble long. Il est à la fois en mouvement et figé dans le temps. Un décor de forêt derrière lui, semble faire écho à la végétation de derrière qui a retrouvé un peu de vie. En réalité il n’y a pas vraiment d’homme, juste un dessin sur le mur. Je trouve ça beau. L’austérité du ciment froid et des affiches défraichies a laissé place à quelque chose de vraiment beau. Maintenant j’aime cet endroit. Un homme passe en voiture sans même y jeter un regard. Je crois qu’il est énervé par la circulation devant, bloquée au feu rouge. En réalité ce feu est, je suppose, passé au vert depuis longtemps. Pourtant ici, il restera toujours rouge. Figé. L’homme dans sa voiture est bloqué. Et l’homme derrière saute à l’infini avec sa perche. Le lieu a quelque chose de sensible maintenant. Heureusement que c’est la dernière date à ce jour, je ne veux plus qu’il disparaisse.

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