Lyon, Roubaix, Nice

C’est un premier film (long métrage, un premier) et c’est à ce titre sans doute qu’on en dit quelque chose : on l’a vu à Romainville au Trianon – une salle de la banlieue de Paris nouvellement reliée à la ville dite intra muros par le métro (Châtelet-Rosny-Bois-Perrier dit la ligne – onze dit la wtf régie) et le réalisateur en parlait après la séance (on n’est pas restés, on avait faim) – il y avait dans l’entrée une table garnie de spécialités culinaires libanaises (j’ai acheté un petit paquet de zaatar que j’ai donné ensuite à ma fille comédienne). Cela n’aurait qu’une importance anecdotique et relative (mais les détails et les anecdotes sont l’un des sels de la vie) si l’époque n’avait pas cette puanteur (due à cette extrême droite dégueulasse – permettre et pousser à tuer des avocats en donnant leurs noms et leurs adresses, permettre et oser faire craindre des balles dans la nuque à d’autres corporations, la grande classe comme on voit : c’est ici, dans ce beau pays – celui des libertés). Donc, on sait grâce à ce cinéma de faire une place à celles et ceux qui décidément seront de plus en plus nombreux : et ici et ailleurs, j’ai nommé les étrangers… Et justement voilà que notre héros (Sofiane, dit Souf par ses relations) qui jouit d’une vie assez dissolue se trouve rattrapé par une OQTF (obligation de quitter le territoire français) cette infamie directement inspirée de l’idéologie de cette extrême droite odieuse . Souf est ennuyé : il n’est pas français… mais une solution pour rester sur le territoire dit national (ainsi qu’un front, qu’un rassemblement ou qu’une révolution, le tout de mémoire abjecte) consisterait à trouver un contrat de travail à durée indéterminée – la nation est un concept assez frelaté, je reconnais – ne parlons pas de la patrie, steuplé. On en parle, et il trouve à s’employer comme croque-mort : une relation paternelle (lequel est diplomate), on l’engage, vient mon ami lui dit-on : il était à Lyon, il déménage à Roubaix. Croque -mort cependant d’un genre particulier : musulman. Et voilà Sofiane qui rencontre le Hadj (Kader Affack, taiseux…)

lequel lui apprend un métier que Souf (Hamza Meziani, tout à fait convaincant) n’a aucunement l’intention d’embrasser. Nettoyer les corps morts a quelque chose de certainement assez particulier

ainsi qu’une ambiance difficile à supporter. Nécessité fait loi. Voilà Souf installé, et qui s’en va laver son linge

assez saisi par son nouveau métier (il voit des mort.es partout) mais celle-ci est bien vivante

Rachel (Magdalena Laubisch, sensible)

: coup de foudre sans doute – tout est plus compliqué cependant – mais le film va son chemin – Sofiane parcourt un chemin, commence sans doute à comprendre – Hadj est muet se tait et fait le travail : Sofiane apprend. Comprend sans doute, ce qui se fait sans un mot.

Quand même Sofiane ne serait pas musulman : quelque chose qui n’a, tout simplement, aucune importance. Des choses avec sa famille, d’autres avec Rachel : Sofiane sans doute troublé, tourneboulé, ballotté mais retrouvant son prénom… – ici en visite

à la mosquée, Rachel qui trouve cela exotique, sans doute

le film bifurque : voilà Sofiane s’en allant à Nice tenir une officine : liturgie

nombreux rituels et puis et puis…
Le film suit son chemin, comme Sofiane le sien.
Une sorte d’initiation diaphane – à peine forcée – mais des valeurs, une humanité, des propos, des acteurs et des actrices tout à fait à la hauteur.

Six pieds sur terre un (premier long métrage) film réalisé par Karim Bensalah

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