Ça n’a rien à voir (ou alors que peu) mais il y avait cette chanson qui faisait « c’était ta préférée je crois qu’elle est de Prévert et Cosma » et Antonio Zambujo la fredonnait agréablement en instillant un Cozma souriant dans sa diction. Elle est un peu chantée en fin (elle fait comme ça : mais la vie sépare/ceux qui s’aiment/tout doucement/sans faire de bruit/) : le film dure quatre-vingts minutes, les deux héros plus le chien vont vers le fond de la perspective d’Helsinki et les feuilles mortes volent un peu (pardon pour le point sur l’image).
C’est un film épuré, formidablement simple, les dialogues sont réduits (c’est à l’intérieur qu’on rit). Lui (Holappa, interprété par Jussi Vatanen) a un ami (Huotari, Janne Hyytiänen – habitué des films de Aki Kaurismäki) avec qui il travaille au début (et va boire) – en vrai Holappa boit
beaucoup
trop
beaucoup trop
Des couleurs, partout. Il y a cette femme Ansa (jouée par Alma Pöysti)
et il y a cet homme, Holappa; tous les deux travaillent, ils n’ont que leur corps à vendre ou louer : des prolos – elle est employée de supermarché
au réassort des rayons mais elle prend un quelconque paquet de nourriture à la date limite de vente périmée et se fait mettre à la porte – elle trouve un autre travail
lui fait un travail qui fait penser au début de Le jour se lève (il nettoie avec un jet à pression de sable des jantes rouillées) mais il boit (Gabin ne boit pas, mais tue…) (Marcel Carné, 1939)
Puisqu’il boit, il subit le même sort – de plus, il se blesse – il est mis à la porte. Mais ils se rencontrent, se plaisent sans doute, le sort s’acharnera contre leur rencontre – et puis… Des chansons comme s’il en pleuvait
C’est là, dans ce bar de karaoké (l’ami chante
) c’est là qu’elle le rencontre (Ansa) est à gauche, son amie au centre (Lisa interprétée par Nuppu Koivu), l’ami du héros Huotari, en chemise jaune
Après une séance de cinéma
un film d’horreur (Les morts ne meurent pas de Jim Jarmusch (2019)) – l’art et l’essai – et des affiches de cinéma – elle lui donne son numéro de téléphone
plus un bisou
il le prend
mais le perdra
Tout semble se liguer contre leur rencontre.
Ils se retrouvent cependant – elle l’invite à dîner
chez elle
mais il boit : elle s’en sépare . Le met à la porte. Il s’en va se soûler. Elle adopte un chien
et puis et puis… – la pluie
et la nuit de Finlande
Un mélodrame dans toute sa splendeur : une merveille.
Et la mer efface sur le sable les pas des amants désunis…
c’est juste l’histoire d’un vieux mec (interprété – magnifiquement – par Carlos Urena)
ça se passe du côté de Cascajal, dans la montagne
non loin de San-José (la capitale du Costa Rica)
(au centre de l’isthme qui relie les deux Amériques
ou alors celle-ci, centrale)
il y a un autre personnage que ces deux-là (Domingo
et le territoire, ce territoire-là
) c’est la brume – par ailleurs, Domingo a une fille (Sylvia, interprétée par Sylvia Rossa)
ils sont assez amis
et puis il y a la brume
Domingo a aussi deux amis
(aux sorts divers, mais il reste seul) et le monde alentour
(le réel peut-être)
qui cherche à s’approprier ces montagnes pour y construire une autoroute
c’est ce monde-là, le réel, celui des capitaux, des retours sur investissements, des performances des concurrences des marchés – l’économie les capitaux les banques l’argent – alors on offre « un bon prix » pour ce foncier-là
Domingo ne veut pas le savoir
il ne vendra rien
il attendra
marchera dans la montagne, côtoiera la brume qui lui parle
– attendra – et puis
advient ce qui advient
Domingo et la brume un film (coproduction Qatar/Costa Rica) magnifique réalisé par Ariel Escalante Meza
on ne sait pas, qui est qui ? on a droit à une voix off qui indique pourtant que l’identité du personnage (est-il principal ? c’est une autre affaire) a été usurpée via le rézocial – il en dispose de deux : tel est le dispositif mis en place Une :
deux :
à peu près semblables…
Deux personnages assez principaux aussi jouent des rôles (probablement les leurs, mais qui peut le dire ?) des entremetteurs, des messagers, des go-between (comme dirait Jo Losey) : elle, c’est Sarah Ndele
et lui, Peter Shotsha Olela
les deux accueillent le réalisateur usurpé
et vont l’aider à s’orienter dans la ville qui se trouve
Cette ville, Kinshasa, est la capitale de la république démocratique du Congo (francophone, comme tu sais) (parce que ex colonie belge – et un salut à Patrice Lumumba cependant – rien à faire ici, mais quand même) (je poserai bien sa photo taxée à wiki tiens
. C’est une affaire diffuse que cette histoire dans le film, elle ne se pense pas, on n’en parle pas – elle s’invite, c’est une osmose, c’est une histoire et c’est la nôtre) – on parle plus de cinéma, de distribution des rôles, d’escroquerie et la naïveté des acteurs (en l’occurrence, des actrices : ici quelques unes des amies du réalisateur
). Ce n’est que notre monde (virtuel ou pas) : on y prend l’identité qu’on désire et on en fait ce qu’on en veut. Ou peut. Alors pour trouver, ou retrouver, la sienne, le réalisateur (mais qui est le réalisateur ?) cherche en ville
travelling avant
suit des pistes
mais oui, les esprits rôdent – ou du moins pense-t-on que ce sont leurs actions – il y aura un chien nommé macron (à peine l’image l’accepte-t-elle)
et un autre (qu’on ne verra pas) nommé trump (ils n’ont pas droit à quelque majuscule que ce soit) – les nommer c’est les faire exister – il y aura le jour
et il y aura la nuit sur la ville
Des recherches, des élucubrations
des palabres, des retrouvailles
– un voyage où les rôles s’inversent, où ceux qui dominent sont dominés et aidés pourtant, c’est ça qui est parfaitement humain (dans ce que ça peut avoir de tendre et de beau)
« tu crois suivre une route mais ce n’est pas la bonne » lui dit-on – et le réalisateur cherche encore, ailleurs qu’en ville
bien sûr le fleuve (parfois, lentement, comme le pêcheur reprend ses filets, on pense à Joseph Conrad, loin au delà de tout ce qui se passe) et puis la ville, elle même, qui vit, qui bouge, qui va
Le vrai du faux un fort beau film documento-fictionnel d’Armel Hostiou
(il y avait longtemps avoue – mais c’est difficile de nourrir tout ce monde-là – il y avait bien un billet sur Catane mais je l’ai laissé choir – j’y reviendrai) ici ça a peu à voir avec la ville mais ça s’y déroule quand même – c’est un genre que le film de procès (les Amerloks ou Étazuniens, comme tu préfères, procéduriers comme des poux (regarde ceux du peroxydé) l’ont élevé au rang des block busters) – une jeune femme
a laissé se noyer son bébé de quinze mois
infanticide ça se nomme (c’est une terreur : mais ne sommes-nous pas capables de tant de choses terribles, nous autres humains ?), c’est interdit par la loi et les commandements si tu veux voir. Ici la jeune femme
interprétée par Guslagie Malanda. Une espèce d’arrogance, probablement. Dans la vraie vie, si jamais elle existe, mais oui, le réel surgit : cette femme qui, par deux fois avait avorté, demandait à être jugée pour savoir ce qui l’avait poussée à commettre ce meurtre; elle n’en savait que peu, se sentait poussée, agie, possédée par quelque sorcellerie, pensait-elle. Et par ce film, nous suivons le procès. Les propos qu’on entend sont ceux tenus lors du procès.
C’est par une espèce de hasard que la réalisatrice (Alice Diop en photo en entrée de billet) a croisé le chemin de cette femme – dans la vraie vie disons, donc, il s’agit d’un fait divers que la réalisatrice interprète peut-être : c’est une photo de la mère poussant l’enfant assise dans une poussette, captée par une caméra de surveillance et reproduite dans un journal, qui l’ont fait réagir, et elle est partie assister au procès, lequel se déroulait à Saint-Omer.
Le film raconte cette échappée. La réalisatrice est devenue romancière pour l’occasion : on la découvre sous les traits de Kayije Kagame
enceinte, elle aussi.
Des images, de cette ville, Saint-Omer qui votait front national (sans majuscule), des idées de la relation qu’entretenait cette jeune mère avec le père de l’enfant qu’elle tuera, ce père de trente ans son aîné, artiste, riche, blanc, mâle… et déjà marié – à qui elle cachera sa grossesse (pourquoi ? elle ne veut pas l’ennuyer…) à qui elle mentira tout au long de leur histoire, et surtout peut-être des quinze mois de la vie de cette petite fille, abandonnée à la mer qui monte, à Berck-Plage, ville choisie pour la consonance du toponyme – le soir, la nuit, un dix-neuf novembre…
Le film est entrecoupé de scènes de la vie familiale de la réalisatrice aujourd’hui mais surtout lorsqu’elle était enfant. Des images
(magnifiquement éclairées – la photographie due à Claire Mathon)
qui montrent une relation mère-fille difficile (la mère de la romancière : Adama Diallo Tamba) – des pleurs – peu d’explications, mais des émotions.
Quelque chose dans ce travail que la maternité inflige. Quelque chose qu’on doit aimer mais qui, dans quelques conditions, devient insupportable. C’est probablement de porter seule, sur elle, avec elle, en elle, cette réalité du monde d’aujourd’hui, et d’ici, de ce côté-ci du monde.
Elle qui affronte ce monde, fait d’hommes blancs, pour des hommes blancs- et des lois écrites et promulguées par des hommes blancs. On voit la présidente du tribunal qui tente de comprendre (Valérie Dréville)
on voit l’avocate qui défend et joue son rôle (Aurélie Petit)
on voit aussi l’avocat général qui charge forcément, on voit le père de la petite morte noyée, ce père qu’on ne juge pas, non.
Puis tombera le verdict, vingt ans, ramenés à 15 en appel.
Et la romancière qui retrouvera le père de l’enfant à naître.
Saint-Omer un (premier) film (de fiction) d’Alice Diop. On trouvera ici, dans le dossier de presse, un entretien avec la réalisatrice.
Voici le troisième (même le quatrième : débutée par un court-métrage , A Chjana que je n’ai pas vu) (c’est l’histoire de cette petite ville qui nous est depuis racontée) troisième long métrage donc que Jonas Carpignano consacre à cette petite ville (Gioia Tauro se situe à une trentaine de kilomètres au nord de Reggio de Calabre; un terminal de conteneurs (deuxième de Méditerranée dit-on), un site un ancien (moins six cent cinquante avant notre ère, Matauros qui a donné pour partie son nom à la ville) comptoir grec, un musée archéologique donc) – une petite ville. Des habitants (quelques vingt mille), des commerces, des boutiques – le premier de ces films, Mediterrenéa (2015) montrait les périples de deux amis, noirs, pour aboutir ici (l’un d’eux, interprété par Koudous Seihon, joue un petit rôle dans ce film-ci) – terreur et racisme mais existence quand même (on pense au maire, Mimmo Lucano*, de la petite ville de Riace (de l’autre côté de la presqu’île) condamné à treize ans de prison pour avoir accueilli des réfugiés Kurdes (entre autres) chez lui (ils furent Kurdes, ils eussent pu et furent tout aussi bien être Soudanais Syriens ou quoi que ce soit : ils (et elles) étaient des frères…) – le deuxième, A Ciambra (2017) s’intéressait à la communauté rom qui, ici s’est fixée, sédentarisée (bidonvilles et caravanes de rigueur) où un jeune type (interprété par Pio Amato, qui fait ici une apparition) tente de devenir grand (passer à l’âge adulte, un âge fait de vols, de blessures et de violences, de trahisons) – ce ne sont pas films tellement légers, mais la position et les dispositions des héros semblent réelles – la caméra reste au plus près, souvent, des personnages (fatigante parfois,certes). Pour ce troisième film, A Chiara (2021) il s’agit de se tenir au plus près d’une jeune fille, (quinze ans), Chiara – disons qu’il se trouve qu’elle est italienne. Elle vit dans une famille dont le père exerce la profession de revendeur de drogues – elle ne le sait pas encore quand débute le film : elle court sur un tapis immobile
Chiara (Swamy Rotolo) donc (c’est après lui que, durant tout le film, elle courra : le rejoindra-t-elle jamais ?) – puis dans la longue séquence suivante, on fêtera les dix-huit ans de sa sœur Giulia (Greca Rotolo) ici entre leur père et leur mère
Grande fête, où la famille boit ripaille danse joue – la famille, ici, réunie de profil
il s’agit d’une vraie famille (vraie veut dire que, dans la vraie vie – et non au cinéma, sur l’écran disons – pas seulement – ce sont des liens qui unissent père, mère et enfants – trois filles – la petite , Giorgia – la mère Carmela est jouée par une actrice (Carmela Fumo). Ce n’est pas qu’il s’agisse d’un documentaire cependant. Non plus que d’une fiction, tu me diras, quelque chose d’hybride (j’ai pensé à cette série photographies qu’avait présenté Mathieu Pernod au musée de l’histoire de l’immigration il y a un moment, ou au Jeu de Paumes plutôt où il a suivi des années durant une famille rom) : vrai ? peut-être… Un jeu d’images de cette ville – vraie – autant que peut l’être une image – ici
ici une du film
puis un autre jeu
Alors Chiara cherche son père qui disparaît le soir-même où on fait brûler sa voiture – il part – « tout est sous contrôle » dira la mère – cette quête d’un père absent sera le moteur de l’histoire mais plus profondément c’est son identité que Chiara tente de découvrir – violence ? puisque c’est une fille les choses sont un peu déplacées mais elle court, cette fille, elle court et interroge
veut savoir
cherche à comprendre
Parallèlement, les relations avec le monde le reste du monde se gâchent – dès le début du film, l’arrogance du droit du sol comme ils disent la tient, elle – à une jeune fille rom installée là elle ordonne violemment de partir – la rom part – quelque chose de la suprématie du dominant blanc – ignoble oui – plus loin, elle la blessera au visage, défigurée – une horreur ? oui encore
Il y a pourtant un problème – grave – je me souviens de mon prof de socio qui me disait en souriant « vous êtes un moraliste » – on doit éloigner les enfants de leurs parents afin que la violence et l’appartenance forcée (que Chiara recherche) à la mafia ne les contaminent pas, certes – enfin peut-être – enfin j’en sais rien – mais pour une fin heureuse peut-être
on fêtera dans les mêmes conditions (toutes choses égales par ailleurs : dans une autre famille – celle d’adoption) les dix-huit ans de Chiara… laissant, par là, les roms dans leur condition – blessés, dominés et parias
A Chiara un film de Jonas Carpignano
* Mimmo Lucano a écrit un livre, Grâce à eux chez Buchet-Chastel, sous titré Comment les migrants ont sauvé mon village. Titre original : Il Fuorilegge (Le Hors-le-loi). Dans ce livre, il explique qu’une des personnes qu’il a tenté de sauver s’est retrouvée morte brûlée vive dans le campement (à San Ferdinando, qui jouxte Gioia Tauro…) réservé aux parias de ce monde, déshérités, dominés, que sont les réfugiés : c’est à cette femme, Becky Moses, qu’est dédié ce billet. Pour ne pas oublier. La condamnation de Mimo Lucano a été actée par des affidés de l’ignoble Matteo Salvini (lequel est copain comme on sait et comme cochon et cul et chemise avec la fille du borgne qui nous promet de tels agissements – elle sera, j’ose le croire et ferai tout pour, renvoyée dans sa très chère résidence clodoaldienne (volée sur héritage, comme il se doit dans cette espèce d’engeance, par son ex-tortionnaire de père) dès dimanche prochain, vers vingt heures une).
une affaire de couple – de mariage – dans la haute – cette jeune femme (27 ans dit-on),
ce sont des choses qui s’arrangent encore – dans la haute – des tentatives infructueuses
(non, mais il y a des cinglés partout) – on se réunit, on en parle on essaye
on cherche – on se place du point de vue d’Hanako, l’héroïne adorable et charmante – spontanée, naïve – quelque chose de clair et tendre – on en parle aux amies
et on finit par trouver
mettons que ce soit la perle rare – mais qui est-ce au vrai ? un sms
de nuit
une connaissance antérieure – Hanako cherche à la rencontrer, elle y parvient
elles parlent – elles ne sont pas du même monde – mais elles se parlent
directement naïvement jte dis
il y a quelque chose de la tendresse, peut-être, de la loyauté sans doute aussi, et du rythme du monde car Miki bosse, Hanako non – et si elle travaille, cette jeune Miki c’est qu’elle ne peut pas faire autrement – elle se bat pour exister et survivre, en réalité – Hanako aussi, mais sur un mode mineure – alors les vues de Tokyo sont magnifiques et merveilleuses parfois (mais je n’en trouve pas dans les supports de promotion sinon celle-ci
stéréotypée peut-être)* – les vues de nuit manquent – mais Hanako se marie
grande pompe aristocratique – le temps passe, l’héritier hérite de la charge (financière certainement,mais politique aussi, apparemment) – la relation se délite – et puis l’histoire va son cours – Miki retrouve une amie avec laquelle elle va s’associer
Un jour
Hanako revoit Miki
l’appelle
l’arrête
et le film continuera – tendre, ironique peut-être – violent ensuite – mais Hanako existera par elle-même.
Une belle histoire, ville, cinéma – féminine et féministe.
Aristocrats, un film de Yukiko Sode
* : il faudrait évidemment s’interroger sur la possibilité de trouver, d’obtenir ou d’être invité à des explications soutenues par des illustrations – ce genre d’explicitation des conditions sociales de production des billets de blogs par exemple – ce qui rend possible cette production, par exemple – on ne dispose disons que des films annonce, et des dossiers de presse (parfois : pas ici par exemple) lesquels documents ne correspondent qu’à l’image ou la représentation que désire donner la distribution du film en question. Ici, la réflexion est particulièrement fondée parce que, bien que ce film soit une façon d’expliquer ou de montrer, d’illustrer, de représenter des rapports sociaux (entre classes sociales si tu veux), il se déroule dans un certain décor – cette ville de Tokyo magnifiquement filmée pourtant – une espèce de sensibilité – on ignore si elle née en cette ville, elle ne doit pas avoir quarante ans en tous les cas – on ne trouve rien sur cette ville : les images glanées en salle sont interdites, et ne donnent que des résultats moyens (impressionnistes disons) – je ne pousse pas non plus la recherche très loin, je ne me fais pas connaître des attaché.es de presse, je n’ai pas non plus le temps. Tout ça pour dire que la ville elle-même, celle de Tokyo ici, mais souvent toujours ou seulement parfois tient une place prépondérante, et qu’elle est , entre autres bien sûr, l’un des axes de ces chroniques.
très souvent je me pose la question de savoir à quoi peut bien servir une chronique au sujetd’un film de cinéma – ce genre de production n’a pas d’utilité (je n’aime pas le concept d’utilité) (j’agonis par ailleurs ce mode de production : réunir de l’argent d’ici et de là et d’ailleurs sur la foi (?) d’un scénario (?) de noms de potentiels acteurs, lancer la production les plans de tournage, les repérages arrêter les dates et les contrats, les assurances les visa les obligations légales et tout le bataclan) tout ce bruit pour rien si le public ne se déplace pas – si la télé ne diffuse pas – je me pose la question et je cesse de tenter d’y répondre
puis vient le moment où je me dis qu’il faut, comme un petit animal de compagnie, nourrir le blog-le support-le site-quoi que ce soit d’autre – quelque chose de l’aiR Nu en tout cas
le nourrir pour le faire vivre (anthropomorphisme débilitant peut-être ?) (mais non, la ville, le cinéma, la jeunesse)
C’est l’histoire d’un jeune garçon, il doit avoir dix ans
– il fait des fautes d’orthographe tout en tombant amoureux de son instituteur
mais ça ne se passe pas comme ça, la vie, l’amour tout ça – non – il vit dans une famille décomposée et recomposée – il reste et vit avec sa mère (employée du buraliste)
le film commence par le déménagement de la famille
se poursuit par une espèce d’acmé
où le jeune garçon comprend sans doute le sens de ce qu’on nomme (de ce côté-ci de l’âge et de la vie) la réalité (ou la raison ?)
le tout se déroule à Forbach
une petite ville de l’est de la France (quelque vingt mille habitants), désolée et perdue des anciennes industries minières qui y faisaient vivre (mais aussi mourir) le monde – on veut en partir j’ai le sentiment –
il s’agit (peu ou plus) d’une autobiographie – des acteurs, ici la compagne de l’instituteur (elle travaille au Louvre Metz)
le petit, c’est un élève de son mari/compagnon/époux, elle l’accueille, disons, avec gentillesse – puis le repousse avec rudesse
différence de classe sociale, différences des cultures – invitation au musée, découverte d’un monde si différent, si étrange, tellement meilleur croit-on –
histoire simple – initiation, peut-être – le petit s’en ira vivre sa vie quelque part
ailleurs, probablement en faisant du cinéma – cette image si jolie
et celle-ci où il marche sur le fil funambule d’un rail désaffecté
(il y a quelque chose comme de l’imposture à écrire sur le cinéma, à propos du cinéma – il y avait Michel Ciment qui proposait quelque chose sur Jane Campion je crois bien dans la librairie de l’avenue Jean-Jaurès – en haut, pas Texture) (pendant trois ou quatre ans je n’ai pas cessé d’écrire sur le ou à propos du cinéma – c’était dans les locaux de l’institut d’art et archéologie) (il (me) fallait aussi travailler)
Il s’agit d’abord ici d’un certain cinéma (pour preuve, on dispose – si on cherche un peu – de près de deux cents photos, augmentées de 3 ou 4 films annonce) (le »on » indique le tout-venant)
Il y avait aussi quelque chose de l’imposture aussi à travailler sur les publics – ce sont choses (au sens du « il faut prendre les faits sociaux comme des choses ») éphémères
Il en va aussi de l’imposture de la sociologie sans doute certainement obligatoire
non, je n’ai pas connu la guerre – il y avait sur la route de l’Aouina des sacs de sables entassés qui forçaient à ralentir – le chemin de la maison à la ville – Carthage à Tunis – les soldats portaient des armes – nous étions dans la quatre chevaux – il y a plus de soixante ans d’ici – et deux milliers peut-être de kilomètres
ce ne sont pas critiques mais simplement informations, souvenirs, remembrances
l’histoire d’un enfant de huit ou dix ans (Buddy, interprété par Jude Hill), un père parfois absent (il va travailler en Angleterre), une mère adorable – ça se passe donc en Irlande, du nord, Belfast – des grands-parents comme il doit en exister- le souvenir de la tabatière de mon grand-père et de son livre de prières (ou de contes, je n’ai jamais su)
c’est un film un peu maniéré – on était tellement content en sortant, enfin surtout moi – quelque chose de la vie rêvée – ça commence par une espèce de dépliant touristique vantant la ville de Belfast j’ai supposé – ça fait braire – en couleurs contrastées, une belle lumière, une prise de vue dronatique – et bien sûr que (aussi bien) les drones servent à tuer, à la guerre, à la mort – c’est dédié quand même « à ceux qui sont partis »
« et à tous ceux qui ont été perdus »
il y a quelque chose de l’autobiographie ou alors d’un filmage spectaculaire – tout le reste (ou presque) du film est en noir et blanc – raccord sur le temps
c’est ainsi – ici, une rue, une famille
il y a quelque chose aussi de la perfection, comme dans les souvenirs (de ma jeunesse) – tout est beau dans les gens de la famille, le père et la mère sortent d’un dépliant publicitaire – aussi – ils dansent et s’aiment – ils se parlent et se disputent – ils optent et décident ensemble – ils s’aiment et vivent, veulent vivre, survivre à la guerre civile qui dévaste le pays –
les relations de voisinage, les enfants les gens, les parents qui se connaissent qui se jaugent qui se battent – la guerre, civile peut-être, mais la guerre et les morts – mais non – les enfants rient, jouent dansent aussi – je me souviens bien de n’avoir rien vu – il y a quelque chose qui subsiste quand même quand la lumière se rallume, on a remis son manteau, on l’a refermé, au cou l’écharpe de Chypre ou d’Istanbul – émerveillés parce que c’est ce qu’on voulait nous dire et faire comprendre : mais il ne reste rien – le cinéma s’évapore les plans sont montés collés les uns aux autres la musique (ici Van Morrison : formidable, juste et gaie dansante belle) le mixage – quelques manières jte dis c’est vrai, des plans au ras du sol, des effets, du style – mais un amour, vrai je suppose, et de la ville et des acteurs
il y a cette imposture des images fixes pour relater quelque chose qui n’existe plus (c’était la fin des années soixante, les catholiques et les protestants se tuaient les uns les autres – on posait des bombes – on sacrifiait des innocents ou des coupables) (souviens-toi de Bloody Sunday (Paul Greengrass, 2002)) – (un de ces types qui disait dans le poste « je lui ai réglé son compte » – une émission sur la guerre d’Algérie, on en a mémoire) – ce sont juste des hommes, des êtres humain, des hommes que la guerre défait – nous autres alors, les enfants, ne comprenions rien (il n’y a rien à comprendre, c’est vrai) – ainsi que Buddy qui n’aime qu’elle (Olive Tennant dans le rôle de Catherine,jeune fille blonde mais/et catholique)
il ya quand même quelque chose de formidable (quoi qu’il puisse en être des conditions de production, des acteurs magnifiquement beaux, des cadrages excessifs et des couleurs passées de noir et blanc – ces choses afféteries effets clins d’œil connivents – il y a ces répliques formidables) dans cette scène
Buddy et son père- le premier « oui, mais elle est catholique… » et son père : « quelle que soit sa religion, protestante, catholique, hindou ou vegan sataniste, l’important c’est ce qu’elle est, elle » – je cite de mémoire – on s’en fout des catégories – même si elles sont intégrées à nos façons d’être – on s’en fout –
parce qu’on est vivants et humains et qu’on le reste
jusqu’à
la guerre, quelque chose de l’imposture, la guerre civile (Espagne 36, Chili 73, Algérie 91, Yougoslavie ça n’existe plus, Ukraine 22…) la honte des nations (j’en oublie tant)
Une ville de Géorgie (ça se trouve à cheval entre l’Asie et l’Europe, sur le bord est de la mer Noire) traversée par un fleuve, magique, ex-capitale de cette république (convoitée par le tsar immonde) – le film n’en est pas là : aujourd’hui comme tous ces derniers jours, il y a quelque chose comme de la sidération dans l’air du chroniqueur. Vivre, enfin continuer à vivre (ce billet, en direction de l’Ukraine). C’est un film formidable. Adorable, gai heureux donnant joie de vivre et entrain, avec des enfants qui jouent au foot, des adultes qui travaillent (des professions peut-être improbables, mais des professions) il faut bien manger – on regarde le ciel, c’est une histoire d’amour et une histoire de cinéma – une histoire d’amour du cinéma aussi bien, parallèle, film dans le film, mais la ville, cette ville et ses ponts, le blanc comme le rouge, une ville avec ses croisements habités par des esprits, ses fenêtres et ses maisons, les amitiés les rencontres – une ville Le réalisateur a étudié à Berlin, dans une école de télévision mais on s’en fout un peu Il fait jouer sa mère et son père – on pense à Scorcese et à sa mère – une vision du monde, de la beauté des choses et des relations entre humains, une vraie merveille dans ces temps troubles et haineux Les images qu’on montre ici réunissent les protagonistes : une jeune femme qui étudie la pharmacie
un jeune homme qui joue au football
peut-être professionnellement – ils ne se rencontrent pas à l’image (ici la première du film)
on y voit des chiens
ce sont des êtres qu’aiment le réalisateur –
et aussi les enfants –
partout
(ici c’est la fin du film – ils montent l’escalier, vont s’installer là-haut contempler quelque chose – ils jouent –
) ils jouent partout
séquence magnifique où une onzaine d’entre eux
regardent le ciel (la onzaine (comme au football) a quelque chose à voir avec la suivante qui mangera des glaces, laquelle réfère Bondo Dolaberidze autre réalisateur géorgien)
beaux comme des astres – une merveille
j’aurais voulu saisir le cafetier- il paraît que c’est une star au pays – ça ne m’étonne guère –
le voilà en chemise jaune qui chronomètre, sur le pont blanc, Giorgi pendu – il est loin – on voit le ciel
au loin les montagnes magiques – le cinéma qui se fait devant nous (un peu comme celui de Aki Kaurismäki : on le croit parce qu’on le voit) – les décors les acteurs – les techniciens et l’artisanat d’un art qu’on aime tant –
une pure et vraie merveille
deux heures et demie qui passent comme un rêve – le soleil, la lumière – elle
et lui
qui ne se voient que mal ou peu ou qui s’évitent, un sort, des mots, des êtres
le vent – l’eau – la vie simple – un croisement, la nuit
formidable
Sous le ciel de Koutaïssi, un film (magique, probablement) d’Aleksandre Koberidze (là, en georgien, sous titré en anglais)
la petite couronne, la ceinture rouge, la banlieue : Ivry-sur Seine jouxte Paris – ici dans les années quatre-vingt on officiait en enquête dite « poubelles » – le temps est passé – la cité Gagarine est détruite, il n’en reste rien que des oripeaux pour laisser place à entre autres une extension de gare – « faire et défaire c’est travailler » et « quand le bâtiment va tout va » – le film prend pour héroïne principale cette cité, dite alors Gagarine (on y voit des bandes d’actualités de l’époque, le tout début des années soixante, où le cosmonaute Youri Gagarine vient en personne inaugurer en 1963) (non loin, une autre du même ordre, dite Maurice Thorez, bâtie en 1953, est un des décors de ce film-ci – enquêtée par votre serviteur d’ailleurs – mais pas la Gagarine)
J’ai souvenir d’un film titré Soldat de papier (Aleksey German Junior, 2008) qui raconte l’aventure (disons) des premiers cosmonautes (une merveille, tragique sans doute)
Cette époque-là, le début des années soixante, et aujourd’hui le début des années vingt, ont-elles quelque chose de commun ? Sinon ces établissements de briques, ces décors et ces gens donc ? Les conditions de production de ce film, en tout cas, semblent porter quelques traces de l’époque antérieure. Une impression onirique, quelque chose d’inatteignable peut-être : ce serait un rêve
une volonté sans faille
pour un désir peut-être permanent – à l’image Youri (Alseni Bathily) qui veut sauver cette cité de la démolition – il s’y emploie avec ses amis (si on criait « la liberté ou la mort ! » ici lui crie « Gagarine for ever ! »)
et donc il repeint
répare le réseau électrique, les ascenseurs, les ampoules
– en pure perte ? Peut-être pas – pas complètement sans doute – les lieux où se déroulent l’action (disons) se présentaient ainsi, il n’y a que dix ans peut-être
on avait demandé aux deux réalisateurs un film d’un quart d’heure avec les habitants du quartier (le « on » de la phrase précédente serait à déterminer – je suis un peu, dans ces circonvolutions, comme celui qui (toutes proportions gardées, hein) chevauche sa Rossinante et adore sa Dulcinée) et cette situation (sacrée sans doute) a le don de ma fatiguer) (apparemment les architectes en charge de la démolition qui se trouvent être des »amis » des réalisateurs) – en est sorti sans doute aucun le film demandé mais aussi celui-ci je suppose – Youri n’est pas que bricoleur, il est aussi astronome (je ne dis pas « amateur » qui a le don de dévaloriser) – il aime regarder le ciel – on observera donc l’éclipse (une allégorie)
à travers des lunettes assombries
on a tourné dans ces murs de briques rouges (le béton des années 60, l’amiante de ces heures-là, rouges comme la ceinture détruite de nos jours – on oublie, on détruit, on reconstruit – le bâtiment va – il y avait là des gens – ça ne fait rien, on va danser -à trois pas, une cité nommée Maurice Thorez reste encore sur ses fondations (on y a tourné quelques plans)
Ivry-sur-Seine au sud de Paris – à présent la zone se nomme Gagarine-Truillot (elle se composera d’un agro-quartier) – rien n’est perdu peut-être – et peut-être pour une occasion, cette occasion on a dansé sur les toits
on a ri
on a chanté
c’est sans doute parce qu’on y croit
puis moins
mais dans l’histoire, il faut une histoire tu sais bien, il y aura cette jeune femme romanichelle probablement
séduite
par la passion de Youri
et d’autres encore, comme ce vendeur de cannabis – d’abord peut-être acariâtre puis amical –
ici dans le jardin suspendu réalisé par Youri dans l’immeuble qu’il est désormais le seul à habiter – ici une autre locataire de l’immeuble (avant démolition, indiscutable terreur)
et les choses comme les choses iront, que Diana désire partir
ou pas ne changerait rien – qu’on danse encore (formidable séquence que celle de Dali dansant comme un derviche
) le temps fait son œuvre ainsi que tourne
, toujours, le monde
qui jamais ne cessera de tourner
Gagarine, un film de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh
Youri : Alséni Bathily
Houssam : Jamil McCraven
Diana : Lyna Khoudri
Fari : Farida Rahouad
Dali : Finnegan Oldfield