Téhéran

entre ici - comme disait l'autre - mais abandonne tout espoir d'un billet post chronique critique ou quoi que ce soit d'autre de l'ordre de l'efficace ou de la vitesse prêt-à-porter ou penser - on n'a pas envie de s'amuser

On n’a pas envie de s’amuser avec ces affaires-là mais ça ne les empêche pas (malheureusement sans doute) d’exister. Je poserai (sans autorisation ni demandée ni accordée) la tribune publiée dans le canard ces jours-ci par Pinar Selek (dont on sait qu’un pouvoir voisin cherche à effacer et la trace et la vie) . On sait aussi que les deux réalisateur.es de ce film sont en but à toutes les turpitudes d’un même pouvoir dans un autre pays (mais cette gale semble s’étendre ici et partout) : je pose leur image, pour ne pas oublier.

Une image du dossier de presse (parfois, je me demande à quoi peut bien servir le cinéma : ici, pour une fois – mais c’est quand même aussi toujours le cas – pour que leur existence même soit défendue – et leur droit à vivre et travailler) : (sic)
Maryam Moghaddam est née à Téhéran. Actrice, scénariste et réalisatrice, elle est diplômée de l’école des arts du spectacle de Göteborg, en Suède. Elle s’est produite dans divers théâtres suédois et a joué dans des films iraniens tels que PARDÉ (2013) de Jafar Panahi et Kambuzia Partovi, Ours d’argent lors de la 63e édition de la Berlinale.
Behtash Sanaeeha est né à Shiraz. Après avoir obtenu son diplôme d’architecte, il écrit des scénarios et réalise des courts métrages, des documentaires et des publicités. Son premier long métrage RISK OF ACID RAIN (2015) est programmé dans plus d’une trentaine de festivals internationaux.

Ce n’est pas le lieu, mais ce ne sera pas non plus le silence : le film dont on parlera est sorti ici il y a quelques mois, depuis les réalisateur.es, les actrices et les acteurs aussi sans aucun doute, sont harcelés (le mot n’est pas usurpé, pour une fois) par un pouvoir religieux et borné (lapalissade) (de l’autre côté, il ne l’est pas moins : la plus grande démocratie du monde est elle aussi sous la coupe de fous (très souvent masculins, certes) élus cependant – les conditions des élections sont de plus en plus soumises à caution… mais dans les années vingt et trente du siècle dernier, ce sont les urnes aussi qui portèrent au pouvoir les plus odieux personnages…)
Ce n’est pas le lieu, mais où serait-il donc, alors ?
c’est trop ambitieux me dis-je.
Tant pis.

Téhéran donc, une veuve cherche de la compagnie – celle-ci s’enfuit

elle se promène dans un parc s’arrête s’assoit

on arrête une jeune fille aux cheveux roses

(si je regarde le « gardien de la révolution » (en uniforme, galonné, emberetté, ordinaire) je vois aussi sa substitute à l’index levé – et je pense à Evin et à Fariba Adelkhah)

mais elle n’a pas peur – la jeune fille est enlevée (on pense à Mahsa Amini (et à tant d’autres) : le film a été tourné avant) son amie s’en ira

(non, jamais…) ainsi notre héroïne s’en va (Lily Farhadpour) – un restaurant réservé aux anciens soldats (elle a hérité de son mari le droit de s’y nourrir) – seule : mais y déjeune un chauffeur de taxi (c’est une histoire simple

d’amour, si tu veux)

Alors on se présente

et puis

(interprété par Esmail Mehrabi) ce sont de vieilles gens (dans les soixante-dix), lui travaille encore – il la raccompagne donc, il pleut quand il passe par une pharmacie

elle lui propose de rentrer chez elle (quelque chose d’assez rare, difficile, audacieux : presque un scandale… et pire 🙂 il accepte

elle en est heureuse, lui offre à boire – il accepte encore

mais une voisine survient (qui surveille, ainsi que la femme en noire qui tout à l’heure qui levait l’index)

et elle ment, Mahin, et sans la moindre honte : peu importe – l’autre s’en va – et les deux vivent s’amusent rient dansent

boivent – on fait même un selfie

ils boivent encore, trinquent, mangent – s’amusent donc, se mettent à danser

et puis puisque c’est fatigant, qu’il fait chaud, que le vin aide à faire monter la température

et que les esprits s’échauffent

on se retrouve sous la douche – et puis et puis on parle et on se livre

la cuisine et la pâtisserie donc, comme promis

et mettre à cuire

Le film s’achève.

Mon gâteau préféré, un film qui nous vient d’Iran, réalisé par Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeela

Je fais suivre ici cette chronique en date du 7 avril 2025, qui nous parle de ce que subissent celles qui tentent de vivre librement

Dans une tribune au « Monde », la sociologue turque alerte sur le sort de trois militantes condamnées à mort par le régime de Téhéran.


Pinar Selek : « Agissons pour empêcher l’assassinat de trois féministes iraniennes »


Il faut agir de toute urgence pour empêcher l’assassinat de prisonnières et de prisonniers politiques en Iran. Récemment, les recours contre les condamnations à mort de trois féministes – Pakhshan Azizi, Sharifeh Mohammadi et Varishe Moradi – ont été rejetés. Leur exécution est imminente. Les bourreaux se tiennent prêts. Cela peut survenir à tout moment.
Parmi elles, Varishe Moradi, féministe kurde incarcérée à la prison d’Evin, est dans un état de santé alarmant. Blessée au combat contre Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique], elle porte encore dans son corps des éclats d’obus qui lui causent d’atroces souffrances. Jamais soignée, elle est abandonnée à la douleur par un régime qui la punit pour avoir résisté à la barbarie islamiste. Son état s’est récemment aggravé, au point que les autorités ont dû la transférer à l’hôpital. Les médecins de l’hôpital, comme ceux du dispensaire de la prison, ont confirmé qu’elle avait un besoin urgent d’examens, de soins et d’opérations. Pourtant, tout traitement lui est refusé. Elle reste privée de soins médicaux et de médicaments.
A travers le corps des femmes, le régime répressif vise le mouvement Jin, jiyan, azadî (« femme, vie, liberté » en kurde), déclenché en 2022 par la résistance et l’assassinat de Jina Mahsa Amini et porté par les sorcières contemporaines : celles qui dansent sous les balles en proclamant l’urgence de la liberté, de la laïcité, de la démocratie et de la justice sociale.
Le miracle de la solidarité
Pour étouffer ce soulèvement, le régime iranien déchaîne une violence arbitraire contre toute la population, visant en premier lieu les femmes. Celles qui veulent la liberté. Celles qui osent. Et il s’alimente des ombres de tous les fascismes – de Kaboul à Washington, de Budapest aux murs qui se dressent contre les exilées et les exilés. Ces régimes, qu’ils brandissent religion, tradition ou nationalisme, savent que le privé est politique. Et que sans féminisme, il n’y a pas de lutte efficace contre les fascismes.
Il nous faut faire preuve d’une audace collective. Pakhshan, Sharifeh et Varisheh n’attendent pas seulement la mort. Elles attendent aussi, avec un demi-espoir, le miracle de la solidarité.
Comme le disait Hannah Arendt (1906-1975) : « L’être humain possède manifestement le don de faire des miracles. Ce don, nous l’appelons dans le langage courant agir, qui signifie la capacité de déclencher de nouveaux processus. » Elles attendent de nous tous que nous réunissions nos forces. Applaudir ne suffit pas. Evoquer leurs souffrances ne suffit pas. Ne restons pas de simples témoins d’un crime annoncé, soyons les artisans d’un miracle. Nous avons la responsabilité d’intervenir pour empêcher ce crime.
Si, aujourd’hui, la communauté internationale, les organisations de défense des droits humains et toutes les personnes éprises de justice élèvent leur voix et agissent sans délai, ces assassinats peuvent être empêchés. Demain sera trop tard. Il faut agir pour la vie. Jin. Jiyan. Azadî.


Pinar Selek est une sociologue, écrivaine et militante féministe turque, maîtresse de conférences à l’université de Nice Côte d’Azur. Elle a dernièrement publié Le Chaudron militaire turc (Editions des femmes, 2023).

et puis

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