voici un type (un anglais, un diplomate, un fiancé) (Edward Abbott, tel est son nom – Gonçalo Waddington)
tout droit sorti d’une nouvelle de Somerset Maugham (je l’aime beaucoup, » et mon fantôme (d’ailleurs) en rit encore ») – il est là, sous la pluie à attendre le bateau qui mène vers lui sa fiancée – mais non, il s’enfuit – en train, qui déraille
il fuit – il ne veut plus se marier, dirait-on – jungles villes transports – il fuit – des images magnifiques – des paysages (qui n’existent que parce que nous les contemplons, certes) : tout n’est qu’illusions tu sais – il y a de nombreuses étapes, on les emprunte, on suit le chemin – l’homme, lui, s’enfuit – le film est peut-être construit en deux parties, hétérogènes, c’est possible – une comédie, un mélodrame… – au bout d’une heure (des villes, des gens, des campagnes, des arbres et des fleurs sans doute) elle arrive
(Molly Singleton, interprétée par Crista Alfaiate) et lui disparaît – elle, elle suit le chemin qu’il a emprunté voilà quelques jours peut-être
le monde bouge comme le temps
courtoise, drôle, (son rire quand elle pouffe…) adorable pour qui la croise – mais elle, toujours à la recherche de son fiancé
on assiste, tout le temps que dure le film, à des va-et-vient chronologiques, on est au début du vingtième siècle et tout à coup
au vingt-et-unième, aujourd’hui des rues (ici le début (ou la fin) d’un plan panoramique formidable
) et puis et puis elle parvient au Siam, hébergée par un riche latifundiste épris d’elle – à moins que ce ne soit qu’un homme d’affaires – et puis
l’histoire continue – je crois qu’on en revient un peu à lui
un peu de divination, beaucoup d’images des rêves
des merveilles qu’on ne verra pas ici, mais dans le film la cueillette des fleurs de lotus, ou celle des bambous – des merveilles qui tournent, pas autour du monde, mais en Asie, en un grand tour – tout au long de ces plus de deux heures qu’il dure, et qui passent comme un rêve
Grand Tour un film franco-portugo-italien réalisé par Miguel Gomes
Nous avons des pistes à brouiller. Il le faut. Il faut oublier, gommer, éloigner, distancier. Repeindre, mais avant ça nettoyer le support, eau lessive - rincer - attendre que ça sèche, reconstruire, attendre encore, poncer, attendre encore - peindre - oublier oublier
Il en est des toponymes comme du reste du monde : à Paris, la rue du Corbeau s'est transformée après guerre (la deuxième, mondiale, celle dont il est question ici) (mais sois sans inquiétude, ça continue : ça reste, comment disent-ils déjà ? oui, de moyenne intensité je crois bien) en d'abord rue Jean Moinon : il s'agissait là d'un résistant - on s'enquit que sa femme aussi, résistante aussi bien, déportée, assassinée tout autant, plus sans doute - peu importe mais la mémoire ? alors on transforma - les deux époux tenaient un café restaurant au 19 de la rue du Buisson-Saint-Louis - dans le 10, à deux pas (un peu plus) - lui d'abord tu remarqueras (et la galanterie ? je ne sais pas) (je m'éloigne, pardon mais ça n'est pas sans rapport) non, on travaille le cinéma : il y a dans ce film le dispositif qui prime. On pose des acteurs dans un décor - et des actrices - et les caméras tournent. On enregistre, on dérushe on monte. Une espèce de loft (tu te souviens, le loft vers deux mille ?). Ce n'est pas innocent. Un peu plus tragique, juste
Texte déjà publié en l'atelier d'écriture de François Bon (qu'on remercie) sous l'écopoétique #3 - illustré ici
C’est juste un jardin, un grand jardin ça n’a rien non plus de tellement exceptionnel, ça se passe dans les années quarante du vingtième siècle de cette ère dit-on (ça ne veut rien dire sinon que c’est un moment à partir duquel on commence à compter – avant, avant ça ne compte pas tu comprends) il s’agit d’une famille un peu comme les autres (ça ne veut rien dire non plus mais c’est pour fixer les idées comme on dit : une femme et son mari et leurs enfants – dans cet ordre), il y a donc
le mari qui a un bon poste, la femme la mère qui aime bien son jardin
et les trois enfants qui se chamaillent – tout est normalement constitué – le jardin fleurit au printemps, la mère a donné naissance
à un petit être : au vrai le jardin est étendu et un peu plus loin, dans cet intérieur à l’extérieur, derrière un des murs qui le ceint
il y a même une piscine,
pour que les enfants en été
s’amusent – il est vrai aussi que l’hiver
sous ces latitudes est assez sévère, mais la mère de famille aime cet endroit, sa maison est magnifique, grande spacieuse confortable décorée de jolis rideaux et de beaux meubles, elle l’aime quand même une rumeur serait, derrière ces murs, persistante, elle l’aime tant que lorsque, comme souvent dans ces postes disons à responsabilité les êtres (on les appelle des cadres) sont déplacés pour faire preuve de subordination envers un employeur qui a confiance en eux (on dit aujourd’hui de ce genre de mœurs « avoir l’esprit corporate » on dit comme ça, ça veut dire la même chose mais les circonstances et les conditions sont un peu différentes cependant) (l’esprit reste le même) les êtres sont déplacés disais-je et le mari est promu
(il s’agit d’une promotion, souvent : ça ne se refuse pas, on gagne plus on s’en va mais on gagne plus on a plus de responsabilités
et plus d’autres sous ses ordres – il part à Berlin – des ordres qu’on peut alors faire appliquer à la lettre à ses subordonné.es) et la mère des enfants refuse de partir, de quitter sa maison, magnifique, et son jardin qu’elle a investi d’un amour assez immodéré (heureusement, elle peut faire appel à des ouvriers pour l’aider)
(ils peuvent dans des brouettes transporter des ordures) : la hiérarchie du mari trouve le travail de celui-ci à la hauteur des attentes bien comprises, de chacun des côtés, ce qu’elle avait placé en lui, très bien, et il monte encore dans la hiérarchie bien que ne vivant plus guère dans cette si jolie maison –
mais il reviendra, bien sûr – alors, sa femme invite sa mère à venir, voir comment elle a réussi – enfin par mari interposé c’est vrai : des bijoux, des beaux tissus, des vêtements de prix – et en effet, sa mère est ébahie par tant de richesses et de réussite, il y a bien quelque chose dans les bruits qu’on entend au loin, il y a quelque chose, d’inquiétant ? d’étrange ? – une merveille que cette maison pourtant, et ce repas, et ces enfants, une merveille et montant se coucher dans la chambre d’ami.es, elle s’endort pour de beaux rêves. Il fait nuit, mais elle n’est pas noire Alors, se levant, tirant un peu le rideau occultant, il y a comme une nimbe, orangée mais qu’on ne discerne que mal, lointaine, derrière la maison, au loin Aussi, parfois quelque chose comme une fragrance Le lendemain, la mère s’en va. Et sa fille cependant heureuse, toujours, heureuse, attend le retour de son mari, au jardin poussent des fleurs aux couleurs vives et gaies
la question, ou le problème ou la suite c’est : qu’est-elle devenue ? et leurs enfants
quel est leur avenir
sur La Zone d’intérêt (Jonathan Glazer, 2023) grand prix Festival de Cannes 2023, prix Fipresci (à égalité avec Les Colons (Felipe Galvez, 2023) et Levante (Lillah Halla, 2023)) décerné par la critique cinématographique internationale – inspiré (de loin) du livre homonyme de Martin Amis – lui-même romançant la vie de Rudolf Höss commandant du centre de mort d’Auschwitz (aka Oświęcim de nos jours) . Dans le role de la femme du du commandant du centre, Sandra Hüller; dans celui du commandant Christian Friedel
C’est un premier film (long métrage, un premier) et c’est à ce titre sans doute qu’on en dit quelque chose : on l’a vu à Romainville au Trianon – une salle de la banlieue de Paris nouvellement reliée à la ville dite intra muros par le métro (Châtelet-Rosny-Bois-Perrier dit la ligne – onze dit la wtf régie) et le réalisateur en parlait après la séance (on n’est pas restés, on avait faim) – il y avait dans l’entrée une table garnie de spécialités culinaires libanaises (j’ai acheté un petit paquet de zaatar que j’ai donné ensuite à ma fille comédienne). Cela n’aurait qu’une importance anecdotique et relative (mais les détails et les anecdotes sont l’un des sels de la vie) si l’époque n’avait pas cette puanteur (due à cette extrême droite dégueulasse – permettre et pousser à tuer des avocats en donnant leurs noms et leurs adresses, permettre et oser faire craindre des balles dans la nuque à d’autres corporations, la grande classe comme on voit : c’est ici, dans ce beau pays – celui des libertés). Donc, on sait grâce à ce cinéma de faire une place à celles et ceux qui décidément seront de plus en plus nombreux : et ici et ailleurs, j’ai nommé les étrangers… Et justement voilà que notre héros (Sofiane, dit Souf par ses relations) qui jouit d’une vie assez dissolue se trouve rattrapé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français) cette infamie directement inspirée de l’idéologie de cette extrême droite odieuse . Souf est ennuyé : il n’est pas français… mais une solution pour rester sur le territoire dit national (ainsi qu’un front, qu’un rassemblement ou qu’une révolution, le tout de mémoire abjecte) consisterait à trouver un contrat de travail à durée indéterminée – la nation est un concept assez frelaté, je reconnais – ne parlons pas de la patrie, steuplé. On en parle, et il trouve à s’employer comme croque-mort : une relation paternelle (lequel est diplomate), on l’engage, vient mon ami lui dit-on : il était à Lyon, il déménage à Roubaix. Croque -mort cependant d’un genre particulier : musulman. Et voilà Sofiane qui rencontre le Hadj (Kader Affack, taiseux…)
lequel lui apprend un métier que Souf (Hamza Meziani, tout à fait convaincant) n’a aucunement l’intention d’embrasser. Nettoyer les corps morts a quelque chose de certainement assez particulier
ainsi qu’une ambiance difficile à supporter. Nécessité fait loi. Voilà Souf installé, et qui s’en va laver son linge
assez saisi par son nouveau métier (il voit des mort.es partout) mais celle-ci est bien vivante
Rachel (Magdalena Laubisch, sensible)
: coup de foudre sans doute – tout est plus compliqué cependant – mais le film va son chemin – Sofiane parcourt un chemin, commence sans doute à comprendre – Hadj est muet se tait et fait le travail : Sofiane apprend. Comprend sans doute, ce qui se fait sans un mot.
Quand même Sofiane ne serait pas musulman : quelque chose qui n’a, tout simplement, aucune importance. Des choses avec sa famille, d’autres avec Rachel : Sofiane sans doute troublé, tourneboulé, ballotté mais retrouvant son prénom… – ici en visite
à la mosquée, Rachel qui trouve cela exotique, sans doute
le film bifurque : voilà Sofiane s’en allant à Nice tenir une officine : liturgie
nombreux rituels et puis et puis… Le film suit son chemin, comme Sofiane le sien. Une sorte d’initiation diaphane – à peine forcée – mais des valeurs, une humanité, des propos, des acteurs et des actrices tout à fait à la hauteur.
Six pieds sur terre un (premier long métrage) film réalisé par Karim Bensalah
une petite ville, dans le nord du pays, près de Milan – emplie d’histoire – une famille, dont deux jumeaux, Marco et Camillo, qui naissent en novembre 39- la guerre
une ville détruite
la famille s’en va : ici plus tard – les deux petits, les jumeaux –
et le fascisme
et puis plus tard encore, la guerre finie, la destitution du roi
Dans cette famille, la religion s’est (plutôt) emparée des femmes – ici Pie douze, pape d’alors
la vie cependant encore continuant – les garçons s’en iront sauf l’un d’entre eux, malade mental probablement – décrit ici en quatre images, sa naissance
puis
grandissant
les enfants grandissent, mais le père meurt d’un cancer –
une situation difficile
ces images, cette famille, les garçons s’en iront vivre leur vie ailleurs, sauf Camillo – images qui le montrent heureux
une certaine joie de vivre
mais au fond, un film qui montre que tout le monde, alors, dans cette famille, tout le monde est aveugle à la détresse de cet homme (ici, au service militaire, parce qu’il faut bien y aller…
) et puis, le jour de fête – Santo Stefano, ce 26 décembre-là
on le retrouve pendu – atroce – mais ces images de sa belle-sœur
qui, là ce jour-là
Camillo s’est pendu – on coupe la corde qui le tient, le souffle – le dernier –
il est mort et c’est à ce moment-là
tragique…
Marco cherche des explications, retrouve une lettre
où Camillo lui demandait de le faire travailler – sans doute a-t-il tenté, sans doute cela n’a pas marché – Tuo Camillo signe-t-il – Marco interroge ses sœurs
puis ses frères aînés
personne ne comprenait ni ne savait
et puis on ne saura que peu – le Marx peut attendre du titre, ce sont les mots de Camillo quand on lui proposait de s’engager politiquement, mais il avait autre chose à faire – on s’en souvient, on le regrette (ici les deux jumeaux, à ce moment-là)
Marco s’explique – à ses enfants, il parle – on se réunit
pour en faire un film
à lui, en son souvenir aussi bien, on lève les verres
et puis ça ne le fera pas (pas vraiment) revenir
Fort et évocateur, je retiens aussi de ce film les yeux fermés de la mère avant guerre
et puis son regard, plus tard, sur ce papier d’identité
où s’est imprimé le nom de sa ville… Une famille où les personnes (celles qui restent) aujourd’hui
sont entourées de celles et ceux qui leur succèdent
Piacenza, 2018 – mais le souvenir, toujours présent, de celui qu’on n’a pas vraiment compris
Marx peut attendre un film passionnant (enquête documentaire) de Marco Bellochio
on ne la voit pas vraiment, mais la ville est là – magnifique – capitale de la Jordanie – je la montre de loin, mais tout se passe en ville –
sauf le cours de conduite (mais je n’ai pas d’image) – en ville donc
Amman fait partie de cette histoire qui raconte une vie de femme, Nawal : au début, et dès le début, elle est veuve mais mère d’une petite fille (Nora). Ça ne compte pas (ça ne compte pas : pour l’héritage s’entend)
(elles sont debout, ils sont assis) (pas tous, mais eux sont assis) – ce n’est pas un hasard – Nawal emmène sa fille à l’école – puis elle ira soigner une vieille femme (riche) (il s’agit de son travail : le soin d’une vielle femme)
– elle hérite du pick up de son mari
c’est vrai, elle ne sait pas conduire : et après ?
elle ne veut pas s’en séparer – quelque chose l’en empêche – elle veut le garder – elle hérite de son mari, certes, mais aussi surtout de ses dettes : le frère de son mari est avide
elle ne cédera pas
Il faudra aller en justice, faire valoir ses droits – minces au début – puis
se battre – après d’autres évitements, elle continue : les hommes, eux, veulent la dissuader, elle doit de l’argent, l’appartement dont elle a hérité pour partie revient au frère et aux sœurs du défunt avant elle et sa fille – elle doit de l’argent – un ami se propose de lui en prêter (sans doute contre son amour mais enfin : comme un ami – homme certes) – elle refuse, c’est une histoire d’entraide entre femmes – c’est une histoire de terreur –
et d’amour – elle se débat, cherche des solutions – ment parfois, triche vaguement, se débat dans un monde d’hommes, où elle cache ses cheveux
sauf à la maison
(Adnan, c’est le prénom de son mari : à ce moment-là de l’histoire, au début donc, il vient de mourir…) et puis tenir bon – ne pas céder : le tout pour le tout, elle s’accroche, elle ne veut pas – les choses tournent mal – puis mimant un prochain enfant (mâle oui) elle jettera à la figure de ces hommes-là qu’elle est enceinte – on ne sait si c’est la réalité – on fera des tests – on ira voir des juges Et comme dans un conte…
Inch Allah un fils un film réalisé par Amjad Al Rasheed, primé à Cannes (fondation Gan) l’année dernière
Mouna Hawa – Nawal Seleena Rababah – Nora Haitham Omari – Rifqi (le frère) Yumna Marwan – Lauren (la fille de famille riche – et chrétienne) Salwa Nakkara – Souad (la mère de Lauren) Mohammad Al Jizawi – Ahmad (le frère de Nawal) Eslam Al-Awadi – Hassan (l’amoureux éconduit)
EQUIPE TECHNIQUE
Réalisation – Amjad Al Rasheed Scénario – Amjad Al Rasheed, Rula Nasser, Delphine Agut Image – Kanamé Onoyama (AFC) Montage – Ahmed Hafez Son – Nour Halawani Costumes – Zeina Soufan Décors – Nasser Zoubi Coiffure et maquillage – Farah Jadaane Musique – Jerry Lane
Une production The Imaginarium Films, Bayt Al shawareb, Georges Films Produit par Rula Nasser et Aseel Abu Ayyash coproduit par Youssef Abdelnabi, Raphaël Alexandre, Nicolas Leprêtre
– j’ai voyagé avec un cordonnier à la recherche des petits chevaux connus sous ces latitudes
– c’est trop loin
– ici on aura affaire à une petite fratrie (un aîné, une sœur, un petit frère) – (dans l’image qui suit, l’aîné prénommé Ulzii)
leur père est sans doute décédé (ce n’est pas explicité), leur mère (elle boit trop d’alcool) regrette d’être venue en ville
mais l’aîné, Ulzii donc, qui réussit en classe
veut poursuivre ces (ou ses) études – il y a de la domination dans l’air
elle s’en va – convaincue par lui, probablement, qu’il fera face aux conditions difficiles
elle part – les choses sont difficiles – l’argent manque – l’hiver est rude et le chauffage au charbon, onéreux – c’est par ces façons de se chauffer que l’air devient irrespirable – rien d’autre à faire, cependant, pour ne pas mourir de froid –
vient le moment du concours
auquel Ulzii participe – et après avoir été sélectionné, gagne – après bien des difficultés… Les écueils dus à la maladie du petit frère, du manque d’argent pour le soigner et chauffer le logement dans une des milliers de youtres que compte cette banlieue
il s’en sortira par l’étude
– par l’amitié, la joie de vivre avec son frère et sa sœur
et quelquefois saisis par quelque découragement
Bien que pâtissant d’un scénario sans doute vaguement disons conventionnel peut-être, ajouré, un premier film qui montre une sorte de vérité – un pays différent évidemment mais où l’attraction du progrès, de la connaissance, de la science ou du savoir aussi bien, permet d’appréhender une espèce d’avenir.
Si seulement je pouvais hiberner un film de Zoljargal Purevdash (née à Oulan-Bator, 34 ans) – je pose ici une image d’elle pour affirmer quelque chose comme une espèce de politique des auteur.es, probablement pour défendre quelque chose d’un peu différent des bruits et des faits qui parcourent en ce moment cet univers ou ce milieu
Je ne tiens pas à tirer la couverture à moi – je suis blanc, européen (mais né en Afrique), probablement beaucoup plus pourvu financièrement que la plupart des acteurs de ce film, alors pourquoi (ne pas) en faire l’éloge critique ? Quelque chose du partage certainement. Peut-être, sur le titre, d’abord citer la réalisatrice :
« Il faut savoir qu’au Cameroun, nous avons plusieurs prénoms. Nous recevons deux prénoms traditionnels, un du côté paternel et l’autre du côté maternel. « Mambar » est le prénom traditionnel donné aux filles et qui provient de la mère. On s’appelle toutes « Mambar » et son usage reste cantonné au sein de la famille. Nous portons également un prénom français qui est utilisé dans la vie civile. Au départ, j’ai écrit l’histoire du film avec comme titre Pierrette.«
Une citation du dossier de presse (un document fourni à la presse afin de l’informer des tenants et aboutissants ayant pour objet le film dont il est question – ça se distribue (je ne sais si c’est toujours le cas) avant la projection dite « privée » ou itou « de presse » – il y a toujours cette affaire avec les sources, mais je ne la résoudrais pas aujourd’hui – les images viennent du film-annonce et du dossier de presse – elles sont pensées ou choisies pour être re-présentées – une autre phrase de cette réalisatrice : « Dans mon cinéma, j’ai envie de montrer qu’on est plus que le rôle qu’on nous assigne ».
Moi aussi, j’ai cette envie. Dont acte (c’est aussi pourquoi son image en tête de billet) Tout serait-il dit ? Pratiquement, oui. C’est une femme noire qui travaille dans un bidonville de Douala, Cameroun, à couper coudre monter faire essayer reprendre au besoin des robes et des vêtements d’enfants pour l’école – il n’est pas certain que sa clientèle soit tellement argentée (pourvu de capital financier comme disait l’autre) mais elle travaille – le travail comme une dignité
humaine – homme ou femme – confondu.es – un soir pourtant, elle rentre chez elle en moto-taxi
et se fait voler
tout ce qu’elle possède, son argent son téléphone mais pas sa vie – on la lui laisse : le « on », ce sont des hommes, ils sont trois – peu importe la couleur de leur peau – peu importe d’ailleurs (on ne va pas à la police pour si peu, on accepte j’ai l’impression – l’État n’existe pas, et quand même (comme ici, il existerait, qu’y pourrait-il ?) – scène magnifique où elle demande à son enfant cadet ses économies
dans cette petite boite – pour faire face – le père est plus que défaillant – les hommes en prennent pour leur grade de dominant patriarcaux (voleurs et lâches) – mais elle, pour continuer, la rentrée des classes : acheter des cahiers, parce que la pluie, l’eau, l’inondation – mais où est le soleil d’Afrique hein – un peu comme à Venise ai-je pensé – l’eau
a tout envahi et tout gâché
on écope – on nettoie, on chasse l’eau, on recommence encore – les machines peuvent tomber en panne,
elle les porte à réparer, discute les prix
recommence encore – et encore, parfois c’en est trop
mais non, continuer – une espèce de force magnifique
peut-être solitaire ou individuelle pour le moment, mais qui prend le dessus – ce n’est pas qu’espoir ou quelque croyance, la vie elle même
tenir et encore tenir – elle remontera, ici disant à son fils qu’elle lui remboursera l’argent emprunté
continuer (là, l’essayage d’une robe qui va bien)
vivre par ce qu’on fait au milieu d’eux, une entr’aide
parfois aussi le rire d’un clown
et celui des enfants – le drame n’est jamais cependant loin – et bien d’autres sourires encore pourtant
et d’autres histoires, d’autres développements, des conditions difficiles mais assumées – une femme puissante
Mambar Pierrette, un film réalisé par Rosine Mbakam, avec dans le rôle de Mambar Pierrette, Pierrette Aboheu Njeuthat
Un de ses amis (afghan) (ils sont peu – réfugiés – elle a aussi une copine de travail mais étazunienne garantie – il y a aussi des abrutis afghans ou pas, certes) cet ami donc lui donne une pilule pour dormir, lui donne aussi son rendez-vous chez le psychiatre.
Le psychiatre est un drôle de mec
(pas certain que ce soit une lapalissade) – les prescrit-il ? Mystère. Dort-elle mieux ? On ne sait pas trop. Mais tout à coup, au travail
où on fabrique des biscuits
dans lesquels on incorpore des messages
inscrits sur un petit papier
à la manière des devinettes ou des blaguettes qu’on trouvait dans les caram’bar tu te rappelles –
et pour ces maximes formules fortunes chances formes de recette ou d’horoscope – quelque mots, il faut bien les écrire : ici la rédactrice
les deux copines discutent blind dates (rencontres amoureuses ou quelque chose)
et puis
brusquement (j’aimerai mourir comme ça – comme Molière* – au travail) – alors
elle accepte – et à nouveau quelque chose : ceci déjà (consigne éditoriale)
et puis on apprend à la connaître – son quotidien, ses repas chez un ancien de là-bas
les conventions
les obligations,
les sous-entendus
là-bas ça n’a pas d’importance pourtant, ce qui importe c’est ici
les choses se passent aux États dits unis mais j’ai pensé ça pourrait être une Algérienne ici, une Cap-Verdienne ou une Angolaise au Portugal
j’ai pensé mais je n’ai pas de réponse – désespérément… quelque chose à tenter
un message dans un biscuit – Donya, c’est elle, un sms lui parvient
elle répond, elle se décide, et donc elle part – mais avant
elle répète
il me semble qu’elle emprunte une auto – j’ai pensé à celle (assez laide, alors que celle-ci me plaît plus) d’Eastwood dans un Gran Torino (2008) probablement à cause des immigrés qu’il y a aussi dans cette narration – des gens chassés par les guerres – celle de son amie, peut-être bien)
puis elle s’en va mais c’est une fausse piste
le film est en noir et blanc format carré – plus ou moins – ça sert à quoi tout ça ?
ça se passe en Californie –
il y aura quelque chose de la cruauté
de la servilité, de la subordination il y a quelque chose aussi de la chance – ou alors de la fatalité
ou simplement du hasard
Fremont un film (simple, splendide) de Babak Jalali
* : ça n’a aucun rapport (sinon cette proximité qu’on entretient avec sa propre mort – et donc sa propre vie) (cette chose, la vie – et donc l’amour – qui est de tous les films par construction) (c’est une des raisons pour lesquelles nous développons pour cet art industriel une espèce de goût prononcé) aucun rapport mais dans le Molière (Ariane Mnouchkine, 1978) la mort de JBP son transport allant de la scène à sa chambre passant par l’escalier, ce passage est magnifiquement illustré – magnifiquement… (c’est peut-être à cette aune que tous les films se valent et peuvent – ou doivent – se comparer)
il y a quelques moments de rêves dans ce film-ci – le cinéma est un rêve, parfois – ici un film politique (même s’ils ne le veulent ou le revendiquent, ils le sont tous) et un couple improbable fait d’un libraire en retraite et d’une infirmière bientôt au même statut dansent longuement ici
une ville comme un refuge, comme un personnage, comme une ébauche – elle travaille encore (c’est Rosa, c’est Ariane Ascaride – souvent, en rêve, elle nage – un rôle en or…)
et cherche à se faire élire (réunions tentatives
– sans doute est-elle une image de Michèle Rubirola, dans la vraie vie, qui se fit élire il y a quelques années à la tête de cette ville) – lui vient voir une fille qu’il a délaissée semble-t-il – il vit à l’hôtel, ici
assez bien situé, avoue – des rêves, de vraies rêves…-
– face à la mer (ils s’aiment, comme des enfants dit la chanson…) lui, c’est Henri (Jean-Pierre Darroussin)
une histoire d’amour (vaguement improbable) : il se trouve que l’un de ses fils (interprété par Robinson Stevenin), à elle, ici à l’image derrière le bar qu’il tient de sa famille
veut épouser sa fille à lui (c’est Alice, interprétée par Lola Naymark) : on la voit ici (champ)
(puis contrechamp)
entre son promis ici à droite (Robinson alias Sarkis) et l’oncle de celui-ci (chapeau inamovible tout comme Gérard Meylan aka Tonio – qui est (donc) le frère de Rosa) lors de la présentation à la famille, autour d’un plat de pâtes aux anchois…
Et puis la ville rattrape son histoire par l’écroulement des deux immeubles de la rue d’Aubagne (ici ce qu’en montre aujourd’hui le robot
et ce qu’il en était hier (le 63 et le 65 se sont écroulés le 5 Novembre 2018 : on démolira l’immeuble du 67, attenant, dans un état déplorable
). Alice est impliquée (c’est ici
que le film commence), il y aura des manifestations (ici un acteur, Jacques Boudet, ami de longue date de la troupe de Guédiguian, comme tous et toutes pratiquement)
(une espèce de famille – dans un cinéma troublé, depuis quelques années, par des affaires peu reluisantes – mais la vraie vie, le cinéma, le jeu les acteurs le décor, le reste, tout cela compte toujours) Henri, le père d’Alice l’aidera à concrétiser cette lutte – Rosa s’interrogera
le travail, l’engagement, les enfants, l’amour
et puis oui, la fête continue
Et la fête continue un film (assez marseillais) de Robert Guédiguian
un jeune type et sa mère (le père ? on ne sait) (la vie est ainsi faite) – Stefan, il a quinze ans – il va au collège, elle bosse
les sentiments familiaux
et le reste du monde
les jours de ces années-là, dans la Yougoslavie qui se désagrège
les années d’enfance qui s’en vont
« on ne choisit pas ses parents » dit la chanson –
et que faire s’ils se trouvent du mauvais côté ? celui de Milosevic, en ces temps-là (l’affaire se déroule en Serbie, en 1996)
(une caricature : à gauche, la mère de Stefan, à droite Milosevic) dans les rues, la haine – quand même elle serait légitime, où mène-t-elle ? – la haine gronde
sans solution
les amis de Stefan sont de l’autre bord (mais, de bord, n’y en a-t-il que deux ?)
face aux manipulations
Stefan tente de parler avec sa mère
une fois
deux fois
trois fois
dehors, on chantera on dansera
mais quoi
se battre ?
un combat perdu d’avance – sans doute
il marche, Stefan,
on le rejette – faut-il toujours choisir son camp ? – je me souviens de TINA (there is no alternative – il n’y a pas d’alternative), je me souviens du fameux « si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi » des fascistes de tout poil, je me souviens de Jack Nicholson et de son sourire