Madrid

il s’agit d’une histoire à rebours comme on en voit dans les contes – quelque chose débute dans la nuit : on ne s’aime plus
pas grand chose mais juste : c’est fini hein
on en est d’accord et
On ne s’aime plus, vraiment ?

pourquoi ne pas en faire une fête ?

Ici Ale (Itsaso Arana, qu’on vit déjà dans le magnifique Eva en août du même réalisateur (2020))

et là Alex (Vito Sanz, parfait également – co-scénariste)

il est acteur, elle est réalisatrice – de cinéma – ils forment un couple depuis une quinzaine d’années (il joue dans ses films, elle le filme jouer) (la fiction ? la réalité ?) (il peint aussi :

elle évidemment)

le conte les prend, les images se muent en faux raccords ou en mosaïques

ils se séparent – elle s’en va,

ou alors ce sera lui

ils expliquent cela à leurs amis, ici au bar

là au restaurant : ça peut paraître incroyable

ou tout simplement géniaaaal

en réalité (si ça peut exister au cinéma), l’idée de la fête de séparation (qui m’a furieusement fait penser à ces affects décomplexés de nos jours contemporains) vient d’une galéjade du père d’Ale

ici à droite en peignoir qu’on ne le verra pas quitter (il est joué par Fernando Trueba, le père du réalisateur, Jonas Trueba – une histoire de famille : l’oncle David du réalisateur est producteur – le frère de son père) (oui enfin passons) – « ce serait mieux, disait-il ce père un jour où, probablement il avait abusé de la dive bouteille, de fêter les séparations que les mariages » – ou alors les deux – il est pris au mot – on fêtera cette séparation un 22 septembre :
je me souviens de la chanson qui faisait

un vingt-deux septembre au diable vous partîtes
et depuis chaque année à la date susdite….

que je chantais dans le métro Palais Royal (je m’égare)

je mouillais mon mouchoir
en souvenir de vous

chantait le bon Georges – le poète, l’ami (les meilleures leçons de vie apprises le furent par ses chansons – je l’aime toujours, comme ma grand-mère) (pardon car c’est une chanson triste – elle se termine par

et c’est triste de n’être plus triste
sans vous »)

(elle est un peu citée dans le film)
on fêtera donc ça

en chanson pourquoi pas – on fêtera, on chantera on dansera – et puis

et puis

et puis

Septembre sans attendre un film (drôle, attachant, plein d’espoir) de Jonas Trueba

Lyon, Roubaix, Nice

C’est un premier film (long métrage, un premier) et c’est à ce titre sans doute qu’on en dit quelque chose : on l’a vu à Romainville au Trianon – une salle de la banlieue de Paris nouvellement reliée à la ville dite intra muros par le métro (Châtelet-Rosny-Bois-Perrier dit la ligne – onze dit la wtf régie) et le réalisateur en parlait après la séance (on n’est pas restés, on avait faim) – il y avait dans l’entrée une table garnie de spécialités culinaires libanaises (j’ai acheté un petit paquet de zaatar que j’ai donné ensuite à ma fille comédienne). Cela n’aurait qu’une importance anecdotique et relative (mais les détails et les anecdotes sont l’un des sels de la vie) si l’époque n’avait pas cette puanteur (due à cette extrême droite dégueulasse – permettre et pousser à tuer des avocats en donnant leurs noms et leurs adresses, permettre et oser faire craindre des balles dans la nuque à d’autres corporations, la grande classe comme on voit : c’est ici, dans ce beau pays – celui des libertés). Donc, on sait grâce à ce cinéma de faire une place à celles et ceux qui décidément seront de plus en plus nombreux : et ici et ailleurs, j’ai nommé les étrangers… Et justement voilà que notre héros (Sofiane, dit Souf par ses relations) qui jouit d’une vie assez dissolue se trouve rattrapé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français) cette infamie directement inspirée de l’idéologie de cette extrême droite odieuse . Souf est ennuyé : il n’est pas français… mais une solution pour rester sur le territoire dit national (ainsi qu’un front, qu’un rassemblement ou qu’une révolution, le tout de mémoire abjecte) consisterait à trouver un contrat de travail à durée indéterminée – la nation est un concept assez frelaté, je reconnais – ne parlons pas de la patrie, steuplé. On en parle, et il trouve à s’employer comme croque-mort : une relation paternelle (lequel est diplomate), on l’engage, vient mon ami lui dit-on : il était à Lyon, il déménage à Roubaix. Croque -mort cependant d’un genre particulier : musulman. Et voilà Sofiane qui rencontre le Hadj (Kader Affack, taiseux…)

lequel lui apprend un métier que Souf (Hamza Meziani, tout à fait convaincant) n’a aucunement l’intention d’embrasser. Nettoyer les corps morts a quelque chose de certainement assez particulier

ainsi qu’une ambiance difficile à supporter. Nécessité fait loi. Voilà Souf installé, et qui s’en va laver son linge

assez saisi par son nouveau métier (il voit des mort.es partout) mais celle-ci est bien vivante

Rachel (Magdalena Laubisch, sensible)

: coup de foudre sans doute – tout est plus compliqué cependant – mais le film va son chemin – Sofiane parcourt un chemin, commence sans doute à comprendre – Hadj est muet se tait et fait le travail : Sofiane apprend. Comprend sans doute, ce qui se fait sans un mot.

Quand même Sofiane ne serait pas musulman : quelque chose qui n’a, tout simplement, aucune importance. Des choses avec sa famille, d’autres avec Rachel : Sofiane sans doute troublé, tourneboulé, ballotté mais retrouvant son prénom… – ici en visite

à la mosquée, Rachel qui trouve cela exotique, sans doute

le film bifurque : voilà Sofiane s’en allant à Nice tenir une officine : liturgie

nombreux rituels et puis et puis…
Le film suit son chemin, comme Sofiane le sien.
Une sorte d’initiation diaphane – à peine forcée – mais des valeurs, une humanité, des propos, des acteurs et des actrices tout à fait à la hauteur.

Six pieds sur terre un (premier long métrage) film réalisé par Karim Bensalah

Plaisance

une petite ville, dans le nord du pays, près de Milan – emplie d’histoire – une famille, dont deux jumeaux, Marco et Camillo, qui naissent en novembre 39- la guerre

une ville détruite

la famille s’en va : ici plus tard – les deux petits, les jumeaux –

et le fascisme

et puis plus tard encore, la guerre finie, la destitution du roi

Dans cette famille, la religion s’est (plutôt) emparée des femmes – ici Pie douze, pape d’alors

la vie cependant encore continuant – les garçons s’en iront sauf l’un d’entre eux, malade mental probablement – décrit ici en quatre images, sa naissance

puis

grandissant

les enfants grandissent, mais le père meurt d’un cancer –

une situation difficile

ces images, cette famille, les garçons s’en iront vivre leur vie ailleurs, sauf Camillo – images qui le montrent heureux

une certaine joie de vivre

mais au fond, un film qui montre que tout le monde, alors, dans cette famille, tout le monde est aveugle à la détresse de cet homme (ici, au service militaire, parce qu’il faut bien y aller…

) et puis, le jour de fête – Santo Stefano, ce 26 décembre-là

on le retrouve pendu – atroce – mais ces images de sa belle-sœur

qui, là ce jour-là

Camillo s’est pendu – on coupe la corde qui le tient, le souffle – le dernier –

il est mort et c’est à ce moment-là

tragique…

Marco cherche des explications, retrouve une lettre

où Camillo lui demandait de le faire travailler – sans doute a-t-il tenté, sans doute cela n’a pas marché – Tuo Camillo signe-t-il – Marco interroge ses sœurs

puis ses frères aînés

personne ne comprenait ni ne savait

et puis on ne saura que peu – le Marx peut attendre du titre, ce sont les mots de Camillo quand on lui proposait de s’engager politiquement, mais il avait autre chose à faire – on s’en souvient, on le regrette (ici les deux jumeaux, à ce moment-là)

Marco s’explique – à ses enfants, il parle – on se réunit

pour en faire un film

à lui, en son souvenir aussi bien, on lève les verres

et puis ça ne le fera pas (pas vraiment) revenir

Fort et évocateur, je retiens aussi de ce film les yeux fermés de la mère avant guerre

et puis son regard, plus tard, sur ce papier d’identité

où s’est imprimé le nom de sa ville…
Une famille où les personnes (celles qui restent) aujourd’hui

sont entourées de celles et ceux qui leur succèdent

Piacenza, 2018 – mais le souvenir, toujours présent, de celui qu’on n’a pas vraiment compris

Marx peut attendre un film passionnant (enquête documentaire) de Marco Bellochio

Amman

on ne la voit pas vraiment, mais la ville est là – magnifique – capitale de la Jordanie – je la montre de loin, mais tout se passe en ville –

sauf le cours de conduite (mais je n’ai pas d’image) – en ville donc

Amman fait partie de cette histoire qui raconte une vie de femme, Nawal : au début, et dès le début, elle est veuve mais mère d’une petite fille (Nora). Ça ne compte pas (ça ne compte pas : pour l’héritage s’entend)

(elles sont debout, ils sont assis) (pas tous, mais eux sont assis) – ce n’est pas un hasard – Nawal emmène sa fille à l’école – puis elle ira soigner une vieille femme (riche) (il s’agit de son travail : le soin d’une vielle femme)

– elle hérite du pick up de son mari

c’est vrai, elle ne sait pas conduire : et après ?

elle ne veut pas s’en séparer – quelque chose l’en empêche – elle veut le garder – elle hérite de son mari, certes, mais aussi surtout de ses dettes : le frère de son mari est avide

elle ne cédera pas

Il faudra aller en justice, faire valoir ses droits – minces au début – puis

se battre – après d’autres évitements, elle continue : les hommes, eux, veulent la dissuader, elle doit de l’argent, l’appartement dont elle a hérité pour partie revient au frère et aux sœurs du défunt avant elle et sa fille – elle doit de l’argent – un ami se propose de lui en prêter (sans doute contre son amour mais enfin : comme un ami – homme certes) – elle refuse, c’est une histoire d’entraide entre femmes – c’est une histoire de terreur –

et d’amour – elle se débat, cherche des solutions – ment parfois, triche vaguement, se débat dans un monde d’hommes, où elle cache ses cheveux

sauf à la maison

(Adnan, c’est le prénom de son mari : à ce moment-là de l’histoire, au début donc, il vient de mourir…) et puis tenir bon – ne pas céder : le tout pour le tout, elle s’accroche, elle ne veut pas – les choses tournent mal – puis mimant un prochain enfant (mâle oui) elle jettera à la figure de ces hommes-là qu’elle est enceinte – on ne sait si c’est la réalité – on fera des tests – on ira voir des juges
Et comme dans un conte…

Inch Allah un fils un film réalisé par Amjad Al Rasheed, primé à Cannes (fondation Gan) l’année dernière

Mouna Hawa – Nawal
Seleena Rababah – Nora
Haitham Omari – Rifqi (le frère)
Yumna Marwan – Lauren (la fille de famille riche – et chrétienne)
Salwa Nakkara – Souad (la mère de Lauren)
Mohammad Al Jizawi – Ahmad (le frère de Nawal)
Eslam Al-Awadi – Hassan (l’amoureux éconduit)

EQUIPE TECHNIQUE

Réalisation – Amjad Al Rasheed
Scénario – Amjad Al Rasheed, Rula Nasser, Delphine Agut
Image – Kanamé Onoyama (AFC)
Montage – Ahmed Hafez
Son – Nour Halawani
Costumes – Zeina Soufan
Décors – Nasser Zoubi
Coiffure et maquillage – Farah Jadaane
Musique – Jerry Lane

Une production The Imaginarium Films, Bayt Al shawareb, Georges Films
Produit par Rula Nasser et Aseel Abu Ayyash
coproduit par Youssef Abdelnabi, Raphaël Alexandre, Nicolas Leprêtre

Oulan-Bator

une espèce d’initiation – un peu comme toujours au cinéma : on apprend à vivre

mais ces leçons ne nous seront de rien : tout reste à faire

Je suis passé par Oulan-Bator, à un autre moment

(escale en Mongolie) puis encore à nouveau (je ne retrouve pas sinon cette mention)

– j’ai voyagé avec un cordonnier à la recherche des petits chevaux connus sous ces latitudes

– c’est trop loin

– ici on aura affaire à une petite fratrie (un aîné, une sœur, un petit frère) – (dans l’image qui suit, l’aîné prénommé Ulzii)

leur père est sans doute décédé (ce n’est pas explicité), leur mère (elle boit trop d’alcool) regrette d’être venue en ville

mais l’aîné, Ulzii donc, qui réussit en classe

veut poursuivre ces (ou ses) études – il y a de la domination dans l’air

elle s’en va – convaincue par lui, probablement, qu’il fera face aux conditions difficiles

elle part – les choses sont difficiles – l’argent manque – l’hiver est rude et le chauffage au charbon, onéreux – c’est par ces façons de se chauffer que l’air devient irrespirable – rien d’autre à faire, cependant, pour ne pas mourir de froid –

vient le moment du concours

auquel Ulzii participe – et après avoir été sélectionné, gagne – après bien des difficultés…
Les écueils dus à la maladie du petit frère, du manque d’argent pour le soigner et chauffer le logement dans une des milliers de youtres que compte cette banlieue

il s’en sortira par l’étude

– par l’amitié, la joie de vivre avec son frère et sa sœur

et quelquefois saisis par quelque découragement

Bien que pâtissant d’un scénario sans doute vaguement disons conventionnel peut-être, ajouré, un premier film qui montre une sorte de vérité – un pays différent évidemment mais où l’attraction du progrès, de la connaissance, de la science ou du savoir aussi bien, permet d’appréhender une espèce d’avenir.

Si seulement je pouvais hiberner un film de Zoljargal Purevdash (née à Oulan-Bator, 34 ans) – je pose ici une image d’elle pour affirmer quelque chose comme une espèce de politique des auteur.es, probablement pour défendre quelque chose d’un peu différent des bruits et des faits qui parcourent en ce moment cet univers ou ce milieu

Douala

à l’image Rosine Mbakam

Je ne tiens pas à tirer la couverture à moi – je suis blanc, européen (mais né en Afrique), probablement beaucoup plus pourvu financièrement que la plupart des acteurs de ce film, alors pourquoi (ne pas) en faire l’éloge critique ? Quelque chose du partage certainement. Peut-être, sur le titre, d’abord citer la réalisatrice :

« Il faut savoir qu’au Cameroun, nous avons plusieurs prénoms. Nous recevons deux prénoms traditionnels, un du côté paternel et l’autre du côté maternel. « Mambar » est le prénom traditionnel donné aux filles et qui provient de la mère. On s’appelle toutes « Mambar » et son usage reste cantonné au sein de la famille. Nous portons également un prénom français qui est utilisé dans la vie civile. Au départ, j’ai écrit l’histoire du film avec comme titre Pierrette.« 

Une citation du dossier de presse (un document fourni à la presse afin de l’informer des tenants et aboutissants ayant pour objet le film dont il est question – ça se distribue (je ne sais si c’est toujours le cas) avant la projection dite « privée » ou itou « de presse » – il y a toujours cette affaire avec les sources, mais je ne la résoudrais pas aujourd’hui – les images viennent du film-annonce et du dossier de presse – elles sont pensées ou choisies pour être re-présentées – une autre phrase de cette réalisatrice :
« Dans mon cinéma, j’ai envie de montrer qu’on est plus que le rôle qu’on nous assigne ».

Moi aussi, j’ai cette envie. Dont acte (c’est aussi pourquoi son image en tête de billet)
Tout serait-il dit ? Pratiquement, oui. C’est une femme noire qui travaille dans un bidonville de Douala, Cameroun, à couper coudre monter faire essayer reprendre au besoin des robes et des vêtements d’enfants pour l’école – il n’est pas certain que sa clientèle soit tellement argentée (pourvu de capital financier comme disait l’autre) mais elle travaille – le travail comme une dignité

humaine – homme ou femme – confondu.es – un soir pourtant, elle rentre chez elle en moto-taxi

et se fait voler

tout ce qu’elle possède, son argent son téléphone mais pas sa vie – on la lui laisse : le « on », ce sont des hommes, ils sont trois – peu importe la couleur de leur peau – peu importe d’ailleurs (on ne va pas à la police pour si peu, on accepte j’ai l’impression – l’État n’existe pas, et quand même (comme ici, il existerait, qu’y pourrait-il ?) – scène magnifique où elle demande à son enfant cadet ses économies

dans cette petite boite – pour faire face – le père est plus que défaillant – les hommes en prennent pour leur grade de dominant patriarcaux (voleurs et lâches) – mais elle, pour continuer, la rentrée des classes : acheter des cahiers, parce que la pluie, l’eau, l’inondation – mais où est le soleil d’Afrique hein – un peu comme à Venise ai-je pensé – l’eau

a tout envahi et tout gâché

on écope – on nettoie, on chasse l’eau, on recommence encore – les machines peuvent tomber en panne,

elle les porte à réparer, discute les prix

recommence encore – et encore, parfois c’en est trop

mais non, continuer – une espèce de force magnifique

peut-être solitaire ou individuelle pour le moment, mais qui prend le dessus – ce n’est pas qu’espoir ou quelque croyance, la vie elle même

tenir et encore tenir – elle remontera, ici disant à son fils qu’elle lui remboursera l’argent emprunté

continuer (là, l’essayage d’une robe qui va bien)

vivre par ce qu’on fait au milieu d’eux, une entr’aide

parfois aussi le rire d’un clown

et celui des enfants – le drame n’est jamais cependant loin – et bien d’autres sourires encore pourtant

et d’autres histoires, d’autres développements, des conditions difficiles mais assumées – une femme puissante

Mambar Pierrette, un film réalisé par Rosine Mbakam, avec dans le rôle de Mambar Pierrette, Pierrette Aboheu Njeuthat

Fremont

C’est Donya (interprétée par Anaita Walli Zada).

Elle voudrait juste dormir.

Un de ses amis (afghan) (ils sont peu – réfugiés – elle a aussi une copine de travail mais étazunienne garantie – il y a aussi des abrutis afghans ou pas, certes) cet ami donc lui donne une pilule pour dormir, lui donne aussi son rendez-vous chez le psychiatre.

Le psychiatre est un drôle de mec

(pas certain que ce soit une lapalissade) – les prescrit-il ? Mystère.
Dort-elle mieux ? On ne sait pas trop.
Mais tout à coup, au travail

où on fabrique des biscuits

dans lesquels on incorpore des messages

inscrits sur un petit papier

à la manière des devinettes ou des blaguettes qu’on trouvait dans les caram’bar tu te rappelles –

et pour ces maximes formules fortunes chances formes de recette ou d’horoscope – quelque mots, il faut bien les écrire : ici la rédactrice

les deux copines discutent blind dates (rencontres amoureuses ou quelque chose)

et puis

brusquement (j’aimerai mourir comme ça – comme Molière* – au travail) – alors

elle accepte – et à nouveau quelque chose : ceci déjà (consigne éditoriale)

et puis on apprend à la connaître – son quotidien, ses repas chez un ancien de là-bas

les conventions

les obligations,

les sous-entendus

là-bas ça n’a pas d’importance pourtant, ce qui importe c’est ici

les choses se passent aux États dits unis mais j’ai pensé ça pourrait être une Algérienne ici, une Cap-Verdienne ou une Angolaise au Portugal

j’ai pensé mais je n’ai pas de réponse – désespérément… quelque chose à tenter

un message dans un biscuit – Donya, c’est elle, un sms lui parvient

elle répond, elle se décide, et donc elle part – mais avant

elle répète

il me semble qu’elle emprunte une auto – j’ai pensé à celle (assez laide, alors que celle-ci me plaît plus) d’Eastwood dans un Gran Torino (2008) probablement à cause des immigrés qu’il y a aussi dans cette narration – des gens chassés par les guerres – celle de son amie, peut-être bien)

puis elle s’en va mais c’est une fausse piste

le film est en noir et blanc format carré – plus ou moins – ça sert à quoi tout ça ?

ça se passe en Californie –

il y aura quelque chose de la cruauté

de la servilité, de la subordination il y a quelque chose aussi de la chance – ou alors de la fatalité

ou simplement du hasard

Fremont un film (simple, splendide) de Babak Jalali

  • * : ça n’a aucun rapport (sinon cette proximité qu’on entretient avec sa propre mort – et donc sa propre vie) (cette chose, la vie – et donc l’amour – qui est de tous les films par construction) (c’est une des raisons pour lesquelles nous développons pour cet art industriel une espèce de goût prononcé) aucun rapport mais dans le Molière (Ariane Mnouchkine, 1978) la mort de JBP son transport allant de la scène à sa chambre passant par l’escalier, ce passage est magnifiquement illustré – magnifiquement… (c’est peut-être à cette aune que tous les films se valent et peuvent – ou doivent – se comparer)

Helsinki

Ça n’a rien à voir (ou alors que peu) mais il y avait cette chanson qui faisait « c’était ta préférée je crois qu’elle est de Prévert et Cosma » et Antonio Zambujo la fredonnait agréablement en instillant un Cozma souriant dans sa diction. Elle est un peu chantée en fin (elle fait comme ça : mais la vie sépare/ceux qui s’aiment/tout doucement/sans faire de bruit/) : le film dure quatre-vingts minutes, les deux héros plus le chien vont vers le fond de la perspective d’Helsinki et les feuilles mortes volent un peu (pardon pour le point sur l’image).

C’est un film épuré, formidablement simple, les dialogues sont réduits (c’est à l’intérieur qu’on rit). Lui (Holappa, interprété par Jussi Vatanen) a un ami (Huotari, Janne Hyytiänen – habitué des films de Aki Kaurismäki) avec qui il travaille au début (et va boire) – en vrai Holappa boit

beaucoup

trop

beaucoup trop

Des couleurs, partout. Il y a cette femme Ansa (jouée par Alma Pöysti)

et il y a cet homme, Holappa; tous les deux travaillent, ils n’ont que leur corps à vendre ou louer : des prolos – elle est employée de supermarché

au réassort des rayons mais elle prend un quelconque paquet de nourriture à la date limite de vente périmée et se fait mettre à la porte – elle trouve un autre travail

lui fait un travail qui fait penser au début de Le jour se lève (il nettoie avec un jet à pression de sable des jantes rouillées) mais il boit (Gabin ne boit pas, mais tue…) (Marcel Carné, 1939)

Puisqu’il boit, il subit le même sort – de plus, il se blesse – il est mis à la porte. Mais ils se rencontrent, se plaisent sans doute, le sort s’acharnera contre leur rencontre – et puis… Des chansons comme s’il en pleuvait

C’est là, dans ce bar de karaoké (l’ami chante

) c’est là qu’elle le rencontre (Ansa) est à gauche, son amie au centre (Lisa interprétée par Nuppu Koivu), l’ami du héros Huotari, en chemise jaune

Après une séance de cinéma

un film d’horreur (Les morts ne meurent pas de Jim Jarmusch (2019)) – l’art et l’essai – et des affiches de cinéma – elle lui donne son numéro de téléphone

plus un bisou

il le prend

mais le perdra

Tout semble se liguer contre leur rencontre.

Ils se retrouvent cependant – elle l’invite à dîner

chez elle

mais il boit : elle s’en sépare . Le met à la porte. Il s’en va se soûler.
Elle adopte un chien

et puis et puis… – la pluie

et la nuit de Finlande

Un mélodrame dans toute sa splendeur : une merveille.

Et la mer efface sur le sable les pas des amants désunis…

Les feuilles mortes, un film d’Aki Kaurismäki.

Saint-Omer

(il y avait longtemps avoue – mais c’est difficile de nourrir tout ce monde-là – il y avait bien un billet sur Catane mais je l’ai laissé choir – j’y reviendrai) ici ça a peu à voir avec la ville mais ça s’y déroule quand même – c’est un genre que le film de procès (les Amerloks ou Étazuniens, comme tu préfères, procéduriers comme des poux (regarde ceux du peroxydé) l’ont élevé au rang des block busters) – une jeune femme

a laissé se noyer son bébé de quinze mois

la Manche, du côté de Berck dit-on, la nuit

infanticide ça se nomme (c’est une terreur : mais ne sommes-nous pas capables de tant de choses terribles, nous autres humains ?), c’est interdit par la loi et les commandements si tu veux voir. Ici la jeune femme

interprétée par Guslagie Malanda. Une espèce d’arrogance, probablement. Dans la vraie vie, si jamais elle existe, mais oui, le réel surgit : cette femme qui, par deux fois avait avorté, demandait à être jugée pour savoir ce qui l’avait poussée à commettre ce meurtre; elle n’en savait que peu, se sentait poussée, agie, possédée par quelque sorcellerie, pensait-elle. Et par ce film, nous suivons le procès. Les propos qu’on entend sont ceux tenus lors du procès.

C’est par une espèce de hasard que la réalisatrice (Alice Diop en photo en entrée de billet) a croisé le chemin de cette femme – dans la vraie vie disons, donc, il s’agit d’un fait divers que la réalisatrice interprète peut-être : c’est une photo de la mère poussant l’enfant assise dans une poussette, captée par une caméra de surveillance et reproduite dans un journal, qui l’ont fait réagir, et elle est partie assister au procès, lequel se déroulait à Saint-Omer.

Le film raconte cette échappée. La réalisatrice est devenue romancière pour l’occasion : on la découvre sous les traits de Kayije Kagame

enceinte, elle aussi.

Des images, de cette ville, Saint-Omer qui votait front national (sans majuscule), des idées de la relation qu’entretenait cette jeune mère avec le père de l’enfant qu’elle tuera, ce père de trente ans son aîné, artiste, riche, blanc, mâle… et déjà marié – à qui elle cachera sa grossesse (pourquoi ? elle ne veut pas l’ennuyer…) à qui elle mentira tout au long de leur histoire, et surtout peut-être des quinze mois de la vie de cette petite fille, abandonnée à la mer qui monte, à Berck-Plage, ville choisie pour la consonance du toponyme – le soir, la nuit, un dix-neuf novembre…

Le film est entrecoupé de scènes de la vie familiale de la réalisatrice aujourd’hui mais surtout lorsqu’elle était enfant. Des images

(magnifiquement éclairées – la photographie due à Claire Mathon)

qui montrent une relation mère-fille difficile (la mère de la romancière : Adama Diallo Tamba) – des pleurs – peu d’explications, mais des émotions.

Quelque chose dans ce travail que la maternité inflige. Quelque chose qu’on doit aimer mais qui, dans quelques conditions, devient insupportable. C’est probablement de porter seule, sur elle, avec elle, en elle, cette réalité du monde d’aujourd’hui, et d’ici, de ce côté-ci du monde.

Elle qui affronte ce monde, fait d’hommes blancs, pour des hommes blancs- et des lois écrites et promulguées par des hommes blancs. On voit la présidente du tribunal qui tente de comprendre (Valérie Dréville)

on voit l’avocate qui défend et joue son rôle (Aurélie Petit)

on voit aussi l’avocat général qui charge forcément, on voit le père de la petite morte noyée, ce père qu’on ne juge pas, non.

Puis tombera le verdict, vingt ans, ramenés à 15 en appel.

Et la romancière qui retrouvera le père de l’enfant à naître.

Saint-Omer un (premier) film (de fiction) d’Alice Diop.
On trouvera ici, dans le dossier de presse, un entretien avec la réalisatrice.

Belfast

(il y a quelque chose comme de l’imposture à écrire sur le cinéma, à propos du cinéma – il y avait Michel Ciment qui proposait quelque chose sur Jane Campion je crois bien dans la librairie de l’avenue Jean-Jaurès – en haut, pas Texture) (pendant trois ou quatre ans je n’ai pas cessé d’écrire sur le ou à propos du cinéma – c’était dans les locaux de l’institut d’art et archéologie) (il (me) fallait aussi travailler)

Il s’agit d’abord ici d’un certain cinéma (pour preuve, on dispose – si on cherche un peu – de près de deux cents photos, augmentées de 3 ou 4 films annonce) (le »on » indique le tout-venant)

Il y avait aussi quelque chose de l’imposture aussi à travailler sur les publics – ce sont choses (au sens du « il faut prendre les faits sociaux comme des choses ») éphémères

Il en va aussi de l’imposture de la sociologie sans doute certainement obligatoire

non, je n’ai pas connu la guerre – il y avait sur la route de l’Aouina des sacs de sables entassés qui forçaient à ralentir – le chemin de la maison à la ville – Carthage à Tunis – les soldats portaient des armes – nous étions dans la quatre chevaux – il y a plus de soixante ans d’ici – et deux milliers peut-être de kilomètres

ce ne sont pas critiques mais simplement informations, souvenirs, remembrances

l’histoire d’un enfant de huit ou dix ans (Buddy, interprété par Jude Hill), un père parfois absent (il va travailler en Angleterre), une mère adorable – ça se passe donc en Irlande, du nord, Belfast – des grands-parents comme il doit en exister- le souvenir de la tabatière de mon grand-père et de son livre de prières (ou de contes, je n’ai jamais su)

la mère (Caitriona Balfe), le père (Jamie Dornan), la grand-mère (Judi Dench) , Buddy le petit héros et son frère (Lewis McAskie)

c’est un film un peu maniéré – on était tellement content en sortant, enfin surtout moi – quelque chose de la vie rêvée – ça commence par une espèce de dépliant touristique vantant la ville de Belfast j’ai supposé – ça fait braire – en couleurs contrastées, une belle lumière, une prise de vue dronatique – et bien sûr que (aussi bien) les drones servent à tuer, à la guerre, à la mort – c’est dédié quand même « à ceux qui sont partis »

« et à tous ceux qui ont été perdus »

il y a quelque chose de l’autobiographie ou alors d’un filmage spectaculaire – tout le reste (ou presque) du film est en noir et blanc – raccord sur le temps

c’est ainsi – ici, une rue, une famille

son acteur et le réalisateur (Kenneth Branagh)

il y a quelque chose aussi de la perfection, comme dans les souvenirs (de ma jeunesse) – tout est beau dans les gens de la famille, le père et la mère sortent d’un dépliant publicitaire – aussi – ils dansent et s’aiment – ils se parlent et se disputent – ils optent et décident ensemble – ils s’aiment et vivent, veulent vivre, survivre à la guerre civile qui dévaste le pays –

les relations de voisinage, les enfants les gens, les parents qui se connaissent qui se jaugent qui se battent – la guerre, civile peut-être, mais la guerre et les morts – mais non – les enfants rient, jouent dansent aussi – je me souviens bien de n’avoir rien vu – il y a quelque chose qui subsiste quand même quand la lumière se rallume, on a remis son manteau, on l’a refermé, au cou l’écharpe de Chypre ou d’Istanbul – émerveillés parce que c’est ce qu’on voulait nous dire et faire comprendre : mais il ne reste rien – le cinéma s’évapore les plans sont montés collés les uns aux autres la musique (ici Van Morrison : formidable, juste et gaie dansante belle) le mixage – quelques manières jte dis c’est vrai, des plans au ras du sol, des effets, du style – mais un amour, vrai je suppose, et de la ville et des acteurs

la grand mère, Buddy pieds sur la table, le grand-père (Ciarán Hinds) (photo de tournage)

il y a cette imposture des images fixes pour relater quelque chose qui n’existe plus (c’était la fin des années soixante, les catholiques et les protestants se tuaient les uns les autres – on posait des bombes – on sacrifiait des innocents ou des coupables) (souviens-toi de Bloody Sunday (Paul Greengrass, 2002)) – (un de ces types qui disait dans le poste « je lui ai réglé son compte » – une émission sur la guerre d’Algérie, on en a mémoire) – ce sont juste des hommes, des êtres humain, des hommes que la guerre défait – nous autres alors, les enfants, ne comprenions rien (il n’y a rien à comprendre, c’est vrai) – ainsi que Buddy qui n’aime qu’elle (Olive Tennant dans le rôle de Catherine,jeune fille blonde mais/et catholique)

il ya quand même quelque chose de formidable (quoi qu’il puisse en être des conditions de production, des acteurs magnifiquement beaux, des cadrages excessifs et des couleurs passées de noir et blanc – ces choses afféteries effets clins d’œil connivents – il y a ces répliques formidables) dans cette scène

Buddy et son père- le premier « oui, mais elle est catholique… » et son père : « quelle que soit sa religion, protestante, catholique, hindou ou vegan sataniste, l’important c’est ce qu’elle est, elle » – je cite de mémoire – on s’en fout des catégories – même si elles sont intégrées à nos façons d’être – on s’en fout –

parce qu’on est vivants et humains et qu’on le reste

jusqu’à

la guerre, quelque chose de l’imposture, la guerre civile (Espagne 36, Chili 73, Algérie 91, Yougoslavie ça n’existe plus, Ukraine 22…) la honte des nations (j’en oublie tant)

Belfast, un film de Kenneth Branagh