Kinshasa

on ne sait pas, qui est qui ? on a droit à une voix off qui indique pourtant que l’identité du personnage (est-il principal ? c’est une autre affaire) a été usurpée via le rézocial – il en dispose de deux : tel est le dispositif mis en place
Une :

deux :

à peu près semblables…

Deux personnages assez principaux aussi jouent des rôles (probablement les leurs, mais qui peut le dire ?) des entremetteurs, des messagers, des go-between (comme dirait Jo Losey) : elle, c’est Sarah Ndele

et lui, Peter Shotsha Olela

les deux accueillent le réalisateur usurpé

et vont l’aider à s’orienter dans la ville qui se trouve

Cette ville, Kinshasa, est la capitale de la république démocratique du Congo (francophone, comme tu sais) (parce que ex colonie belge – et un salut à Patrice Lumumba cependant – rien à faire ici, mais quand même) (je poserai bien sa photo taxée à wiki tiens

. C’est une affaire diffuse que cette histoire dans le film, elle ne se pense pas, on n’en parle pas – elle s’invite, c’est une osmose, c’est une histoire et c’est la nôtre) – on parle plus de cinéma, de distribution des rôles, d’escroquerie et la naïveté des acteurs (en l’occurrence, des actrices : ici quelques unes des amies du réalisateur

). Ce n’est que notre monde (virtuel ou pas) : on y prend l’identité qu’on désire et on en fait ce qu’on en veut. Ou peut. Alors pour trouver, ou retrouver, la sienne, le réalisateur (mais qui est le réalisateur ?) cherche en ville

travelling avant

suit des pistes

mais oui, les esprits rôdent – ou du moins pense-t-on que ce sont leurs actions – il y aura un chien nommé macron (à peine l’image l’accepte-t-elle)

et un autre (qu’on ne verra pas) nommé trump (ils n’ont pas droit à quelque majuscule que ce soit) – les nommer c’est les faire exister – il y aura le jour

et il y aura la nuit sur la ville

Des recherches, des élucubrations

des palabres, des retrouvailles

– un voyage où les rôles s’inversent, où ceux qui dominent sont dominés et aidés pourtant, c’est ça qui est parfaitement humain (dans ce que ça peut avoir de tendre et de beau)

« tu crois suivre une route mais ce n’est pas la bonne » lui dit-on – et le réalisateur cherche encore, ailleurs qu’en ville

bien sûr le fleuve (parfois, lentement, comme le pêcheur reprend ses filets, on pense à Joseph Conrad, loin au delà de tout ce qui se passe) et puis la ville, elle même, qui vit, qui bouge, qui va

Le vrai du faux un fort beau film documento-fictionnel d’Armel Hostiou

Gotland : six minutes quarante six

Il s’agit d’une île de la mer Baltique, au sud de la Suède – Gotland, île lointaine – ce n’est qu’en été qu’y tournait Ingmar Bergman et ce film-ci (qui donne de si belles images au bandeau de cette rubrique) s’y est tourné du 6 mai au 18 juillet 1985. Au loin croisent les navires

de belles images

sur la mer une nature difficile à et des vents forts

tel est le décor. Le film relate le rêve d’un homme, un vieux professeur pensant la troisième guerre mondiale (et atomique possiblement) arrivée. Le facteur indique une voie possible (c’est le premier plan du film, qui dure près de dix minutes)

pour que cette catastrophe ne se produise pas – le vieil homme peut-être crédule l’emprunte et promet, si la guerre atomique ne se produit pas, de sacrifier tout ce qu’il possède. Un sort, probablement – mais l’homme y croit (Erland Josephson (*) dans le rôle, un habitué des films d’Ingmar Bergman – à l’image de ce film-ci, Sven Nykvist, chef opérateur de la plupart des films d’Ingmar Bergman) et, à la presque fin du film, il entasse dans sa maison tout ce qu’il possède et y flanque le feu.
Il sort de chez lui par la fenêtre

une échelle

enjambant la balustrade du balcon

le feu commence à prendre, l’homme a soif

il lui faut boire, puis il s’en va

plan vide, bientôt

au son, le feu prend de l’ampleur

(ici débute le plan de six minutes quarante six secondes)
Ainsi, brûlera la maison

(tous les enfants sont sortis se promener, discutant de l’état de santé mentale du père, ayant décidé ensemble qu’il valait mieux l’interner) – l’homme croit en ces sorts, perd la tête, la raison – c’est fait

La catastrophe s’est produite

l’ambulance arrive trop tard

on le force à y entrer – il finit par se laisser faire – l’ambulance s’en va

tandis que le sacrifice est réalisé

Je ne parle pas de la sorcière (elle en les pouvoirs de qui il croit, cet homme – mais elle est là –

elle s’en va

et la famille reste prostrée – je ne raconte qu’un millième peut-être du film – prostrée

devant l’étendue de cette défaite… (ici la partie du plan qui illustre (par la grâce de Joachim Séné) le bandeau de ce blog, donc – (merci encore) – puis

à la dernière image du plan, l’histoire raconte qu’il n’y avait plus de pellicule (plus de film) dans le magasin de la caméra – l’histoire dit aussi que le plan fut tourné une première fois, mais qu’il fallut tout refaire car la caméra tomba en panne cette fois-là – la maison brûla entièrement… On garde je crois au moins une image (fixe) de ce plan-là

(On la reconstruisit, et la deuxième fois, ils tournèrent à deux caméras pour éviter une nouvelle catastrophe – mais le film se termine sans l’effondrement complet de la maison brûlée : le plan dure six minutes et quarante six secondes

Reste le dernier plan du film, en dédicace au fils du réalisateur – avec espoir et confiance…

(*) Cet acteur, si proche d’Ingmar Bergman qu’il prit sa succession à la tête du théâtre dramatique royal de Stockholm, m’est aussi proche que le Fernando Rey des films de Luis Bunuel (ou le Stanley Baker de ceux de Joseph Losey). Croisé à de nombreuses reprises donc dans les films d’un de mes réalisateurs préférés, il apparaît aussi dans un film « Dimenticare Venezia » (où je ne me souviens pas voir de plan de la sérénissime – il n’y en a pas) (Franco Brusati, 1979) dont j’avais réalisé le découpage, plan par plan, pour le magazine « L’avant scène cinéma » (numéro 277 du 1° décembre 1981) – film par lequel, alors, j’avais appris reconnu, ressenti et partagé le langage des fleurs de, je crois bien, la propriétaire de la maison (Marta), qui disait « roses rouges cœur ardent ».

Le Sacrifice, un film d’Andreï Tarkovsky (prix spécial du jury, à Cannes en 1986)