Nos îles numériques

entre connexion et déconnexion


Autoroute

jeudi 1er octobre 2020, par JS
.Ce texte fait partie de la grande page navigable "Œuvre en cours".

Pour réduire le risque de devenir porteur du virus, alors que sa progression reprend partout, plutôt que d’emprunter le RER pour traverser l’Île-de-France de Noisy à Cergy, et pour un cours de deux heures — déjà la notion de "cours", je m’y suis laissé emporter un peu malgré moi parce que je laisse trop faire les choses et refuse le refus — tout au bout d’un trajet d’1 h 30 à 1 h 45 dont 1 h à 1 h 20 dans le train, j’ai préféré prendre la voiture quand j’ai vu sur l’itinéraire de mon téléphone le temps réduit de plus de vingt minutes à l’aller. Je me suis dit qu’il suffirait d’attendre la fin des gros bouchons pour revenir en un temps cumulé au plus égal à celui du train. Mais c’était sans compter la fatigue, la faim, les prises irrégulières de Xanax dans la semaine.

Tout d’abord sur l’A4, je regardais quoi ? Le tableau de bord et l’écran indiquant la vitesse pour vérifier que j’étais bien sous 90 ? L’écran de sélection des stations de radio ? Ou le téléphone, fixé à son support sur le pare-brise, pour choisir un podcast ? Quelque chose en moi a relevé les yeux de cet écran pour voir la voiture devant moi se rapprocher dangereusement vite. Elle était comme immobile, ses feux arrières rouges, je ne ralentissais pas assez vite, je ne freinais à vrai dire même pas. Au moment de la voir j’étais déjà si près et si vite (86) que je ne pouvais pas freiner sans lui rentrer dedans. Alors je l’ai doublée par la droite, par un heureux hasard la file était vide à cet endroit. Ensuite, j’ai pu ralentir et, un peu plus loin, bouchonner comme tout le monde.

Moins de dix minutes plus tard sur l’A86, un camion déboîte sans me voir et moi aussi sans le voir jusqu’au moment où mes bras font un mouvement de volant qui me sort de mon engourdissement et des tremblements de la peur précédente. J’évite le camion en passant sur la file de gauche, et j’accélère, et le dépasse.

Deux coups de chance car j’ai changé de file deux fois au dernier moment et il n’y avait personne qui arrivait par derrière, j’avais juste eu le mouvement réflexe d’éviter mais pas celui de regarder dans un rétroviseur.

Encore plus tremblant et ma tête pesant trop lourd, je suis sorti dès que possible pour rejoindre la première chose que j’ai vue en bordure de la grande route : le centre commercial de Rosny 2. Je me suis garé dès que possible, à la première place disponible, dans un grand parking sous un autre parking, le long du centre. Je tremblais quand je suis rentré dans l’immense galerie marchande, où je me suis perdu un peu avant de pouvoir m’asseoir, commander à manger, et envoyer un SMS. Le cours n’aurait pas lieu en ma présence.