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Villa Mosaïque

jeudi 20 décembre 2018, par Manel Khefif

Villa Mosaïque

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Rue pavée et large, sur laquelle claquent les souliers noirs d’une jeune femme à la jupe mousseline qui épouse les virevoltes cadencés de ses pas légers. Aux alentours et loin d’elle les immeubles ne montent pas haut. Une tarte aux pommes refroidit sur le rebord d’une basse fenêtre qu’un chat de gouttière observe derrière le rideau des voisins.

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Le chat saute et traverse la très large rue, cela lui prend un certain temps. Puis il s’arrête, prend son élan et saute une deuxième fois pour atterrir à coté de la tarte. Il descend son museau et le relève, observe les lumières jaunes et le sucre roux qui craquellent sur les pommes dorées, il lève la patte et une petit main la rattrape : « Non minou, ce n’est pas pour toi ». La petite fille portant une couronne de deux tresses remontées jusqu’à son front l’agrippe à plein bras et l’emmène à l’intérieur de la maison.

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Je balance ma tête en arrière sur le banc et mal à l’aise, le ciel m’apparait plus vaste que mon médiocre siège, trop étroit, trop lise, trop résistant. J’ignore si m’installer ici est une bonne idée finalement.

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Le chat fini par échapper à la petite fille aux tresses et traverse la rue dans l’autre sens à toute vitesse. A l’étage au dessus, quelqu’un referme les volets, pourtant le soir est en train d’envahir le ciel. La fatigue sans doute, toujours la fatigue, partout en ville ou ailleurs, les gens sont fatigués, moi aussi j’ai bien envie de dormir sur ce banc qui garantit l’inconfort. Il est vrai que le calme de la rue s’y prête bien. Il n’y a pas un chat, enfin si, celui qui a lamentablement échoué à sa mission et est piteusement rentré chez lui. Je me demande si Alaska se plairait ici. Je me demande s’il trouvera d’autres chiens, je n’en ai pas vu pour le moment.

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Au deuxième étage, un moineau chante sa captivité dans une cage aux barreaux résistant sur une balançoire, trop étroite, trop lise. Le pauvre.

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Un rose explose au troisième étage dans une chambre qui fut la première à s’illuminer. Je ne regarde pas l’heure, il fait trop bon. La brise traîne une feuille qui pénètre dans une chambre au dernier étage baigné d’une lumière bleue, celle du dessous est jaune. Et celle du dessous encore est verte. Moi j’en aurais une pourpre, et pourquoi pas rouge ? C’est beau le rouge, c’est profond et fort. Comme les meubles de la cuisine du troisième qui apparaissent à chaque fois que les rideaux sont soulevés par le vent.

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Au quatrième, une jeune étudiante est à sa fenêtre, c’est dingue de ne pas l’avoir vu avant, la lumière rouge de sa cigarette brille dans le crépuscule. Et ses boucles dorées dérangées sont farouche et jolies tandis qu’elle observe les nuages orange sur un ciel en décantation. Puis elle baisse ses yeux jaunes qui croisent mon cœur rouge.

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C’est décidé, je déménage.

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