il s’agit d’une histoire à rebours comme on en voit dans les contes – quelque chose débute dans la nuit : on ne s’aime plus pas grand chose mais juste : c’est fini hein on en est d’accord et On ne s’aime plus, vraiment ?
pourquoi ne pas en faire une fête ?
Ici Ale (Itsaso Arana, qu’on vit déjà dans le magnifique Eva en août du même réalisateur (2020))
et là Alex (Vito Sanz, parfait également – co-scénariste)
il est acteur, elle est réalisatrice – de cinéma – ils forment un couple depuis une quinzaine d’années (il joue dans ses films, elle le filme jouer) (la fiction ? la réalité ?) (il peint aussi :
elle évidemment)
le conte les prend, les images se muent en faux raccords ou en mosaïques
ils se séparent – elle s’en va,
ou alors ce sera lui
ils expliquent cela à leurs amis, ici au bar
là au restaurant : ça peut paraître incroyable
ou tout simplement géniaaaal
en réalité (si ça peut exister au cinéma), l’idée de la fête de séparation (qui m’a furieusement fait penser à ces affects décomplexés de nos jours contemporains) vient d’une galéjade du père d’Ale
ici à droite en peignoir qu’on ne le verra pas quitter (il est joué par Fernando Trueba, le père du réalisateur, Jonas Trueba – une histoire de famille : l’oncle David du réalisateur est producteur – le frère de son père) (oui enfin passons) – « ce serait mieux, disait-il ce père un jour où, probablement il avait abusé de la dive bouteille, de fêter les séparations que les mariages » – ou alors les deux – il est pris au mot – on fêtera cette séparation un 22 septembre : je me souviens de la chanson qui faisait
un vingt-deux septembre au diable vous partîtes et depuis chaque année à la date susdite….
que je chantais dans le métro Palais Royal (je m’égare)
je mouillais mon mouchoir en souvenir de vous
chantait le bon Georges – le poète, l’ami (les meilleures leçons de vie apprises le furent par ses chansons – je l’aime toujours, comme ma grand-mère) (pardon car c’est une chanson triste – elle se termine par
et c’est triste de n’être plus triste sans vous »)
(elle est un peu citée dans le film) on fêtera donc ça
en chanson pourquoi pas – on fêtera, on chantera on dansera – et puis
et puis
et puis
Septembre sans attendre un film (drôle, attachant, plein d’espoir) de Jonas Trueba
C’est un premier film (long métrage, un premier) et c’est à ce titre sans doute qu’on en dit quelque chose : on l’a vu à Romainville au Trianon – une salle de la banlieue de Paris nouvellement reliée à la ville dite intra muros par le métro (Châtelet-Rosny-Bois-Perrier dit la ligne – onze dit la wtf régie) et le réalisateur en parlait après la séance (on n’est pas restés, on avait faim) – il y avait dans l’entrée une table garnie de spécialités culinaires libanaises (j’ai acheté un petit paquet de zaatar que j’ai donné ensuite à ma fille comédienne). Cela n’aurait qu’une importance anecdotique et relative (mais les détails et les anecdotes sont l’un des sels de la vie) si l’époque n’avait pas cette puanteur (due à cette extrême droite dégueulasse – permettre et pousser à tuer des avocats en donnant leurs noms et leurs adresses, permettre et oser faire craindre des balles dans la nuque à d’autres corporations, la grande classe comme on voit : c’est ici, dans ce beau pays – celui des libertés). Donc, on sait grâce à ce cinéma de faire une place à celles et ceux qui décidément seront de plus en plus nombreux : et ici et ailleurs, j’ai nommé les étrangers… Et justement voilà que notre héros (Sofiane, dit Souf par ses relations) qui jouit d’une vie assez dissolue se trouve rattrapé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français) cette infamie directement inspirée de l’idéologie de cette extrême droite odieuse . Souf est ennuyé : il n’est pas français… mais une solution pour rester sur le territoire dit national (ainsi qu’un front, qu’un rassemblement ou qu’une révolution, le tout de mémoire abjecte) consisterait à trouver un contrat de travail à durée indéterminée – la nation est un concept assez frelaté, je reconnais – ne parlons pas de la patrie, steuplé. On en parle, et il trouve à s’employer comme croque-mort : une relation paternelle (lequel est diplomate), on l’engage, vient mon ami lui dit-on : il était à Lyon, il déménage à Roubaix. Croque -mort cependant d’un genre particulier : musulman. Et voilà Sofiane qui rencontre le Hadj (Kader Affack, taiseux…)
lequel lui apprend un métier que Souf (Hamza Meziani, tout à fait convaincant) n’a aucunement l’intention d’embrasser. Nettoyer les corps morts a quelque chose de certainement assez particulier
ainsi qu’une ambiance difficile à supporter. Nécessité fait loi. Voilà Souf installé, et qui s’en va laver son linge
assez saisi par son nouveau métier (il voit des mort.es partout) mais celle-ci est bien vivante
Rachel (Magdalena Laubisch, sensible)
: coup de foudre sans doute – tout est plus compliqué cependant – mais le film va son chemin – Sofiane parcourt un chemin, commence sans doute à comprendre – Hadj est muet se tait et fait le travail : Sofiane apprend. Comprend sans doute, ce qui se fait sans un mot.
Quand même Sofiane ne serait pas musulman : quelque chose qui n’a, tout simplement, aucune importance. Des choses avec sa famille, d’autres avec Rachel : Sofiane sans doute troublé, tourneboulé, ballotté mais retrouvant son prénom… – ici en visite
à la mosquée, Rachel qui trouve cela exotique, sans doute
le film bifurque : voilà Sofiane s’en allant à Nice tenir une officine : liturgie
nombreux rituels et puis et puis… Le film suit son chemin, comme Sofiane le sien. Une sorte d’initiation diaphane – à peine forcée – mais des valeurs, une humanité, des propos, des acteurs et des actrices tout à fait à la hauteur.
Six pieds sur terre un (premier long métrage) film réalisé par Karim Bensalah
on ne la voit pas vraiment, mais la ville est là – magnifique – capitale de la Jordanie – je la montre de loin, mais tout se passe en ville –
sauf le cours de conduite (mais je n’ai pas d’image) – en ville donc
Amman fait partie de cette histoire qui raconte une vie de femme, Nawal : au début, et dès le début, elle est veuve mais mère d’une petite fille (Nora). Ça ne compte pas (ça ne compte pas : pour l’héritage s’entend)
(elles sont debout, ils sont assis) (pas tous, mais eux sont assis) – ce n’est pas un hasard – Nawal emmène sa fille à l’école – puis elle ira soigner une vieille femme (riche) (il s’agit de son travail : le soin d’une vielle femme)
– elle hérite du pick up de son mari
c’est vrai, elle ne sait pas conduire : et après ?
elle ne veut pas s’en séparer – quelque chose l’en empêche – elle veut le garder – elle hérite de son mari, certes, mais aussi surtout de ses dettes : le frère de son mari est avide
elle ne cédera pas
Il faudra aller en justice, faire valoir ses droits – minces au début – puis
se battre – après d’autres évitements, elle continue : les hommes, eux, veulent la dissuader, elle doit de l’argent, l’appartement dont elle a hérité pour partie revient au frère et aux sœurs du défunt avant elle et sa fille – elle doit de l’argent – un ami se propose de lui en prêter (sans doute contre son amour mais enfin : comme un ami – homme certes) – elle refuse, c’est une histoire d’entraide entre femmes – c’est une histoire de terreur –
et d’amour – elle se débat, cherche des solutions – ment parfois, triche vaguement, se débat dans un monde d’hommes, où elle cache ses cheveux
sauf à la maison
(Adnan, c’est le prénom de son mari : à ce moment-là de l’histoire, au début donc, il vient de mourir…) et puis tenir bon – ne pas céder : le tout pour le tout, elle s’accroche, elle ne veut pas – les choses tournent mal – puis mimant un prochain enfant (mâle oui) elle jettera à la figure de ces hommes-là qu’elle est enceinte – on ne sait si c’est la réalité – on fera des tests – on ira voir des juges Et comme dans un conte…
Inch Allah un fils un film réalisé par Amjad Al Rasheed, primé à Cannes (fondation Gan) l’année dernière
Mouna Hawa – Nawal Seleena Rababah – Nora Haitham Omari – Rifqi (le frère) Yumna Marwan – Lauren (la fille de famille riche – et chrétienne) Salwa Nakkara – Souad (la mère de Lauren) Mohammad Al Jizawi – Ahmad (le frère de Nawal) Eslam Al-Awadi – Hassan (l’amoureux éconduit)
EQUIPE TECHNIQUE
Réalisation – Amjad Al Rasheed Scénario – Amjad Al Rasheed, Rula Nasser, Delphine Agut Image – Kanamé Onoyama (AFC) Montage – Ahmed Hafez Son – Nour Halawani Costumes – Zeina Soufan Décors – Nasser Zoubi Coiffure et maquillage – Farah Jadaane Musique – Jerry Lane
Une production The Imaginarium Films, Bayt Al shawareb, Georges Films Produit par Rula Nasser et Aseel Abu Ayyash coproduit par Youssef Abdelnabi, Raphaël Alexandre, Nicolas Leprêtre
Un de ses amis (afghan) (ils sont peu – réfugiés – elle a aussi une copine de travail mais étazunienne garantie – il y a aussi des abrutis afghans ou pas, certes) cet ami donc lui donne une pilule pour dormir, lui donne aussi son rendez-vous chez le psychiatre.
Le psychiatre est un drôle de mec
(pas certain que ce soit une lapalissade) – les prescrit-il ? Mystère. Dort-elle mieux ? On ne sait pas trop. Mais tout à coup, au travail
où on fabrique des biscuits
dans lesquels on incorpore des messages
inscrits sur un petit papier
à la manière des devinettes ou des blaguettes qu’on trouvait dans les caram’bar tu te rappelles –
et pour ces maximes formules fortunes chances formes de recette ou d’horoscope – quelque mots, il faut bien les écrire : ici la rédactrice
les deux copines discutent blind dates (rencontres amoureuses ou quelque chose)
et puis
brusquement (j’aimerai mourir comme ça – comme Molière* – au travail) – alors
elle accepte – et à nouveau quelque chose : ceci déjà (consigne éditoriale)
et puis on apprend à la connaître – son quotidien, ses repas chez un ancien de là-bas
les conventions
les obligations,
les sous-entendus
là-bas ça n’a pas d’importance pourtant, ce qui importe c’est ici
les choses se passent aux États dits unis mais j’ai pensé ça pourrait être une Algérienne ici, une Cap-Verdienne ou une Angolaise au Portugal
j’ai pensé mais je n’ai pas de réponse – désespérément… quelque chose à tenter
un message dans un biscuit – Donya, c’est elle, un sms lui parvient
elle répond, elle se décide, et donc elle part – mais avant
elle répète
il me semble qu’elle emprunte une auto – j’ai pensé à celle (assez laide, alors que celle-ci me plaît plus) d’Eastwood dans un Gran Torino (2008) probablement à cause des immigrés qu’il y a aussi dans cette narration – des gens chassés par les guerres – celle de son amie, peut-être bien)
puis elle s’en va mais c’est une fausse piste
le film est en noir et blanc format carré – plus ou moins – ça sert à quoi tout ça ?
ça se passe en Californie –
il y aura quelque chose de la cruauté
de la servilité, de la subordination il y a quelque chose aussi de la chance – ou alors de la fatalité
ou simplement du hasard
Fremont un film (simple, splendide) de Babak Jalali
* : ça n’a aucun rapport (sinon cette proximité qu’on entretient avec sa propre mort – et donc sa propre vie) (cette chose, la vie – et donc l’amour – qui est de tous les films par construction) (c’est une des raisons pour lesquelles nous développons pour cet art industriel une espèce de goût prononcé) aucun rapport mais dans le Molière (Ariane Mnouchkine, 1978) la mort de JBP son transport allant de la scène à sa chambre passant par l’escalier, ce passage est magnifiquement illustré – magnifiquement… (c’est peut-être à cette aune que tous les films se valent et peuvent – ou doivent – se comparer)
(il y avait longtemps avoue – mais c’est difficile de nourrir tout ce monde-là – il y avait bien un billet sur Catane mais je l’ai laissé choir – j’y reviendrai) ici ça a peu à voir avec la ville mais ça s’y déroule quand même – c’est un genre que le film de procès (les Amerloks ou Étazuniens, comme tu préfères, procéduriers comme des poux (regarde ceux du peroxydé) l’ont élevé au rang des block busters) – une jeune femme
a laissé se noyer son bébé de quinze mois
la Manche, du côté de Berck dit-on, la nuit
infanticide ça se nomme (c’est une terreur : mais ne sommes-nous pas capables de tant de choses terribles, nous autres humains ?), c’est interdit par la loi et les commandements si tu veux voir. Ici la jeune femme
interprétée par Guslagie Malanda. Une espèce d’arrogance, probablement. Dans la vraie vie, si jamais elle existe, mais oui, le réel surgit : cette femme qui, par deux fois avait avorté, demandait à être jugée pour savoir ce qui l’avait poussée à commettre ce meurtre; elle n’en savait que peu, se sentait poussée, agie, possédée par quelque sorcellerie, pensait-elle. Et par ce film, nous suivons le procès. Les propos qu’on entend sont ceux tenus lors du procès.
C’est par une espèce de hasard que la réalisatrice (Alice Diop en photo en entrée de billet) a croisé le chemin de cette femme – dans la vraie vie disons, donc, il s’agit d’un fait divers que la réalisatrice interprète peut-être : c’est une photo de la mère poussant l’enfant assise dans une poussette, captée par une caméra de surveillance et reproduite dans un journal, qui l’ont fait réagir, et elle est partie assister au procès, lequel se déroulait à Saint-Omer.
Le film raconte cette échappée. La réalisatrice est devenue romancière pour l’occasion : on la découvre sous les traits de Kayije Kagame
enceinte, elle aussi.
Des images, de cette ville, Saint-Omer qui votait front national (sans majuscule), des idées de la relation qu’entretenait cette jeune mère avec le père de l’enfant qu’elle tuera, ce père de trente ans son aîné, artiste, riche, blanc, mâle… et déjà marié – à qui elle cachera sa grossesse (pourquoi ? elle ne veut pas l’ennuyer…) à qui elle mentira tout au long de leur histoire, et surtout peut-être des quinze mois de la vie de cette petite fille, abandonnée à la mer qui monte, à Berck-Plage, ville choisie pour la consonance du toponyme – le soir, la nuit, un dix-neuf novembre…
Le film est entrecoupé de scènes de la vie familiale de la réalisatrice aujourd’hui mais surtout lorsqu’elle était enfant. Des images
(magnifiquement éclairées – la photographie due à Claire Mathon)
qui montrent une relation mère-fille difficile (la mère de la romancière : Adama Diallo Tamba) – des pleurs – peu d’explications, mais des émotions.
Quelque chose dans ce travail que la maternité inflige. Quelque chose qu’on doit aimer mais qui, dans quelques conditions, devient insupportable. C’est probablement de porter seule, sur elle, avec elle, en elle, cette réalité du monde d’aujourd’hui, et d’ici, de ce côté-ci du monde.
Elle qui affronte ce monde, fait d’hommes blancs, pour des hommes blancs- et des lois écrites et promulguées par des hommes blancs. On voit la présidente du tribunal qui tente de comprendre (Valérie Dréville)
on voit l’avocate qui défend et joue son rôle (Aurélie Petit)
on voit aussi l’avocat général qui charge forcément, on voit le père de la petite morte noyée, ce père qu’on ne juge pas, non.
Puis tombera le verdict, vingt ans, ramenés à 15 en appel.
Et la romancière qui retrouvera le père de l’enfant à naître.
Saint-Omer un (premier) film (de fiction) d’Alice Diop. On trouvera ici, dans le dossier de presse, un entretien avec la réalisatrice.
souvent un peu d’âme slave – une chanson de Boris Vian, moscovite ne rime pas avec soviétique mais on y dit « j’ai mis des rideaux de fer à toutes mes fenêtres » (mais je les laisse ouverts, dit-il ensuite) certes – chute du mur – réunion de cellule – on ne sait pas exactement mais le recours fréquent aux téléphones en cabine intime à penser qu’on se trouverait plutôt du côté de la fin du siècle dernier – pas trop d’appareils électroniques non plus (téléphone de poche ou personnel computer) – rien de tout cet attirail contemporain (on parvenait cependant à vivre, mais oui) (adaptation d’un roman paru en 2011, écrit par Rosa Liksom) – une fête
Irina trinque
on y boit au voyage futur
mais Irina ne partira pas
la « chérie » s’en ira seule – Laura (interprétée par Seidi Haarla) : elle est finlandaise, elle fait ses études en Russie, anthropologie – elle veut aller voir des pierres gravées qui se trouvent du côté de Mourmansk (des pétroglyphes) – le voyage était une espèce d’espoir peut-être – mais sans Irina, il perd en charme –
deux mille kilomètres, vers le nord (on entend « Voyage voyage » par Desireless (1986)) – en train
l’accompagnatrice ferroviaire (Julia Aug)
on ne sait pas trop avec qui on voyage, en train – trente six heures minimum – ici c’est un type Ljoha (Yuriy Borisov)
Ljoha (Yuriy Borrissov) qui boit
un peu un poncif (car le slave, tel le polonais, boit comme un trou)
ce n’est pas gagné… – un début cependant
ça ne plaît pas tellement, mais l’air est entendu
conforme – Laura n’apprécie que moyennement – obligée de rester (elle tente de s’en aller changer de compartiment : impossible) – « tu te crois où? « lui demande l’accompagnatrice –
elle reste – elle écrit – elle filme (une caméra vidéo (on devrait le savoir mais non) qui doit dater d’une vingtaine d’années quand même) – elle filme et écrit – son voyage est une espèce de quête (mais sans son amie Irina il perd un peu de sens) – le type Ljoha lui en demande le but, il boit, se saoule, l’interroge « tu vas vendre ta chatte ? » – léger – obscène – il s’écroule non sans demander comment on dit
en finlandais, Laura lui répond
le voyage continue – Ljoha s’est écroulé, il se réveillera plus tard : Saint-Petersbourg (ex-Leningrad – c’est moi qui souligne) – elle tente de joindre Irina au téléphone – rien – depuis une cabine dehors, sur le quai – puis plus tard on l’entend au loin, cette Irina vaguement ennuyée : de l’histoire ancienne ? peut-être déjà oui… – le wagon-restaurant, plus tard encore
on s’arrêtera sans doute en gare de Petrzavodsk – toute une nuit –
Ljoha connaît une amie, il veut aller la voir – il emprunte une voiture – il demande à Laura de venir, elle ne sait pas – puis vient – il l’emmène – Laura rencontre une femme magnifique (la mère adoptive de Ljoha, interprétée par Lidia Kostina)
elles parlent, boivent aussi – fument – parlent – un moment presque magique – c’est le lendemain, il faut partir –
ils s’en retournent, reprennent le train – un finlandais avec une guitare s’installe, accueilli par Laura mais en s’en allant lui vole sa camera – le monde regorge de salauds, ça ne fait aucun doute – mais garder le moral et rire
un voyage pour retrouver des signes anciens, mais elle n’y parvient pas, les obstacles, la glace, l’éloignement, l’absence de son amie aussi sans doute – elle retrouvera Ljoha, lui expliquera qu’elle ne peut se rendre où elle veut – voir ces fameuses pétroglyphes (peut-être celles de Kanozero, découvertes en 1997) – mais il arrivera à l’aider, ils s’en iront
elle les trouvera
ils reviendront
une histoire plutôt simple, où la rencontre disons fraternelle apporte de la joie
Voilà un moment (depuis le 2 mars 2020, soit le plus ou moins début de cette wtf pandémie) que cette rubrique est abandonnée à son sort – depuis la pandémie, j’ai l’impression (anéfé) – mais il nous faut vivre, disait la poète, vaille que vivre… On reprend ici avec un film français, et on essayera de tenir cette distance ici de (ne) parler (que) des films qu’on aime
C’est une histoire de ville – elle se passe en ville – en capitale : le début montre un camionneur , Yann (Pio Marmaï) qui rejoint Paris dans le cadre de son travail mais il va participer à une manifestation (début décembre 18 : ce n’est pas dit, on subodore et on se souvient) : une grenade éclate sous ses pieds, il est blessé gravement à la jambe : direction les urgences
Plus loin en parallèle une femme (VBT) pas vraiment bourgeoise (elle porte des basketts : est-ce suffisant pour n’être pas vraiment bourgeoise ? j’en sais rien, tu me diras) rompt avec son amie (Marina Foïs) qui s’en va, l’autre lui court après, en ville, elle tombe, se brise le coude – elle se retrouve à l’hôpital, téléphones omniprésents – l’une appelle son amie, l’autre en relation avec son fils sans y arriver, le troisième Yann avec son ami(e) So… Tout se croise mais surtout, et d’abord, d’abord Kim l’infirmière (Aïssatou Diallo Sagna, impériale avec son mari qui garde leur enfant malade) tout se téléscope – donc un film sur les urgences
un film sur les manifestations qui ont eu lieu avant la pandémie – l’épisode de la Pitié Salpétrière dont on se souvient : cette honte bue par le gouvernement – un film de ville, de sirènes de cris de fumées et de peurs
mais les choses sont prises en main par le personnel soignant (même si certains sont fâchés – il y a de quoi parce que l’hôpital, depuis vingt ans (et la taxation à l’acte, dite T2A mise en place par le gouvernement Chirac, et – très bizarrement – par le premier ministre d’aujourd’hui…) va finir si on n’y prend garde par céder, comme cette sécurité sociale chèrement gagnée et payée (on se souvient des paroles d’un syndicaliste patronal (Denis Kessler, appointé à 6 millions l’an chez Scor, société de réassurances – non, mais ça va bien) disant qu’il fallait annihiler tout ce qui avait été bâti par le programme du Conseil National de la Résistance en 1945) (une histoire de la politique française des vingt dernières années, menée par la droite, et par une certaine gauche mêmement) – c’est un peu de cette histoire-là
qui se joue, qui se jouait tout autant sur les ronds-points avant l’épidémie – un peu de cette histoire-là qui est racontée (en filigrane) dans le film car le vrai message du film, c’est que l’hôpital tient (la scène où le chef de garde interdit l’accès de l’hôpital aux forces dites de l’ordre est emblématique de cette résistance-là) oui, l’hôpital résiste (et le chef de garde porte un accent magnifiquement cosmopolite…) l’hôpital tient bon soigne sauve des vies. Mi-documentaire, mi-fiction, le film met donc en scène quatre personnages principaux et tissent entre eux des liens à la manière des fascias qui unissent nos organes et nos muscles et nos os : d’abord, l’infirmière Kim (je le redis, Aïssatou Diallo Sagna splendide)
(dans la vraie vie, elle est aide-soignante : le cinéma lui offre une promotion…) calme et sûre ; puis ce couple de femmes, probablement très éprises mais très remontées l’une contre l’autre, que l’accident de l’une (Valeria Bruni Tedeschi, qui envoie grââââve, qui ne peut s’empêcher de dessiner, de la main gauche…) va rapprocher de l’autre (Marina Foïs si sérieuse, si les pieds sur terre…)
qui revoit un peu de son passé (une rencontre fortuite avec un ami de lycée) et envisage sûrement le chemin parcouru
beaucoup de choses bougent, beaucoup de certitudes sont ébranlées – mais restent (et c’est une des qualités majeures du film) la réalité de l’humanité (une vieille femme meurt doucement, on soigne un petit bébé, une femme blessée pleure, un jeune homme affolé ne tombe pas dans le meurtre…)
La fracture est ouverte, certes, mais le film tente de la réduire : la surexcitation de Yann (Pio Marmaï) vient de la rue qui enfante l’horreur – on n’a pas oublié les mains arrachés, les yeux énucléés, les blessures et même les morts (même si l’épidémie est passée par là, avec ses confinements, ses errements, ses mensonges et ses faux-semblants) : on n’oublie pas, mais ce film sert, aussi, à ça. S’il se termine plutôt dans le calme pour les deux femmes
(elles parviennent à s’échapper de l’hôpital au petit matin), il en est autrement pour le camionneur – aidé par un CRS il s’échappe aussi, pourtant… Je ne sais pas bien mais j’ai pensé que la police, son armée, sa garde, était allié objectif de cette mort qui nous veut, tous et toutes… Une vraie réussite pour un cinéma (français) qui parle (une fois n’est pas coutume…) du quotidien du pays.
La Fracture (Catherine Corsini,2021) (en entrée de billet le trio d’actrices lors de la présentation du film à Cannes, cet été) (les images (c) CHAZ et Carole Bethuel, dossier de presse)
c’est un endroit de la ville (12 millions d’habitants, plus de dix huit millions pour l’agglomération) où toujours passent le tourisme et le reste du monde et des pigeons par milliers
la porte de l’Inde et le Taj Mahal palace hôtel (qui a été le théâtre d’attentats en 2008 – après celui du Marriott d’Islamabad) (*), l’océan et la douceur de vivre. Ce rappel des attentats indiens ne tient pas de place dans le film – doux et charmant. Peut-être un contraste (la lutte des classes et des castes en Inde est féroce : ici, on n’en aura que des échos lointains, assourdis mais présents parfois à l’image et, très probablement, cette lutte est-elle ce qui ne permet pas l’entente des deux premiers rôles). Le héros est un photographe des rues (on en croise de semblables dans la cour du Louvre ici à Paris)
Chemise blanche, appareil photo en bandoulière, dans le sac une imprimante qu’on ne distingue que mal sur l’image du robot : c’est exactement son rôle.
Le photographe (Rafi) dans l’exercice de sa profession (et ses outils dont l’imprimante)
C’est l’histoire d’un homme, Rafi, endetté qui, par son travail de photographe, envoie dans sa famille restée à la campagne, de quoi payer des dettes dont on ne comprend pas exactement la teneur sinon que la mort du père les a provoquées – quelque chose qu’on ne comprend pas, mais qui se relie directement à des lois et des institutions locales, de castes et de classes.
Nawazuddin Siddiqui dans le rôle titre : Rafi
Le voilà qui rencontre Miloni
Miloni (Sanya Malhotra) trop bien – et Rafi (Nawazuddin Siddiqui) devant le Taj Mahal Palace hôtel
Se noue alors une histoire. Elle, étudiante, lui photographe – elle ne le connaît pas –
Rafi et Miloni dans le bus : première rencontre
Il a une grand-mère qui veut qu’il se marie – lui ne connaît personne, demande à Miloni – elle accepte et se prête au stratagème. C’est une espèce de jeu
auquel ils se prêtent tous les deux
. Puis la grand-mère vient à la rencontre de son petit fils (et de la promise…).
Miloni et la grand-mère ( Farrukh Jaffar)
Ce sont les personnalités des deux protagonistes qui emportent le film : lui peut-être timide, elle certainement – ils parviennent à se comprendre – le film est en montage parallèle – une ville qui tient lieu de personnage et de décor
Rafi et Miloni dans une rue attendent un taxi
des images fixes, mais du cinéma – ils vont au cinéma ensemble, ils partagent quelque chose sans y parvenir vraiment
ce n’est pas qu’ils ne se comprennent pas mais quelque chose leur échappe
le tout est réalisé avec tendresse, pourtant – on veut la marier, elle aussi, comment faire pour y échapper ? On ne sait pas – quelque chose de chaste et de doux – mais qui ne veut pas fonctionner – qui ne peut pas… Pour Miloni, les parents tiennent pour un mariage arrangé – on connaît les autres parents, on sait comment se marier entre gens de bonne famille
Je me souviens de ce film , Sir (Rohena Gera, 2018) indien tout autant – cette facilité à l’élégance, à la distinction, je ne sais pas ce qu’il y a avec l’Inde (ces temps-ci, mais pas seulement pour ce pays, il y a de quoi être vigilant et se prémunir, se grouper,exister ? que sais-je ? non, je ne sais pas) – mais ce cinéma-là, un peu de comédie, un peu de drame, quelque chose de l’humanité tout entière… il reste qu’il faut vivre
PHOTOGRAPH featuring Sanya Malhotra courtesy of Amazon Studios.
Il y a quelque joie, quelque tendresse, quelques émotions simples – et le reste du monde qui s’y oppose… Tant pis, le film reste tellement doux.
Le Photographe, un film de Ritesh Batra.
(*) Le déroulement de l’actualité influence, par osmose, le cours de ce billet – notamment par les violences qui ont lieu ces jours-ci en Inde (on a visionné le film il y a quelques semaines). Il n’est pas spécialement avérés que ces violences nationalistes (couvertes par le pouvoir et singulièrement par le premier ministre dudit pouvoir, Narendra Modi – voir sous le lien, plus haut) aient pour fondements les attentats dont on parle, mais ils y contribuent sans qu’on puisse émettre de doute sur ces contributions. On ne tient pas non plus à créer une ambiance anxiogène ici, mais s’aveugler ne permet pas non plus de comprendre. Ainsi, le système des castes illustré ici est-il aussi issu d’une pratique religieuse, l’hindouisme, laquelle induit contraintes et obligations. Les attentats d’origine musulmane reflètent aussi une revendication religieuse, contre laquelle il semble que le film tente une mise en question. Pour mémoire aussi, l‘attentat à l’hôtel Marriott d’Islamabad (Pakistan) a eu lieu le 20 septembre 2008, les attentas de Mumbay (six lieux de la ville touchés) qui en sont une réplique suivant l’un des tueurs, se sont déroulés du 26 au 29 Novembre 2008 (en Inde, donc).