Une ville de Géorgie (ça se trouve à cheval entre l’Asie et l’Europe, sur le bord est de la mer Noire) traversée par un fleuve, magique, ex-capitale de cette république (convoitée par le tsar immonde) – le film n’en est pas là : aujourd’hui comme tous ces derniers jours, il y a quelque chose comme de la sidération dans l’air du chroniqueur. Vivre, enfin continuer à vivre (ce billet, en direction de l’Ukraine). C’est un film formidable. Adorable, gai heureux donnant joie de vivre et entrain, avec des enfants qui jouent au foot, des adultes qui travaillent (des professions peut-être improbables, mais des professions) il faut bien manger – on regarde le ciel, c’est une histoire d’amour et une histoire de cinéma – une histoire d’amour du cinéma aussi bien, parallèle, film dans le film, mais la ville, cette ville et ses ponts, le blanc comme le rouge, une ville avec ses croisements habités par des esprits, ses fenêtres et ses maisons, les amitiés les rencontres – une ville Le réalisateur a étudié à Berlin, dans une école de télévision mais on s’en fout un peu Il fait jouer sa mère et son père – on pense à Scorcese et à sa mère – une vision du monde, de la beauté des choses et des relations entre humains, une vraie merveille dans ces temps troubles et haineux Les images qu’on montre ici réunissent les protagonistes : une jeune femme qui étudie la pharmacie
un jeune homme qui joue au football
peut-être professionnellement – ils ne se rencontrent pas à l’image (ici la première du film)
on y voit des chiens
ce sont des êtres qu’aiment le réalisateur –
et aussi les enfants –
partout
(ici c’est la fin du film – ils montent l’escalier, vont s’installer là-haut contempler quelque chose – ils jouent –
) ils jouent partout
séquence magnifique où une onzaine d’entre eux
regardent le ciel (la onzaine (comme au football) a quelque chose à voir avec la suivante qui mangera des glaces, laquelle réfère Bondo Dolaberidze autre réalisateur géorgien)
beaux comme des astres – une merveille
j’aurais voulu saisir le cafetier- il paraît que c’est une star au pays – ça ne m’étonne guère –
le voilà en chemise jaune qui chronomètre, sur le pont blanc, Giorgi pendu – il est loin – on voit le ciel
au loin les montagnes magiques – le cinéma qui se fait devant nous (un peu comme celui de Aki Kaurismäki : on le croit parce qu’on le voit) – les décors les acteurs – les techniciens et l’artisanat d’un art qu’on aime tant –
une pure et vraie merveille
deux heures et demie qui passent comme un rêve – le soleil, la lumière – elle
et lui
qui ne se voient que mal ou peu ou qui s’évitent, un sort, des mots, des êtres
le vent – l’eau – la vie simple – un croisement, la nuit
formidable
Sous le ciel de Koutaïssi, un film (magique, probablement) d’Aleksandre Koberidze (là, en georgien, sous titré en anglais)
la petite couronne, la ceinture rouge, la banlieue : Ivry-sur Seine jouxte Paris – ici dans les années quatre-vingt on officiait en enquête dite « poubelles » – le temps est passé – la cité Gagarine est détruite, il n’en reste rien que des oripeaux pour laisser place à entre autres une extension de gare – « faire et défaire c’est travailler » et « quand le bâtiment va tout va » – le film prend pour héroïne principale cette cité, dite alors Gagarine (on y voit des bandes d’actualités de l’époque, le tout début des années soixante, où le cosmonaute Youri Gagarine vient en personne inaugurer en 1963) (non loin, une autre du même ordre, dite Maurice Thorez, bâtie en 1953, est un des décors de ce film-ci – enquêtée par votre serviteur d’ailleurs – mais pas la Gagarine)
J’ai souvenir d’un film titré Soldat de papier (Aleksey German Junior, 2008) qui raconte l’aventure (disons) des premiers cosmonautes (une merveille, tragique sans doute)
Cette époque-là, le début des années soixante, et aujourd’hui le début des années vingt, ont-elles quelque chose de commun ? Sinon ces établissements de briques, ces décors et ces gens donc ? Les conditions de production de ce film, en tout cas, semblent porter quelques traces de l’époque antérieure. Une impression onirique, quelque chose d’inatteignable peut-être : ce serait un rêve
une volonté sans faille
pour un désir peut-être permanent – à l’image Youri (Alseni Bathily) qui veut sauver cette cité de la démolition – il s’y emploie avec ses amis (si on criait « la liberté ou la mort ! » ici lui crie « Gagarine for ever ! »)
et donc il repeint
répare le réseau électrique, les ascenseurs, les ampoules
– en pure perte ? Peut-être pas – pas complètement sans doute – les lieux où se déroulent l’action (disons) se présentaient ainsi, il n’y a que dix ans peut-être
on avait demandé aux deux réalisateurs un film d’un quart d’heure avec les habitants du quartier (le « on » de la phrase précédente serait à déterminer – je suis un peu, dans ces circonvolutions, comme celui qui (toutes proportions gardées, hein) chevauche sa Rossinante et adore sa Dulcinée) et cette situation (sacrée sans doute) a le don de ma fatiguer) (apparemment les architectes en charge de la démolition qui se trouvent être des »amis » des réalisateurs) – en est sorti sans doute aucun le film demandé mais aussi celui-ci je suppose – Youri n’est pas que bricoleur, il est aussi astronome (je ne dis pas « amateur » qui a le don de dévaloriser) – il aime regarder le ciel – on observera donc l’éclipse (une allégorie)
à travers des lunettes assombries
on a tourné dans ces murs de briques rouges (le béton des années 60, l’amiante de ces heures-là, rouges comme la ceinture détruite de nos jours – on oublie, on détruit, on reconstruit – le bâtiment va – il y avait là des gens – ça ne fait rien, on va danser -à trois pas, une cité nommée Maurice Thorez reste encore sur ses fondations (on y a tourné quelques plans)
Ivry-sur-Seine au sud de Paris – à présent la zone se nomme Gagarine-Truillot (elle se composera d’un agro-quartier) – rien n’est perdu peut-être – et peut-être pour une occasion, cette occasion on a dansé sur les toits
on a ri
on a chanté
c’est sans doute parce qu’on y croit
puis moins
mais dans l’histoire, il faut une histoire tu sais bien, il y aura cette jeune femme romanichelle probablement
séduite
par la passion de Youri
et d’autres encore, comme ce vendeur de cannabis – d’abord peut-être acariâtre puis amical –
ici dans le jardin suspendu réalisé par Youri dans l’immeuble qu’il est désormais le seul à habiter – ici une autre locataire de l’immeuble (avant démolition, indiscutable terreur)
et les choses comme les choses iront, que Diana désire partir
ou pas ne changerait rien – qu’on danse encore (formidable séquence que celle de Dali dansant comme un derviche
) le temps fait son œuvre ainsi que tourne
, toujours, le monde
qui jamais ne cessera de tourner
Gagarine, un film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Youri : Alséni Bathily
Houssam : Jamil McCraven
Diana : Lyna Khoudri
Fari : Farida Rahouad
Dali : Finnegan Oldfield
dans Ville & cinéma il s'est agi de raconter quelque chose de ces deux entités et de ce qu'elles peuvent entretenir entre elles - entités est assez vague, on pourrait intituler aussi ça des dispositifs. Souvent,je m'interroge (je me suis toujours interrogé c'est vrai) sur ma pratique - non pas que je n'aime pas le cinéma (je n'aime simplement pas son milieu, non plus que ses conditions de production) (en ayant côtoyé d'autres, je n'ai pas l'impression qu'il soit plus pourri ou moins que d'autres) (le contemporain néo-libéral dans toute son horreur)- mais ce film-là parle de ces "dispositifs" et de cette façon qu'ils ont d'astreindre les gens, les personnes, personnages ou personnalités à des rôles particuliers. Il s'agit ici plus parfaitement du cinéma que de la ville : en sortant de cette projection, j'avais comme à l'idée que quelque chose n'allait pas, ou plutôt que quelque chose (m')avait été manqué. Pour en faire peut-être un film marquant. Je me suis dit, presque tout de suite, qu'on avait là affaire à quelque chose comme Mister Smith au Sénat (Frank Capra,1939) : serait-ce le même film si Juliette Binoche (tellement bien ici bien sûr comme il se doit, comme James Stewart en Jefferson Smith) avait pris la place, le rôle, de Christèle et Hélène Lambert celui de Marianne ? Un soir, de nuit, les choses ont changé : j'ai vaguement aperçu, entr'aperçu cette possibilité - y aurait-il eu un producteur - une productrice peut-être - un banquier, un ou une type qui avance l'argent pour avoir confiance ? - Je me suis dit, à un autre moment, que le type qui traite les femmes de ménage qu'il emploie de crétines existe vraiment, ainsi que les deux propriétaires du camping... ainsi que les armateurs des navires... Non, mais juste une chose : je ne me résous pas à accepter cet état des choses
C’est un quai, y accostent des bateaux (la marque l’armateur le propriétaire la compagnie de ces bateaux a refusé qu’on y tourne les images, l’équipe de production a cherché ailleurs, a trouvé d’autres bateaux, en Hollande je crois bien, qui ont loués leurs locaux) (on dit bravo à la marque de l’image : ce sont des pratiques immondes pour un monde qui ne l’est pas moins – bizarrement si je vais en Irlande cet été (ce qui est dans les prévisions), je ne passerai pas par cette compagnie) (non, mais je suis borné) qui partent et reviennent de ce royaume au delà de la Manche – on a à les nettoyer (nul doute que de l’autre côté du Pas de Calais, d’autres prolétaires du même acabit fassent le même travail – laver nettoyer curer les chiottes changer les draps passer l’aspirateur : des femmes de ménage) (je me souviens de Daniel Blake) il y a aussi des hommes
ici on les voit assis, c’est l’embauche du matin – assise aussi, la cheffe d’équipe – debout, les femmes : tel est l’ordre du monde
nettoyer
faire du propre et rapidement
il est dit à un moment qu’on prendra 4 minutes par cabine, il y en plusieurs centaines (les cadences infernales : ça n’a pas changé)
ici c’est dans un camping même jeu (l’abjecte conduite des donneurs d’ordre) nettoyer encore (le smic à moins de 9 euros l’heure)
et encore – le travail et sa dignité – parfois (trop souvent toujours) l’humiliation (la loi travail El Khomri)
on aime le travail bien fait et quelqu’un le salope
le film est composé de cette histoire (librement inspiré du livre de Florence Aubenas, le Quai de Ouistreham paru en 2010) et de plans libres
je ne dispose que du film annonce
mais ils sont là
des évidences de la narration – de nuit comme de jour
– n’apportent que l’ambiance et la réalité des choses – documentaires peut-être comme on les appelle – une narration classique peut-être, forte et formidable à certains moments, ici en voiture pour rejoindre les bateaux
c’est le corps les yeux les mains les membres qui fatiguent – et l’esprit donc – il y a aussi (souvent quand même, mais c’est la loi aussi de cette histoire-là) il y a aussi des moments de joie
de gaité franche
et de plaisir
il y a aussi cette histoire d’écriture (à la Marsa, qu’est-ce que tu veux, c’est comme ça, on n’y peut pas grand chose : ça parle)
c’est un film où on croise beaucoup de femmes, un homme aussi
plutôt sympathique le gars – une histoire de France – des conditions de travail, des migrants dans l’ombre qui passent, il faut bien vivre et gagner cette vie sacrée
nettoyer
faire du propre
des heures éparses tôt le matin et tard le soir – ce n’est pas le bagne mais ça y ressemble – montrer les invisibles, celles qui courent pour tenir, terriblement vrai – mais jte dis aussi, la joie : celle de partir…
de fêter ça
et de danser
et de danser pour fêter ça
(un plan magnifique et merveilleux) un baiser de loin
oui au revoir (elles s’éloignent)
vraiment bien
Ouistreham, un film réalisé par Emmanuel Carrère (voulu et co-produit par Juliette Binoche)
Il s’agit d’une ville au milieu de l’Amazonie, au nord du Brésil, là où le rio Negro rejoint l’Amazone. Une ville, un port. Capitale, trois millions d’habitants. Sur le port travaille Justino, comme surveillant agent de sécurité armé protégé d’un gilet pare-balles. Il rentre en car
plusieurs fois, on l’en voit descendre et prendre le chemin de chez lui : voir comme il regarde sur sa droite, c’est comprendre qu’il entend, par là, venant de là, quelque chose – on ne sait pas mais on entend. Il traverse. Formidable travail du son dans ce film. Il commence par
quelque chose comme ça – la forêt, la brume, peu de ciel et beaucoup de terre, formidable aussi comme on se sent étranger – quelque chose nous dépasse. Exactement ça. Puis on découvre le héros, Justino, ordinaire, normal, standard comme toi ou moi, un type qui travaille pour gagner sa vie : ce plan-là
on aime à voir cette longueur, on se dit qu’il va ouvrir les yeux, on entend à nouveau des bruits, des cris peut-être, peut-être pas des chuchotements, aigus sans être agressifs, des présences – passent le temps et le générique
dans les ombres, le temps les bruits – le monde bruisse – l’homme vit plus loin, avec sa fille (montage parallèle, on la voit travailler dans un centre de soins)
elle lui annonce sa réussite à un concours qui le rendra docteure en médecine, mais les études se déroulent à Brasilia (c’est à mille kilomètres d’ici – elle va s’en aller) ( il le faut : Justino le lui dit, pars ma fille) loin – le travail continue (il y a une chanson de Jacques Higelin qui fait « pars/fais ce que tu dois faire /sans moi ») (j’adore) (elle fait aussi « quoi qu’il arrive je serais toujours avec toi » – tout à fait ça) (nos cultures sont différentes mais elles se rejoignent pour peu qu’on les adopte) – le travail contraint force assomme torture
le fleuve les containers les navires les bruits – les abrutis de collègues de travail – l’horreur habituelle de la subordination –
(je ne suis souvenu d’une des séquences de Villages visages (Agnès Varda, 2018)) le travail
pas seulement graphique – le fleuve comme une espèce de fond sonore
au loin, même ici il est peut-être trop présent mais il est là – un décor – et Justino subit une fièvre
inexplicable
revenir
habitudes
travail
quelque chose d’étrange
un rêve certainement (une bête dans la jungle)
je ne raconte pas tout, seulement cette ambiance
nocturne onirique
magnifique – d’autres développements, une histoire qu’il raconte à son petit fils
un repas en famille
une façon de raconter formidablement diffuse – formidablement original
et surtout aimer et survivre…
Parfait.
La Fièvre, un film de Maya Da-Rin (2019), avec des acteurs tellement justes (Regis Myrupu dans le rôle de Justino : extra – léopard d’Or je crois bien Locarno 2019)
il s’agit d’un film indiqué quelque part sur le rézosocio puis ailleurs : on m’en a dit : « mignon » et : « sympathique » mais je crois qu’il est plus que ça – je renoue un peu avec les découpages plan à plan des études à l’institut d’art et archéo – je ne dévoile pas tout (il faudrait le voir – il passe encore – ici le lien) – une narration particulière – une histoire sentimentale probablement, mais profonde, joyeuse, gaie, un peu cruelle – en vrai : du cinéma (et du bon) – on en verra le générique ailleurs (je le poste mercredi – mercredi, c’est cinéma aussi) : il y a une espèce de « rubrique » idoine dans la maison[s]témoin
ici il s’agit d’une petite ville de province – en région – en Normandie plus ou moins – anonymisée – un type (Julien Beguin, comme il se doit – puisqu’il l’a eu) (pour elle, Caroline) revient pour quelques heures dans la maison familiale (il vit à Paris, avec une Anna, enceinte – on ne la verra pas) (il a écrit un livre qui a eu du succès) – le film (c’est un court métrage, 25 minutes, musical) commence par les pas de cette jeune femme au bonnet rouge
elle va chanter en marchant « partir un jour » (doucement, une chanson interprétée dans les années 90 par les deux sont trois – boys band on disait alors – « 2be3 », tu te souviens ? ) laquelle chanson donne son titre au film – mais pas que – elle se dirige vers un arrêt de bus, ici patiente ce jeune homme au bonnet marron, qui se roule un clopo
il chante aussi, la même chanson – tandis que celles-ci aussi qui patientent tout en chantant
et attendent le bus qui arrive – fin de la chanson – entrée en image du héros Julien qui discute au téléphone avec Anna sur le prénom (Lucius, non, certainement pas mais Andéol ? non plus sans doute…) du fils à venir, voici sa mère qui vient avec son père le chercher dans le camion de la boucherie
(le père et la mère partent à la retraite : ils déménagent)
le père (François Rollin – Gérard – extra) est d’une « humeur de chien »
il cite des passages du livre de son fils où on parle de bouse, des « hommages » dit le père (inscrits dans un carnet) – cut : dans un supermarché
la mère, Martine (Lorella Cravotta, parfaite) achète des exemplaires du livre de son fils (on en voit ici six, elle les achète tous : pour les offrir à ses copines de chorale) : on aperçoit le titre, presque « Partir un Jour » on aperçoit la photo (le Julien qui ne sourit pas, mal coiffé…)
– lui Julien voit au loin une jeune femme (en réassort dans les rayons, loin : une caissière mais il la reconnait, c’est Caroline) – puis la roue tourne
tourne encore
il la cherche sans le savoir : la voilà
c’est sa pause (la pomme, l’eau, la caisse…) : tu prends un café ? il ne peut pas, non, il est avec ses parents – il est encore leur enfant – elle, elle en attend un, mais et ce soir on boit un verre ? ah non, enfin non… Tant pis, elle s’en va, mais lui laisse son zéro six (il le lui demande, si jamais…)
(on le lit bien hein ?) formidablement, elle a pris les livres, les bananes, les biscuits et les lui a fourrés dans les bras, puis s’est emparée du caddy – il s’en va, se retourne
sort du cadre – contrechamp, à contre temps elle se retourne
elle s’en va – cut : il est dans sa chambre, passe trouvé dans un carton un survêtement bleu estampillé « Cherbourg Natation », lui chante une chanson de Francis Cabrel (l’encre de tes yeux)- puis lui écrit un texto : finalement, il peut ce soir
– elle viendra le chercher, mais avant il discute avec ses parents, à table, devant la télé
on parle (il lui refait le coup du carnet…)
puis on entend au loin, vaguement, Julien s’en va – bonne soirée en amoureux les parents dit-il – elle l’emmène
travelling magnifique – ils entrent clandestinement dans une piscine comme au temps du collège « ça marche encore ce truc-là? » mais oui – ils nagent et parlent
mais qui est le père de cet enfant ? un jeune homme, Yohann
non, pas Yohann, quand même…
mais si, fallait pas partir… Comment ça, fallait pas … ?
ben non, fallait pas – ça aurait aussi bien pu être toi, le père… mais pourquoi tu l’as pas dit ?
on ne savait pas, on n’a rien dit, et elle « tu aurais pu m’écrire quand même… » mais mon livre, dit-il, trois cents pages que j’ai écrites pour toi… » mais non… elle ne l’a pas lu…
« interdiction de plonger » – les deux ex-amoureux aux pieds des palmiers du paradis – mais non, non… Ils se rhabillent, et les voilà qui chantent ensemble, « Bye bye » un rap de Ménélik aux rimes directement sorties du dictionnaire
ils s’amusent
dansent chantent « tu es le seul qui m’aille/jte le dirai sans faille »… (le rap)
« Tu es la seule qui m’aille, je te le dis sans faille Reste cool bébé sinon j’te dirai bye bye »
le téléphone sonne, il le regarde, elle le regarde : une image sous le prénom d’Anna
enceinte elle aussi – Caroline voit cette image, il allait lui en parler – lui aussi devient père – c’est trop tard – cut : le lendemain matin
il va s’en aller – sa mère boit du café dans la maison vide – son père est parti tôt avec le premier camion du déménagement – il embrasse sa mère, il s’en va – travelling sur les champs
en off : il appelle son père – ça ne répond pas –
mais il lui dit la première phrase de son nouveau livre « ce sera sur la page un du coup… jt’embrasse » – partir quand même
un peu de tristesse sans doute
et puis
quoi ? une mobylette…
celle de Caroline… « Youhou !!! » crie-t-elle – le bus est passé, Julien sourit – sur elle de dos qui sourit (on le sait qu’elle sourit) (parce que c’est tellement drôle quand même…), puis de face
un peu triste, elle entonne une chanson créée par Larusso « Tu m’oublieras » – un couplet, il en reprend un autre – puis sur elle à nouveau
qui met son casque, reprend sa mobylette (le soleil sur le guidon…) et continue de chanter, puis, en off sur un travelling sublime
vraiment (et forcément) sublime : ce petit sourire
générique de fin.
Partir un jour, un film d’Amélie Bonnin
(*) addenda du 26 avril 2022 : recherchant quelques informations, je suis tombé sur le village de Cormolain (j’avais demandé à la réalisatrice qui n’a pas jugé bon de répondre (non, mais on a des trucs à faire) (je veux dire plus importants) un éclaircissement sur le nom du village) et tu sais comme je suis, voilà que j’y vais voir un peu et je tombe sur ça
qui a un air de famille avec l’une des premières images de ce billet (et du film) – la voilà
ça s’appelle avoir de la chance – je ne sais si la maison Allix est citée dans les remerciements… (mais oui, en remerciements (avant-dernier carton) et à Benoît : ici aussi, donc) (pour mémoire -même si le film se termine par le Tu m’oublieras de Larusso (entre beaucoup d’autres) – résultats du deuxième tour de cette bourgade : l’immonde 109 bulletins (51.42%), le jésuite hypocrite 103 (48.58%) source : ministère de l’intérieur) – hum.
souvent un peu d’âme slave – une chanson de Boris Vian, moscovite ne rime pas avec soviétique mais on y dit « j’ai mis des rideaux de fer à toutes mes fenêtres » (mais je les laisse ouverts, dit-il ensuite) certes – chute du mur – réunion de cellule – on ne sait pas exactement mais le recours fréquent aux téléphones en cabine intime à penser qu’on se trouverait plutôt du côté de la fin du siècle dernier – pas trop d’appareils électroniques non plus (téléphone de poche ou personnel computer) – rien de tout cet attirail contemporain (on parvenait cependant à vivre, mais oui) (adaptation d’un roman paru en 2011, écrit par Rosa Liksom) – une fête
on y boit au voyage futur
la « chérie » s’en ira seule – Laura (interprétée par Seidi Haarla) : elle est finlandaise, elle fait ses études en Russie, anthropologie – elle veut aller voir des pierres gravées qui se trouvent du côté de Mourmansk (des pétroglyphes) – le voyage était une espèce d’espoir peut-être – mais sans Irina, il perd en charme –
deux mille kilomètres, vers le nord (on entend « Voyage voyage » par Desireless (1986)) – en train
on ne sait pas trop avec qui on voyage, en train – trente six heures minimum – ici c’est un type Ljoha (Yuriy Borisov)
un peu un poncif (car le slave, tel le polonais, boit comme un trou)
ce n’est pas gagné… – un début cependant
conforme – Laura n’apprécie que moyennement – obligée de rester (elle tente de s’en aller changer de compartiment : impossible) – « tu te crois où? « lui demande l’accompagnatrice –
elle reste – elle écrit – elle filme (une caméra vidéo (on devrait le savoir mais non) qui doit dater d’une vingtaine d’années quand même) – elle filme et écrit – son voyage est une espèce de quête (mais sans son amie Irina il perd un peu de sens) – le type Ljoha lui en demande le but, il boit, se saoule, l’interroge « tu vas vendre ta chatte ? » – léger – obscène – il s’écroule non sans demander comment on dit
en finlandais, Laura lui répond
le voyage continue – Ljoha s’est écroulé, il se réveillera plus tard : Saint-Petersbourg (ex-Leningrad – c’est moi qui souligne) – elle tente de joindre Irina au téléphone – rien – depuis une cabine dehors, sur le quai – puis plus tard on l’entend au loin, cette Irina vaguement ennuyée : de l’histoire ancienne ? peut-être déjà oui… – le wagon-restaurant, plus tard encore
on s’arrêtera sans doute en gare de Petrzavodsk – toute une nuit –
Ljoha connaît une amie, il veut aller la voir – il emprunte une voiture – il demande à Laura de venir, elle ne sait pas – puis vient – il l’emmène – Laura rencontre une femme magnifique (la mère adoptive de Ljoha, interprétée par Lidia Kostina)
elles parlent, boivent aussi – fument – parlent – un moment presque magique – c’est le lendemain, il faut partir –
ils s’en retournent, reprennent le train – un finlandais avec une guitare s’installe, accueilli par Laura mais en s’en allant lui vole sa camera – le monde regorge de salauds, ça ne fait aucun doute – mais garder le moral et rire
un voyage pour retrouver des signes anciens, mais elle n’y parvient pas, les obstacles, la glace, l’éloignement, l’absence de son amie aussi sans doute – elle retrouvera Ljoha, lui expliquera qu’elle ne peut se rendre où elle veut – voir ces fameuses pétroglyphes (peut-être celles de Kanozero, découvertes en 1997) – mais il arrivera à l’aider, ils s’en iront
elle les trouvera
ils reviendront
une histoire plutôt simple, où la rencontre disons fraternelle apporte de la joie
On avait eu droit au tragique La chambre du fils (2001), ainsi qu’au Mia Madre (2015) tous deux magnifiques – les adjectifs n’en disent jamais assez. Des histoires de famille, peut-être – mais on aime ce réalisateur. Est-ce qu’on cherche de la promotion, de l’éveil, de l’attention ? C’est un monde terrible (comme dit Jean Seberg, lorsque Preminger l’interroge (en 1955) lui posant la question de savoir si elle veut être actrice : « terriblement » dit-elle) (« oh badly ! ») (elle a dix-sept ans et onze mois) (elle est de trente huit) – terrible) ça se passe, ça se déroule à Rome (comme, tu te souviens sûrement, Journal Intime (1995)) on en voit peu, mais on ressent la ville quand même (on est installé à la gare, les trains sont en contrebas dans la surexposition de lumière; on est à l’aéroport; on est sur les quais du Tibre, sur le bord d’une route bretelle, la nuit – au loin l’Aventin, l’une des sept collines – au loin Ostia et la mer et Pasolini, puis Civitavecchia et Stendhal et Cinecitta et Federico – au loin) (enfin tout ça)
Trois étages d’un immeuble, trois (ou quatre) familles qui vivent là. Des histoires mêlées. Trois temps (cinq ans plus tard, puis cinq ans plus tard)
On ne parle pas de cinéma (tant mieux), leur travail c’est plus le droit – Monica est femme au foyer, elle accouchera immédiatement de Béatrice (le bébé sur l’image) son mari (Giorgio – Adrianno Giannini) absent, toujours absent (dans la première période, puis moins) (sa mère perd la tête… et elle craint aussi pour sa propre santé mentale – elle se trouve ou se retrouve, pense-t-elle, trop seule)
Puis le juge, sa femme et leur fils (par qui un des scandales arrive) (il y en a aussi trois)
ça commence un peu comme ça
le môme Andrea ivre tue une passante (tandis que Monica s’en va accoucher seule de Béatrice) retrouvé ceci – ça se passe dans cette rue –
les camions du tournage, via Montanelli à Rome – puis ceci (le garage ou finit la course du môme Andrea ivre)
trois histoires tricotées, tressées, montées plus ou moins parallèlement pour n’en faire qu’une (peut-être) celle de cet immeuble
– la plus attachante
peut-être parce qu’elle perd la tête – et comme sa mère s’enfuit – puis elle, qui subit l’ultimatum de son salaud de mari (comme disait Jean Renoir à propos de sa Règle du Jeu (1939…) « chacun a ses raisons « ou quelque chose d’approchant)
trois femmes puissantes (Sarah qui envoie paître son mari, Dora qui recherche son fils
Monica qui cauchemarde éveillée
mais aussi en dormant – d’autres choses encore, des développements, des rencontres, des naissances et des deuils, des procès – beaucoup de choses mais la plus belle, la plus improbable aussi, la plus attachante et la plus vraie pourtant, cette danse
magnifique qui s’éloigne – je te la pose deux fois
tango milonga tout ce que tu veux, mais des dizaines de couples qui passent, dansent sur une musique magique, comme dans un rêve… tout le cinéma est là (on pense à la fin de Huit et demi – mais ici, les acteurs ne dansent pas…).. Alors, à la toute fin, lorsque Béatrice s’en va avec son père (et son petit frère), cette image (au ralenti…) à travers la vitre arrière de l’auto
Voilà un moment (depuis le 2 mars 2020, soit le plus ou moins début de cette wtf pandémie) que cette rubrique est abandonnée à son sort – depuis la pandémie, j’ai l’impression (anéfé) – mais il nous faut vivre, disait la poète, vaille que vivre… On reprend ici avec un film français, et on essayera de tenir cette distance ici de (ne) parler (que) des films qu’on aime
C’est une histoire de ville – elle se passe en ville – en capitale : le début montre un camionneur , Yann (Pio Marmaï) qui rejoint Paris dans le cadre de son travail mais il va participer à une manifestation (début décembre 18 : ce n’est pas dit, on subodore et on se souvient) : une grenade éclate sous ses pieds, il est blessé gravement à la jambe : direction les urgences
Plus loin en parallèle une femme (VBT) pas vraiment bourgeoise (elle porte des basketts : est-ce suffisant pour n’être pas vraiment bourgeoise ? j’en sais rien, tu me diras) rompt avec son amie (Marina Foïs) qui s’en va, l’autre lui court après, en ville, elle tombe, se brise le coude – elle se retrouve à l’hôpital, téléphones omniprésents – l’une appelle son amie, l’autre en relation avec son fils sans y arriver, le troisième Yann avec son ami(e) So… Tout se croise mais surtout, et d’abord, d’abord Kim l’infirmière (Aïssatou Diallo Sagna, impériale avec son mari qui garde leur enfant malade) tout se téléscope – donc un film sur les urgences
un film sur les manifestations qui ont eu lieu avant la pandémie – l’épisode de la Pitié Salpétrière dont on se souvient : cette honte bue par le gouvernement – un film de ville, de sirènes de cris de fumées et de peurs
mais les choses sont prises en main par le personnel soignant (même si certains sont fâchés – il y a de quoi parce que l’hôpital, depuis vingt ans (et la taxation à l’acte, dite T2A mise en place par le gouvernement Chirac, et – très bizarrement – par le premier ministre d’aujourd’hui…) va finir si on n’y prend garde par céder, comme cette sécurité sociale chèrement gagnée et payée (on se souvient des paroles d’un syndicaliste patronal (Denis Kessler, appointé à 6 millions l’an chez Scor, société de réassurances – non, mais ça va bien) disant qu’il fallait annihiler tout ce qui avait été bâti par le programme du Conseil National de la Résistance en 1945) (une histoire de la politique française des vingt dernières années, menée par la droite, et par une certaine gauche mêmement) – c’est un peu de cette histoire-là
qui se joue, qui se jouait tout autant sur les ronds-points avant l’épidémie – un peu de cette histoire-là qui est racontée (en filigrane) dans le film car le vrai message du film, c’est que l’hôpital tient (la scène où le chef de garde interdit l’accès de l’hôpital aux forces dites de l’ordre est emblématique de cette résistance-là) oui, l’hôpital résiste (et le chef de garde porte un accent magnifiquement cosmopolite…) l’hôpital tient bon soigne sauve des vies. Mi-documentaire, mi-fiction, le film met donc en scène quatre personnages principaux et tissent entre eux des liens à la manière des fascias qui unissent nos organes et nos muscles et nos os : d’abord, l’infirmière Kim (je le redis, Aïssatou Diallo Sagna splendide)
(dans la vraie vie, elle est aide-soignante : le cinéma lui offre une promotion…) calme et sûre ; puis ce couple de femmes, probablement très éprises mais très remontées l’une contre l’autre, que l’accident de l’une (Valeria Bruni Tedeschi, qui envoie grââââve, qui ne peut s’empêcher de dessiner, de la main gauche…) va rapprocher de l’autre (Marina Foïs si sérieuse, si les pieds sur terre…)
qui revoit un peu de son passé (une rencontre fortuite avec un ami de lycée) et envisage sûrement le chemin parcouru
beaucoup de choses bougent, beaucoup de certitudes sont ébranlées – mais restent (et c’est une des qualités majeures du film) la réalité de l’humanité (une vieille femme meurt doucement, on soigne un petit bébé, une femme blessée pleure, un jeune homme affolé ne tombe pas dans le meurtre…)
La fracture est ouverte, certes, mais le film tente de la réduire : la surexcitation de Yann (Pio Marmaï) vient de la rue qui enfante l’horreur – on n’a pas oublié les mains arrachés, les yeux énucléés, les blessures et même les morts (même si l’épidémie est passée par là, avec ses confinements, ses errements, ses mensonges et ses faux-semblants) : on n’oublie pas, mais ce film sert, aussi, à ça. S’il se termine plutôt dans le calme pour les deux femmes
(elles parviennent à s’échapper de l’hôpital au petit matin), il en est autrement pour le camionneur – aidé par un CRS il s’échappe aussi, pourtant… Je ne sais pas bien mais j’ai pensé que la police, son armée, sa garde, était allié objectif de cette mort qui nous veut, tous et toutes… Une vraie réussite pour un cinéma (français) qui parle (une fois n’est pas coutume…) du quotidien du pays.
La Fracture (Catherine Corsini,2021) (en entrée de billet le trio d’actrices lors de la présentation du film à Cannes, cet été) (les images (c) CHAZ et Carole Bethuel, dossier de presse)
c’est un endroit de la ville (12 millions d’habitants, plus de dix huit millions pour l’agglomération) où toujours passent le tourisme et le reste du monde et des pigeons par milliers
la porte de l’Inde et le Taj Mahal palace hôtel (qui a été le théâtre d’attentats en 2008 – après celui du Marriott d’Islamabad) (*), l’océan et la douceur de vivre. Ce rappel des attentats indiens ne tient pas de place dans le film – doux et charmant. Peut-être un contraste (la lutte des classes et des castes en Inde est féroce : ici, on n’en aura que des échos lointains, assourdis mais présents parfois à l’image et, très probablement, cette lutte est-elle ce qui ne permet pas l’entente des deux premiers rôles). Le héros est un photographe des rues (on en croise de semblables dans la cour du Louvre ici à Paris)
Chemise blanche, appareil photo en bandoulière, dans le sac une imprimante qu’on ne distingue que mal sur l’image du robot : c’est exactement son rôle.
C’est l’histoire d’un homme, Rafi, endetté qui, par son travail de photographe, envoie dans sa famille restée à la campagne, de quoi payer des dettes dont on ne comprend pas exactement la teneur sinon que la mort du père les a provoquées – quelque chose qu’on ne comprend pas, mais qui se relie directement à des lois et des institutions locales, de castes et de classes.
Le voilà qui rencontre Miloni
Se noue alors une histoire. Elle, étudiante, lui photographe – elle ne le connaît pas –
Il a une grand-mère qui veut qu’il se marie – lui ne connaît personne, demande à Miloni – elle accepte et se prête au stratagème. C’est une espèce de jeu
auquel ils se prêtent tous les deux
. Puis la grand-mère vient à la rencontre de son petit fils (et de la promise…).
Ce sont les personnalités des deux protagonistes qui emportent le film : lui peut-être timide, elle certainement – ils parviennent à se comprendre – le film est en montage parallèle – une ville qui tient lieu de personnage et de décor
des images fixes, mais du cinéma – ils vont au cinéma ensemble, ils partagent quelque chose sans y parvenir vraiment
ce n’est pas qu’ils ne se comprennent pas mais quelque chose leur échappe
le tout est réalisé avec tendresse, pourtant – on veut la marier, elle aussi, comment faire pour y échapper ? On ne sait pas – quelque chose de chaste et de doux – mais qui ne veut pas fonctionner – qui ne peut pas… Pour Miloni, les parents tiennent pour un mariage arrangé – on connaît les autres parents, on sait comment se marier entre gens de bonne famille
Je me souviens de ce film , Sir (Rohena Gera, 2018) indien tout autant – cette facilité à l’élégance, à la distinction, je ne sais pas ce qu’il y a avec l’Inde (ces temps-ci, mais pas seulement pour ce pays, il y a de quoi être vigilant et se prémunir, se grouper,exister ? que sais-je ? non, je ne sais pas) – mais ce cinéma-là, un peu de comédie, un peu de drame, quelque chose de l’humanité tout entière… il reste qu’il faut vivre
Il y a quelque joie, quelque tendresse, quelques émotions simples – et le reste du monde qui s’y oppose… Tant pis, le film reste tellement doux.
Le Photographe, un film de Ritesh Batra.
(*) Le déroulement de l’actualité influence, par osmose, le cours de ce billet – notamment par les violences qui ont lieu ces jours-ci en Inde (on a visionné le film il y a quelques semaines). Il n’est pas spécialement avérés que ces violences nationalistes (couvertes par le pouvoir et singulièrement par le premier ministre dudit pouvoir, Narendra Modi – voir sous le lien, plus haut) aient pour fondements les attentats dont on parle, mais ils y contribuent sans qu’on puisse émettre de doute sur ces contributions. On ne tient pas non plus à créer une ambiance anxiogène ici, mais s’aveugler ne permet pas non plus de comprendre. Ainsi, le système des castes illustré ici est-il aussi issu d’une pratique religieuse, l’hindouisme, laquelle induit contraintes et obligations. Les attentats d’origine musulmane reflètent aussi une revendication religieuse, contre laquelle il semble que le film tente une mise en question. Pour mémoire aussi, l‘attentat à l’hôtel Marriott d’Islamabad (Pakistan) a eu lieu le 20 septembre 2008, les attentas de Mumbay (six lieux de la ville touchés) qui en sont une réplique suivant l’un des tueurs, se sont déroulés du 26 au 29 Novembre 2008 (en Inde, donc).
Il s’agit d’une île de la mer Baltique, au sud de la Suède – Gotland, île lointaine – ce n’est qu’en été qu’y tournait Ingmar Bergman et ce film-ci (qui donne de si belles images au bandeau de cette rubrique) s’y est tourné du 6 mai au 18 juillet 1985. Au loin croisent les navires
de belles images
sur la mer une nature difficile à et des vents forts
tel est le décor. Le film relate le rêve d’un homme, un vieux professeur pensant la troisième guerre mondiale (et atomique possiblement) arrivée. Le facteur indique une voie possible (c’est le premier plan du film, qui dure près de dix minutes)
pour que cette catastrophe ne se produise pas – le vieil homme peut-être crédule l’emprunte et promet, si la guerre atomique ne se produit pas, de sacrifier tout ce qu’il possède. Un sort, probablement – mais l’homme y croit (Erland Josephson (*) dans le rôle, un habitué des films d’Ingmar Bergman – à l’image de ce film-ci, Sven Nykvist, chef opérateur de la plupart des films d’Ingmar Bergman) et, à la presque fin du film, il entasse dans sa maison tout ce qu’il possède et y flanque le feu. Il sort de chez lui par la fenêtre
une échelle
enjambant la balustrade du balcon
le feu commence à prendre, l’homme a soif
il lui faut boire, puis il s’en va
plan vide, bientôt
au son, le feu prend de l’ampleur
(ici débute le plan de six minutes quarante six secondes) Ainsi, brûlera la maison
(tous les enfants sont sortis se promener, discutant de l’état de santé mentale du père, ayant décidé ensemble qu’il valait mieux l’interner) – l’homme croit en ces sorts, perd la tête, la raison – c’est fait
La catastrophe s’est produite
l’ambulance arrive trop tard
on le force à y entrer – il finit par se laisser faire – l’ambulance s’en va
tandis que le sacrifice est réalisé
Je ne parle pas de la sorcière (elle en les pouvoirs de qui il croit, cet homme – mais elle est là –
elle s’en va
et la famille reste prostrée – je ne raconte qu’un millième peut-être du film – prostrée
devant l’étendue de cette défaite… (ici la partie du plan qui illustre (par la grâce de Joachim Séné) le bandeau de ce blog, donc – (merci encore) – puis
à la dernière image du plan, l’histoire raconte qu’il n’y avait plus de pellicule (plus de film) dans le magasin de la caméra – l’histoire dit aussi que le plan fut tourné une première fois, mais qu’il fallut tout refaire car la caméra tomba en panne cette fois-là – la maison brûla entièrement… On garde je crois au moins une image (fixe) de ce plan-là
(On la reconstruisit, et la deuxième fois, ils tournèrent à deux caméras pour éviter une nouvelle catastrophe – mais le film se termine sans l’effondrement complet de la maison brûlée : le plan dure six minutes et quarante six secondes
Reste le dernier plan du film, en dédicace au fils du réalisateur – avec espoir et confiance…
(*) Cet acteur, si proche d’Ingmar Bergman qu’il prit sa succession à la tête du théâtre dramatique royal de Stockholm, m’est aussi proche que le Fernando Rey des films de Luis Bunuel (ou le Stanley Baker de ceux de Joseph Losey). Croisé à de nombreuses reprises donc dans les films d’un de mes réalisateurs préférés, il apparaît aussi dans un film « Dimenticare Venezia » (où je ne me souviens pas voir de plan de la sérénissime – il n’y en a pas) (Franco Brusati, 1979) dont j’avais réalisé le découpage, plan par plan, pour le magazine « L’avant scène cinéma » (numéro 277 du 1° décembre 1981) – film par lequel, alors, j’avais appris reconnu, ressenti et partagé le langage des fleurs de, je crois bien, la propriétaire de la maison (Marta), qui disait « roses rouges cœur ardent ».
Le Sacrifice, un film d’Andreï Tarkovsky (prix spécial du jury, à Cannes en 1986)